« Peut-on, s’il vous plaît, encore laisser à nos enfants l’illusion qu’ils sont libres de leurs mouvements »

De peur qu’il leur arrive malheur, nous avons tendance à leur faire peur et à brimer nos enfants. « Laissons-les libres de temps en temps, sans contrôler tout ce qu’ils font » écrit notre consoeur de Knack Ann Peuteman. »Les enfants peureux deviennent des adultes peureux, et il y en a déjà plus qu’assez ».

Nous étions obligés de jouer dehors. Il était hors de question de rester des heures devant la télévision, une activité que nos parents considéraient comme malsaine et contre-nature. Nous devions sortir, aller dans la rue pour faire du patin à roulettes avec les enfants du quartier, jouer au football, ou échanger des babioles. L’air frais et le soleil nous feraient du bien. Et la maison serait plus calme.

Aujourd’hui, les parents n’aiment pas plus qu’avant que leur progéniture passe son été à regarder la télévision, à jouer des jeux vidéo ou à surfer sur internet. Cependant, envoyer ses enfants dans la rue n’est plus du tout aussi évident. Ils pourraient se perdre ou se laisser entraîner par quelqu’un de malintentionné. Ils pourraient être harcelés ou volés par des jeunes qui traînent. Et les chauffeurs du dimanche qui roulent comme des fous dans le village ne sont-ils pas extrêmement dangereux ? Au début de l’été, j’ai entendu un père dire à son fils déconfit : « Reste dans le jardin. Tu as tout : un trampoline, une balançoire et s’il faut je gonfle la piscine ». Il est certain qu’un enfant a tout ce qu’il faut dans le jardin. Sauf peut-être d’autres enfants, des ruelles inconnues et des cachettes secrètes.

Je ne peux évidemment pas nier qu’à l’heure actuelle, les rues et les places sont nettement plus périlleuses qu’à l’époque. Et donc je comprends que les parents qui laissent leurs enfants jouer dehors leur recommandent vivement de s’habiller décemment, de ne pas trop s’éloigner et de s’enfuir à toutes jambes si un inconnu s’adresse à eux. Cette inquiétude est compréhensible et hélas souvent justifiée. Nous aimerions tous implanter une puce à nos fils et nos filles pour savoir en permanence où ils se trouvent et ce qu’ils font. Cette tendance se dessine déjà au berceau : sur beaucoup de listes de naissance figure déjà un moniteur bébé qui permet de surveiller son enfant sur l’écran de son smartphone.

Un bracelet qui donne l’alerte

Et une fois qu’il est un peu plus grand, l’enfant reçoit un bracelet qui donne l’alerte quand il s’éloigne trop de ses parents. Récemment encore, une maman m’a raconté qu’elle a donné un GSM à son fils de huit ans pour qu’elle puisse l’appeler à tout moment à l’école, chez ses amis ou chez les scouts. Juste pour vérifier si tout va bien.

Évidemment, on veut que nos enfants soient en sécurité, qu’ils ne se perdent pas et surtout qu’ils ne se laissent pas entraîner par des hommes bizarres. Cependant, laissons-les libres de temps en temps, sans contrôler le moindre de leur geste. Donnons-leur, de temps à autre, le sentiment, l’illusion, que nous ne savons pas où ils sont.

Les enfants peureux deviennent des adultes peureux. De ces gens qui n’osent pas se promener à Bruxelles

Il est certain qu’on doit les mettre en garde contre toutes sortes de calamités. Un enfant doit connaître les limites de son territoire, savoir qu’il ne peut jamais accompagner un inconnu et être capable de réagir en cas d’urgence. Mais le but n’est pas de transférer nos peurs sur nos enfants, car que deviendra un enfant qui voit un violeur potentiel dans chaque homme et une empoisonneuse dans chaque femme? Les enfants peureux deviennent des adultes peureux. De ces gens qui n’osent pas se promener à Bruxelles, qui trouvent que leurs nouveaux voisins sont bizarres et qui érigent une barrière de plusieurs mètres de haut autour de leur jardin. De ces gens peureux, il y en a déjà plus qu’assez.

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