Carte blanche

Pacte d’excellence: « Une vision managériale et technocratique de l’école »

L’ADEO exprime un non de principe face aux propositions du Pacte pour un enseignement d’excellence. En effet, lesdites propositions aboutissent à la conception d’un simulacre de réseau unifié sans aucune prise en considération des questions de neutralité et de caractère, alors que nous revendiquons un réseau unique et surtout public.

Notre association réunit les directeurs de l’enseignement officiel. Elle a pour objet (entre autres) la défense et la promotion des intérêts et objectifs de l’enseignement secondaire non confessionnel ainsi que la défense des intérêts légitimes de la fonction du chef d’établissement.

Elle est une des 14 associations membres du CEDEP (Centre d’étude et de défense de l’école publique), lequel présente 18 propositions : Un réseau scolaire unique et public. Réflexions et recommandations en vue d’un système éducatif plus performant pour tous les enfants.

A ce titre, l’ADEO déplore que les travaux du Pacte aient tenu soigneusement à l’écart la question des réseaux et de leur concurrence.

Comme d’autres, l’ADEO s’accorde sur la nécessité d’une profonde réforme du système scolaire. Toutefois, l’ADEO ne peut accepter ce projet de Pacte en ce qu’il est largement inspiré, voire initié, par une vision managériale et technocratique de l’école.

Les directeurs de l’enseignement officiel n’acceptent pas de devenir des team managers, chargés, avant tout, de contrôles et redevables de résultats, sous couvert d’une prétendue autonomie. La nouvelle gouvernance nous pose problème.

En effet, si les Directeurs de l’enseignement officiel sont d’accord pour une nécessaire réforme du système scolaire, ils ne veulent cependant pas que, sous couvert d’une apparente plus grande autonomie – laquelle aura surtout pour effet de leur imposer une pression démesurée – ils fassent les frais des mauvais résultats de la nouvelle gouvernance, tant ils constatent et déplorent une très probable pénurie de moyens qui risquent, de surcroît, d’être saupoudrés entre tous les pouvoirs organisateurs.

L’avis des directeurs de l’enseignement officiel n’a pas été systématiquement sollicité par nos pouvoirs organisateurs respectifs, à la différence des directeurs de l’enseignement libre catholique largement consultés par le SEGEC en cours de processus et, notamment, dès la publication de l’avis n° 3 du Groupe central.

Les directeurs de l’enseignement officiel refusent de participer aux dispositions concernant leur mobilité : en effet, tous ont adhéré à une Charte de l’enseignement officiel, tous s’honorent de respecter et de faire respecter les valeurs propres à leurs projets éducatifs et tous sont garants du respect de la neutralité pour eux-mêmes et leurs personnels.

De nombreux points posent question

Notre position mérite d’être commentée et, par conséquent, nuancée pour le cas où le Pacte serait adopté.

Ainsi, nous nous interrogeons sur de nombreux points. Nous en retenons quelques-uns.

Tronc commun

L’organisation d’un tronc commun s’étendant jusqu’à l’âge de 15 ans, génère, dans l’enseignement secondaire, un nombre rédhibitoire de problèmes potentiels.

En effet, une forme « pluridisciplinaire et polytechnique » permettant « une orientation progressive des élèves », suppose non seulement que les écoles disposent toutes d’un équipement technique adéquat, ce qui est loin d’être le cas, mais se heurte également à un volume horaire hebdomadaire ne permettant pas l’organisation des cours généraux auxquels il faudrait ajouter une formation polytechnique valable, des heures de remédiation et un cours de latin crédible.

Le Pacte suppose aussi que, moyennant des remédiations qui devraient être renforcées et des pratiques pédagogiques nouvelles, tout élève devrait réussir la seule épreuve certificative qui, in fine, subsisterait à l’issue du tronc commun.

C’est oublier que les élèves, disposant de qualités différentes, ne peuvent pas tous réussir des études de type conceptuel à 15 ans, que d’aucuns ont des aspirations différentes et refusent cet enseignement et que tous, pour n’avoir jamais subi d’épreuve certificative auparavant se trouveront assez démunis pour faire face à celle sanctionnant le tronc commun. Rappelons-nous aussi tous ces élèves qui, dès l’abord de l’enseignement secondaire, aspiraient à s’insérer le plus vite possible dans la vie professionnelle et qui risquent de se retrouver de plus en plus démotivés. L’hétérogénéité des classes justifierait donc un encadrement très renforcé en 3ème année, ce que ne prévoit pas explicitement le pacte.

Qualifiant

Que dire également de celui qui, ayant échoué en fin de 3e année secondaire, a fait une année supplémentaire et se retrouve dans l’enseignement qualifiant en 5e année; le seul 3e degré suffira-t-il pour en faire un excellent technicien ?

Former un professionnel de grande qualité en trois ans voire en deux alors qu’on en avait jusqu’à présent quatre, est la mission que devrait alors pouvoir assumer l’enseignement. On peut craindre que s’installe une insuffisance de formation dans le qualifiant et que le recours aux instituts de formation alternée des PME susceptibles de porter remède aux insuffisances mais essentiellement intéressés par l’adéquation de l’enseignement aux impératifs du marché, ne devienne la règle.

L’organisation de l’offre par zones répartissant les options entre les écoles de caractère différent – officiel ou confessionnel – obligera des élèves à fréquenter un établissement qui ne correspond pas nécessairement à leur choix premier, officiel par exemple. Paradoxal, alors que l’ensemble du Pacte d’excellence bétonne l’existence des réseaux justifiée par le libre choix voulu dans le Pacte scolaire ! Et de s’inquiéter : certains établissements n’organisant actuellement que les deuxième et troisième degrés de la forme qualifiante et réduits à trois ans, ne vont-ils pas disparaître malgré la modification des normes de maintien ?

Enseignement spécialisé et école inclusive

L’inclusion de l’élève à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire, bénéfique pour l’enfant, pose cependant des problèmes au nombre desquels l’équipement dont doivent disposer les établissements pour permettre à l’élève de se fondre dans cet environnement et la nécessaire formation des enseignants qui doivent l’encadrer, ne sont pas les moindres.

Pénurie d’enseignants

Les professeurs sont, malheureusement, de plus en plus rares et cette pénurie, qui frappe toutes les disciplines, risque de perdurer alors que l’on envisage de porter la formation des AESI à quatre ans.

Sans oublier qu’il faudra plus de professeurs de cours généraux dans les trois premières années de l’enseignement secondaire, tronc commun oblige.

L’intérêt supérieur de l’enfant

Le Pacte a omis d’aborder de nombreuses bonnes questions, au point que nous nous demandons si l’intérêt supérieur de l’enfant a bien été une considération primordiale (Convention internationale des Droits de l’Enfant, article 3).

Cela, et cela seulement, serait de nature à replacer l’école comme un enjeu majeur de l’intérêt général et confirmer son statut de bien public. Nous rappelons ici notre position ferme en faveur d’un réseau unique et public, basé sur le principe de neutralité et affirmant un caractère strictement non confessionnel.

Nous regrettons que ces deux principes soient mis en péril en raison d’un climat de concurrence, encore plus exacerbé dans une organisation interréseaux dans laquelle l’enseignement officiel, et tout particulièrement l’enseignement « organisé » (Fédération WB), a bien plus à perdre qu’à gagner.

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