Ettore Rizza

Pourquoi il fallait un jour libérer Michelle Martin

Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

A moins d’un énième retournement de situation, l’ex-femme de Marc Dutroux devrait quitter sous peu la prison de Forest pour rejoindre le couvent des clarisses à Malonne, près de Namur.

Ainsi en a décidé ce mardi le Tribunal d’application des peines de Mons, qui a finalement donné droit à sa demande de libération conditionnelle. Cette décision n’a rien d’anodin. Elle choquera à juste titre les familles des victimes, une bonne partie de la population y verra un déni de justice. Et pourtant cette libération respecte à la fois le droit formel, que l’on peut toujours critiquer, mais aussi la justice et l’équité. Voici pourquoi.

Quelle que soit l’horreur que nous inspirent ses crimes, quel que soit l’impact que l’affaire Dutroux a pu avoir sur la Belgique, les faits sont là : Michelle Martin a été condamnée en 2004 à 30 ans de prison. Écrouée depuis 1996, elle a purgé plus de la moitié de sa peine. Seulement la moitié, dira-t-on. De fait. Mais n’oublions pas qu’en 2004, la cour d’assises d’Arlon s’est prononcée en toute connaissance de cause. Les douze jurés savaient que Michelle Martin serait libérable sous condition dès 2006, au tiers de sa peine, et risquait de ne passer que deux ans de plus derrière les barreaux. S’ils avaient souhaité que Michelle Martin croupisse réellement 30 ans à l’ombre, leur verdict aurait été plus sévère et assorti d’une mise à disposition du gouvernement, comme ce fut le cas pour Dutroux.

En Belgique, pour un détenu, demander une libération conditionnelle constitue un droit. Le Tribunal d’application des peines peut s’y opposer, certes, à condition que cette demande présente des « contre-indications ». Or, objectivement, quelles menaces cette femme de 52 ans ferait-elle peser sur la société ? La récidive ? La probabilité qu’elle retombe de sitôt sous la coupe d’un tueur psychopathe paraissent bien faibles. Importuner les familles des victimes ? Elle logera jour et nuit dans un couvent situé à près de 80 km de Liège. Passer outre les conditions de sa libération et s’évaporer dans la nature ? Un visage si célèbre dans l’Europe entière ne saurait se dissimuler bien longtemps.

Souhaiter que certains « monstres » puissent être isolés à jamais du genre humain est une réaction humaine. Il en ira sans doute ainsi pour Marc Dutroux, tant les « contre-indications » à sa libération resteront légion pendant encore des décennies. Michelle Martin, elle, devait être libérée un jour, c’était écrit. Alors pourquoi pas aujourd’hui ?

Sans doute Michelle Martin aurait-elle moisi en prison pendant encore 15 ans si sa libération avait dépendu d’un ministre de la Justice. Mais souvenons-nous : c’est justement à cause de l’affaire Dutroux que les libérations conditionnelles ont été retirées au pouvoir exécutif et confiées à un Tribunal d’application des peines. Contester aujourd’hui cette juridiction constituerait un dangereux retour en arrière.

E.R.

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