Coronavirus - Le couvre-feu entre en vigueur aux Pays-Bas © belga

Pourquoi il est difficile de mesurer l’effet du couvre-feu

Muriel Lefevre

Le maintien du couvre-feu dans les trois Régions du pays est de plus en discuté. Cette mesure guère populaire prête d’autant plus le flanc à la critique qu’il est très difficile d’estimer l’impact précis du couvre-feu en tant que tel.

La fronde contre le couvre-feu vient principalement de la N-VA, qui dirige le gouvernement flamand. « Le couvre-feu est une atteinte très grave à notre liberté », affirmait encore dimanche le ministre-président flamand Jan Jambon. Le parti nationaliste a annoncé le dépôt d’une proposition de loi pour réclamer sa levée rapide. Le MR, lui aussi, estime qu’il doit être rapidement remis en question et, surtout, qu’il ne peut rester en vigueur lorsque l’horeca rouvrira ses portes. A Bruxelles aussi cela grogne. Il faut dire que c’est la seule région à le maintenir entre 22h à 6 h du matin au minimum jusqu’au 31 mars. Pour expliquer cette décision, on avance la situation sanitaire en Région bruxelloise qui est de 360 cas pour 100.000 habitants. « Une grande partie de la population ne comprendrait pas qu’on recule le couvre-feu à minuit alors que les chiffres sont mauvais », a encore précisé Charles Picqué (PS). Le retour des beaux jours avait pourtant incité plusieurs bourgmestres à plaider pour un couvre-feu à partir de minuit, une demande qui leur paraissait raisonnable, mais qui n’a, pour l’instant pas été entendue. Une prochaine réunion se tiendra le 26 mars, après le Comité de concertation.

Une corrélation difficile à prouver et des études qui se contredisent

Au sein de la majorité fédérale, et parmi les experts, on reste persuadé que le couvre-feu est utile et fait partie d’un tout. Néanmoins son utilité réelle et un lien direct avec le taux d’infection sont bien difficiles à prouver. Aucune analyse qui souligne l’utilité du couvre-feu ne fournit des preuves tangibles. Même Vervoort l’avoue puisque devant la commission des affaires intérieures du Parlement bruxellois il a déclaré « Vous savez aussi bien que moi qu’il n’existe aucune analyse précise ». Un flou encore renforcé par le fait que les études qui se sont penchées sur la question se contredisent.

Ainsi l’année dernière, une étude publiée dans Nature Human Behaviour et basée sur toute sorte de statistiques démontrait que le couvre-feu était l’une des mesures les plus efficaces. Mais une autre étude de l’université d’Oxford, parue il y a peu dans le magazine Science, a, elle, examiné toutes les mesures introduites dans 41 pays et chercher à déterminer leur effet sur l’épidémie. Comme chaque pays a introduit différentes mesures, dans un ordre différent, et avec des résultats différents, il serait en effet possible d’estimer par un savant calcul l’influence de chaque mesure sur la valeur R (qui est le taux de propagation de l’épidémie en sachant qu’au-dessus de 1 celle-ci se propage). Ainsi l’obligation de rester à la maison (le couvre-feu, mais aussi les interdictions de déplacements non essentiels) réduisent la valeur R de 13 %. Cela peut sembler beaucoup, mais en fait c’est peu si on le compare à d’autres mesures comme la restriction de rassemblement, ou la fermeture des écoles.

S’il est très difficile de quantifier exactement les effets d’un couvre-feu, cela ne signifie pas qu’il n’y en a pas

Dans son rapport de février, le Gems stipule que le couvre-feu a une « grande influence » sur le plan épidémiologique, car il empêche les gens de se rassembler le soir et la nuit. Des moments où ils sont particulièrement susceptibles de désobéir aux règles de sécurité. C’est aussi des moments, mais ça le rapport ne le précise pas explicitement, où les gens sont plus susceptibles de boire de l’alcool. Or la consommation d’alcool désinhibe et plombe sérieusement toute tentative de s’en tenir aux règles. A ce constat on peut aussi rajouter que cela réduit d’autant le temps où l’on rencontre des gens. La plupart de nos activités ont en effet lieu le soir. Si ces deux observations semblent couler de source, elles n’en sont pas moins, elles-aussi, difficilement quantifiables. Et ce qu’on en peut quantifier est difficile à mesurer.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire