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Pourquoi le PTB est le grand gagnant potentiel de la crise sanitaire

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le parti d’extrême gauche continue à progresser dans les sondages: il profite d’un air du temps qui le sert, du discours populiste de ses tribuns et d’un axe PS-Ecolo mangé dans des coalitions ‘centristes’. Une évolution potentiellement dangereuse.

Le PTB progresse partout dans le dernier Grand Baromètre Le Soir/RTL/Ipsos publié en fin de semaine. Avec 19% des intentions de vote en Wallonie (contre 13,8% au scrutin de mai 2019), il devient le troisième parti et fait pratiquement jeu égal avec le duo PS-MR. En Région bruxelloise, avec 16% (contre 12,3% en mai 201), il reste quatrième, mais se mêle, là aussi, à la lutte pour la tête, dans un mouchoir de poche réunissant Ecolo, PS et MR. En Flandre encore, il progresse, dans une moindre mesure (8,2% contre 5,6%).

Bref, le PTB n’est plus une surprise ou un underdog, il s’enracine dans le paysage politique et s’avère être le principal vainqueur de la crise sanitaire, sur le plan politique. Cela s’explique pour trois raisons et induit au moins une réflexion sur l’évolution potentiellemen dangereuse que cela représente.

1 Un air du temps qui le sert

La crise sanitaire, qui ravage le pays depuis un an, inscrit les préoccupations des Belges dans le sens des combats de l’extrême gauche. Premièrement, la question de la santé est prioritaire, avec toutes les questions que cela pose aussi en terme de service universel: songeons, pour l’instant, aux débats sur les vaccins, et à la grogne diffuse face aux multinationales de la santé.

Deuxièmement, la fracture sociale n’a sans doute jamais été aussi marquée dans la société. En lien avec les conséquences immédiates de la crise et sa gestion au jour le jour par ceux que sa figure de proue, Raoul Hedebouw nomme les « classes laborieuses », qui continuent le travail à moindre coût ou sont à l’arrêt, alors que les classes supérieures en profitent. Mais aussi, potentiellement, à plus long terme, quand il s’agira de tirer les leçons socio-économiques de cette crise, une fois levé le filet de sécurité des aides octroyées par les autorités.

https://twitter.com/RaoulHedebouw/status/1370443297555152906Hedebouw Raoulhttps://twitter.com/RaoulHedebouw

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2 Des tribuns aux accents populistes

Le PTB est désormais très bien représenté dans les différentes assemblées du pays et tire profit de cette tribune. Raoul Hedebouw, Sofie Merckx, Germain Mugemangango ainsi que les nouveaux venus sont toujours ceux qui crient le plus fort lors des débats, ne lésinant pas sur les ficelles outrancières ou les allures d’acteurs de music-hall. Et il faut bien dire que la gestion de la crise sanitaire, jusqu’ici, est du pain béni pour eux. « S’il y a bien un truc qui n’est pas communautaire en Belgique, c’est la capacité à avoir géré la pandémie, disait encore Raoul Hedebouw dans une interview, vendredi. Que ce soit du côté fédéral ou des Régions, c’était le chaos. C’est incroyable! ».

Le PTB sait aussi surfer sur d’autres dossiers sensibles : au parlement wallon, il ne cesse de demander des commissions spéciales ou débats d’actualité à chaque rebondissement de l’affaire Nethys (même…quand cela est déjà prévu). La question de la norme salariale, au fédéral, le sert encore avec cette grève annoncée fin du mois. En un mot comme un cent, le PTB profite des « raisins de la colère » semés un peu partout. Avec un discours de lutte des classes qui n’hésite pas à glisser vers une opposition entre les élites et le peuple.

3 Des majorités « centristes »

Avec le PS et Ecolo, si l’on en croit les sondages, la gauche en sens large recueille désormais bien plus de 50% des voix, tant en Wallonie qu’à Bruxelles. Autrement dit, le choix des électeurs se renforce par rapport à 2019. Or, les majorités au fédéral et en Wallonie se situent au centre avec l’arc-en-ciel PS-MR, un zeste plus à à gauche à Bruxelles avec l’alliance PS-Ecolo-DéFI. En tout cas, il y a un décalage entre l’expression des urnes et la gestion. La faute, en partie, … au PTB qui a posé des demandes démesurées lors des discussions avec le PS, l’été 2019. Mais avec sa logique de « rupture », l’extrême gauche sort gagnante à tous les coups.

Le PS peut désormais trembler : si l’on en croit la tendance des sondages, il pourrait tout simplement… perdre sa domination à gauche au profit du rival extrémiste, ce qui serait du jamais vu. Précision utile ; le MR est bien conscient de cette évolution et ne rate jamais l’occasion de valoriser le PTB, en menant même des débats avec lui, tout en dénonçant sa dangerosité et des médias « à sa solde » – il n’y a, c’est vrai, guère de filtre au sujet de ses déclarations multiples au sud du pays.

4 Le danger d’un pays ingouvernable?

Le PTB ne cesse de progresser à l’extrême gauche. A l’extrême droite, le Vlaams Belang accuse un peu le coup dans ce Grand baromètre de mars (23,6% contre 26,5% lors du sondage de décembre, mais 18,7% en mai 2019), mais reste potentiellement le premier parti flamand. L’équation reste la même en vue des prochaines élections (même si 2024, c’est loin): le pays risque d’être de plus en plus difficile à gouverner en raison du score de ces deux formations « hors cadre ».

Est-ce à dire que la tentation de former des coalitions inhabituelles grandira, au nord et au sud, pour tenter de « mouiller » PTB et Vlaams Belang? Arrivera-t-on à une situation de blocage du pays qui servirait les indépendantistes flamands ou à un climat « révolutionnaire » qui nourrira les radicaux? C’est certainement tôt pour en juger, mais en tout état de cause, cette pression extrémiste risque de peser sur le débat politique en Belgique, ces prochains mois.

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