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Pesticides : pas de zone tampon pour les riverains en Belgique

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Qu’en est-il de la règlementation en vigueur en Belgique en matière d’épandage de produits phytopharmaceutiques ? Les agriculteurs doivent-ils respecter certaines zones tampons ?

À Langouët, petite bourgade bretonne de 600 âmes, le maire a décidé d’interdire les épandages à moins de 150 mètres des habitations par mesure de précaution pour la santé de ses habitants. Il a été débouté en justice, car il n’est pas mandaté pour ce genre de décision et son arrêté a été suspendu par le tribunal administratif de Rennes. D’autres élus locaux ont également tenté de prendre les devants face à l’absence de règlementation en France.

Pour tenter d’apaiser le débat, le ministre français de l’Agriculture, Didier Guillaume, a affirmé que l’État imposera des « zones de non-traitement », où l’épandage de produits phytosanitaires sur les cultures sera interdit, si riverains, élus et agriculteurs n’arrivent pas à se mettre d’accord pour établir ensemble des « chartes » territoriales d’épandage.

Le cabinet du ministre a précisé qu’une consultation publique allait être lancée pour définir « les règles » d’épandage et de pulvérisation de produits phytosanitaires sur les cultures, dans l’objectif de parvenir à un « arrêté national » début janvier.

Zones tampons pour l’eau

En Belgique, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (PPP) est réglementée par trois niveaux de pouvoir. L’Europe prend en charge l’évaluation des produits et leur mise sur le marché. Le fédéral contrôle l’utilisation, la conservation, les pulvérisateurs et l’impact sur la santé humaine. Les Régions sont chargées de la protection de l’environnement, des groupes vulnérables (école, centre de soins, etc.) et des espaces publics.

Une des premières menace pour l’environnement lorsque l’on parle d’épandage, c’est la contamination des ressources en eau. Pour éviter que les PPP contaminent les cours d’eau environnant les champs ou infiltrent les nappes phréatiques, il existe des « zones tampons » sur lesquelles l’agriculteur ne peut pas épandre.

« Chaque produit est étudié avant d’être mis sur le marché », nous explique Laurence Janssens du Comité régional Phyto. « Des scientifiques évaluent si les risques sont plus ou moins importants et comment le produit va se comporter dans l’environnement. La Région wallonne détermine alors quelle est la taille de la zone tampon à appliquer ». Ces zones sont spécifiques à chaque produit et adaptées en fonction des caractéristiques du terrain (en pente ou non) et des plans d’eau environnants.

Depuis le 1er janvier 2019, les agriculteurs sont obligés d’utiliser des buses antidérive à 50 % minimum. Ce qui évite que le produit ne se répande hors de la zone d’épandage.

En Wallonie, la règlementation est plus contraignante qu’en Flandre puisqu’une zone tampon de 6 mètres est imposée partout lorsqu’il existe un risque de contamination des ressources en eau.

Pas de zone tampon pour les riverains

« Il n’existe aucune législation fédérale concernant la protection des riverains », nous affirme Laurence Janssens « même si une réflexion est en cours ». En effet, selon elle, l’opinion publique est de plus en plus méfiante vis-à-vis des PPP et les agriculteurs sont eux aussi de plus en plus conscientisés. « La bonne pratique agricole veut que les agriculteurs laissent un couloir d’un mètre non pulvérisé entre les habitations et leurs champs ».

En Wallonie toutefois, il est interdit de pulvériser à moins de 50 mètres des lieux vulnérables durant les heures de fréquentation. Il s’agit des écoles, des crèches, des centres de soin, etc.

La Région wallonne a publié cet été un « Référentiel du vivre-ensemble lié à l’utilisation des PPP en Wallonie » afin d’encourager le dialogue entre les agriculteurs, les riverains et les pouvoirs locaux.

Cinq grands thèmes y sont abordés : la concertation entre agriculteurs et riverains, le bon usage des PPP (ne traiter que lorsque c’est indispensable), prendre en compte les conditions atmosphériques lors du traitement (pas lorsqu’il y a du vent, ni lorsqu’il fait chaud et sec), l’utilisation de mesure anti-dérive (buses anti-dérives obligatoires depuis le 1er janvier 2019, zones tampons pour les ressources en eaux, installer des haies et autres écrans pour protéger les riverains) et utiliser le matériel en ordre et de manière adéquate.

Qui contrôle les pratiques des agriculteurs ?

Chaque agriculteur doit pratiquer l’autocontrôle. À ce titre, il doit tenir des registres d’entrée des PPP, de sortie des PPP, d’utilisation des PPP, un registre des produits dangereux et un registre des effluents (résidus et autres) des PPP.

L’AFSCA est en charge du contrôle des produits utilisés par l’agriculteur, de leur stockage, de ses registres, ainsi que de s’assurer que les pulvérisateurs sont en ordre de contrôle technique (autocollant apposé sur les machines). Le contrôle technique des pulvérisateurs effectué tous les 3 ans sur chaque pulvérisateur par le Centre wallon de Recherches agronomiques.

Les exploitations sont contrôlées tous les 8 ans de manière inopinée (tous les 12 ans si système d’autocontrôle certifié), parfois plus lorsque le risque est jugé élevé par l’AFSCA. Le contrôleur vérifie également si la personne qui utilise les PPP possède la phytolicence appropriée.

Le Service public fédéral s’occupe quant à lui du contrôle des PPP appliqués sur les cultures ornementales pour les particuliers (jardinerie). Les contrôles sont effectués par le service inspection de la DG environnement et concernent le local de stockage, les équipements et le matériel de protection.

En cas de non-respect des règlementations, l’agriculteur s’expose à différentes sanctions : peine de prison pouvant aller de 8 jours à 6 mois et amandes de 100 à 100.000 euros. Dans certains cas, il peut également subir une réduction des aides européennes.

Le Service public wallon est quant à lui responsable du contrôle du respect des zones tampons. Le contrôle des zones tampons fait partie du programme des contrôles tant au niveau du Programme de gestion durable de l’azote (PGDA) qu’au niveau de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

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