Carte blanche

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut maintenir le nucléaire (carte blanche)

Pierre Goldschmidt, ancien directeur général adjoint de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), dénonce « la volonté idéologique » de sortie du nucléaire en 2025.

Le lundi 7 décembre, la Ministre du Climat Zakia Khattabi a annoncé que « Le fédéral et les entités fédérées ont atteint un accord pour que la Belgique défende au niveau européen l’ambition d’une réduction d’au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre (de l’UE) d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990 ».[1] « Fumée blanche » s’est-elle exclamée!

C’est bien d’avoir des ambitions climatiques pour l’Europe. Mais pourquoi notre ministre ne parle-t-elle pas de la Belgique? Tout simplement parce que la situation créée par la volonté idéologique de sortir du nucléaire d’ici 2025 se résume comme suit:

Premièrement, par rapport à 1990, la diminution des émissions totales de CO2 sera de 5,4 % dans le scénario WEM (With Existing Measures) et de 17,3 % dans le scénario WAM (With Additional Measures). On est très loin de l’objectif de moins 55 % demandé à l’Union Européenne dans son ensemble.

Deuxièmement, notre « Plan National Energie-Climat 2021-2030« [2], montre qu’ entre 2020 et 2030, les émissions de CO2 dues à la production d’électricité vont plus que doubler, elles:

  • augmenteront dans le scénario WEM de 13,4 millions de tonnes de CO2 par an et,
  • augmenteront dans le scénario WAM de 14,3 millions de tonnes de CO2 par an,

et ce, à cause de la fermeture des centrales nucléaires et leur remplacement par de nouvelles centrales à gaz largement subsidiées (via le mécanisme de rémunération de capacité).

C’est l’inverse de ce que recommande Antonio Guterres, le Secrétaire Général de l’ONU, dans une carte blanche du Soir du 11 décembre, à savoir « il est grand temps de taxer le carbone; de supprimer progressivement le financement des combustibles fossiles et les subventions dont ils bénéficient; de faire peser l’impôt […] sur les pollueurs. »

En sortant du nucléaire nous serons le seul pays d’Europe dont la production d’électricité augmentera ses émissions de CO2 par rapport à aujourd’hui.

A cela on nous répond qu’il n’y a pas de problème parce que dans le cadre du « système d’échanges de quotas d’émissions » européen, nous allons acheter à d’autres le droit de polluer plus chez nous. Pas vraiment de quoi nous enorgueillir!

De plus, notre sécurité d’approvisionnement sera diminuée notamment du fait d’une dépendance accrue des importations de gaz naturel et d’électricité.

Dans leur évaluation du Plan National Energie-Climat de la Belgique[3], publiée le 14 octobre 2020, les services de la Commission Européenne, partagent ces inquiétudes:

  • Dans son plan, la Belgique ne fixe pas d’objectifs quantifiés en matière de sécurité énergétique.
  • Les importations devraient passer de 71 % en 2020 à 86 % en 2030, principalement en raison de l’évolution du mix énergétique (remplacement de 6 GW de capacité nucléaire).
  • Il n’y a pas de description des subventions énergétiques existantes, notamment en ce qui concerne les combustibles fossiles. Le plan final ne mentionne pas non plus de calendrier pour la suppression progressive des subventions à l’énergie, en particulier aux combustibles fossiles.

Que notre sécurité d’approvisionnement en électricité diminue et que les pollueurs soient subsidiés ne dérange apparemment pas nos gouvernants … du moment qu’on abandonne définitivement le nucléaire.

Cette position est d’autant plus dogmatique que la prolongation de l’exploitation de deux centrales nucléaires, comme l’Accord de Gouvernement en prévoit la possibilité, n’empêche en rien la réalisation de tous les projets éoliens et photovoltaïques prévus d’ici 2030.

  • Dans un rapport publié le 9 décembre, l’OCDE conclut que: « d’un point de vue économique et durable, il est crucial de trouver le bon équilibre entre les énergies renouvelables intermittentes et les ressources disponibles, telles que le nucléaire et l’hydraulique, afin de permettre une infrastructure énergétique résiliente à long terme« , et aussi que « la prolongation de l’exploitation des centrales nucléaires existantes, est la source la plus rentable d’électricité à faible teneur en carbone« .
  • A cet égard la Belgique se trouve dans une position particulièrement favorable. Allons-nous la compromettre pour des raisons purement idéologiques?

Dans son premier discours en tant que Premier ministre, Monsieur Alexander De Croo a fait de la confiance sa priorité. Confiance entre partenaires de la coalition gouvernementale bien sûr, mais surtout confiance des citoyens envers leurs dirigeants.

Il faudrait pour cela, que le Gouvernement prenne sans plus attendre les décisions rationnelles qui s’imposent pour garantir l’avenir énergétique le plus favorables aux intérêts à moyen et long terme de la Belgique et de ses citoyens. On en est loin hélas!

Comme l’a dit Albert Einstein: « Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé ».

Pierre Goldschmidt, ancien directeur général adjoint de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) responsable du Département chargé d’empêcher la prolifération des armes nucléaires dans le monde.

[1]https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_la-belgique-defendra-une-reduction-d-au-moins-55-de-gaz-a-effet-de-serre-d-ici-2030?id=10648157

[2]https://www.plannationalenergieclimat.be/admin/storage/nekp/pnec-emission-template-wem-wam.pdf

[3]https://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/documents/staff_working_document_assessment_necp_belgium.pdf

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