Un employeur qui remet au travail des chômeurs sous-qualifiés, réduisant ainsi les frais de l'Etat, pourrait être "récompensé". © belga image

Penser la relance autrement: en finir avec le « après moi, le déluge »

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Tout opérateur économique qui réduirait les coûts externes qu’il engendre pour les finances publiques bénéficierait de prêts, d’aides et d’impôts plus favorables.

A l’heure actuelle, lorsqu’il lui octroie des aides, des prêts ou l’impose fiscalement, l’Etat ne considère pas différemment une entreprise qui, du fait de ses activités et comportements, réduit les coûts des pouvoirs publics, les augmente ou ne les influence ni à la hausse ni à la baisse. Exemples? Une société dans laquelle les cas de burnout sont nombreux a un impact sur les finances de l’Etat puisque c’est la sécurité sociale qui prend en charge ces salariés au bout du rouleau. Idem pour une entreprise qui jongle avec l’ingénierie fiscale pour échapper à l’impôt et ne contribue pas à la juste hauteur au budget du pays. En revanche, un employeur qui propose du travail à des personnes sans emploi et sous-qualifiées, leur permettant ainsi de quitter le chômage, réduit les frais de l’Etat. « La fiscalité ne peut pas être la même pour ces différentes catégories d’entreprises », estime Emmanuel Mossay, expert en économie circulaire. D’où l’idée qu’à terme, les sociétés publient annuellement, en plus de leur bilan, un bulletin de leur impact sur la collectivité, en fonction de plusieurs paramètres dont, par exemple, leurs performances en termes d’émissions de CO2. Aux Pays-Bas, ces émissions constituent un critère d’évaluation lors de la passation des marchés publics.

Aux Pays-Bas, les émissions de CO2 constituent un critère d’évaluation lors de la passation de marchés publics.

En Belgique, plusieurs initiatives ont déjà été prises pour encourager les opérateurs, privés ou publics, à réduire leur impact extérieur sur les finances publiques. Elles font hélas figure d’exception. En Région wallonne et à Bruxelles, certaines ressourceries reçoivent une compensation de l’Etat en fonction du volume des déchets qu’elles récupèrent. Cette compensation est inférieure au coût qu’aurait représenté ce ramassage de déchets pour l’Etat. De la sorte, la mission est effectuée, de l’emploi est créé, et l’Etat libère des ressources financières qu’il peut injecter ailleurs. En Flandre, à Bonheiden, les enfants qui se rendent à l’école à vélo reçoivent des ducats qu’ils peuvent dépenser lors des ducasses locales. Le trafic s’en trouve réduit, la pollution également, et les enfants font du sport.

Une taxation proportionnelle

Pour parvenir à calibrer les aides publiques en fonction de la contribution des opérateurs à la réduction des coûts qui retombent actuellement sur les différents niveaux de pouvoir, il faudrait d’abord cibler les dépenses variables compressibles de l’Etat, en matière de traitement des déchets, de dépollution des sols, de traitement des burnouts… Ensuite, établir le lien entre ces coûts et leur source initiale via un système de traçabilité. « Il faut commencer par des mesures simples à mettre en place et dont on peut facilement quantifier l’effet, recommande Emmanuel Mossay. Si on remplace un chauffage au mazout par un autre, moins polluant, on peut tout de suite calculer les progrès réalisés en termes d’émissions de CO2. »

Sur la base des informations récoltées, une taxation proportionnelle aux efforts des entreprises par rapport aux enjeux collectifs serait établie. Le système permettrait également de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en général. Les dépenses publiques s’en trouveraient réduites sans que l’Etat y perde en capacité de fonctionnement. En revanche, il y gagnerait en matière de respect de ses engagements environnementaux.

Les pouvoirs publics devraient, eux aussi, se montrer vertueux: les avantages fiscaux accordés pour les voitures de société ne contribuent en rien – au contraire – aux objectifs environnementaux du pays. La logique actuelle, selon laquelle les institutions publiques doivent dépenser la totalité de leur budget pour le conserver l’année suivante, devrait également être inversée pour récompenser celles d’entre elles qui parviennent à faire des économies.

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