© Belga

Ouverture du « procès des hébergeurs » accusés de trafic d’êtres humains

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Poursuivis pour trafic d’êtres humains et organisation criminelle, après avoir apporté leur aide à des migrants, ils sont douze à comparaître devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.

Le « procès des hébergeurs » s’est ouvert ce jeudi. Aussi baptisé « procès de la solidarité » par les associations de défense des plateformes citoyennes, il implique douze prévenus poursuivis pour trafic d’êtres humains et organisation criminelle, après avoir apporté leur aide à des migrants. Onze de ces prévenus, dont cinq se trouvent toujours sous mandat d’arrêt, ont comparu ce jeudi matin devant le tribunal.

Parmi eux, 7 étrangers en séjour illégal qui tentaient de rejoindre l’Angleterre, mais également quatre volontaires de la plateforme citoyenne du parc Maximilien. L’un d’eux, Walid, un Tunisien établi légalement en Belgique depuis 17 ans a été arrêté il y a 10 mois. Il est poursuivi pour avoir hébergé un jeune sans-abri en séjour illégal en Belgique, lequel est suspecté d’être un passeur. Ce dernier avait toutefois déclaré n’être qu’un simple migrant qui essayait de passer en Angleterre. Zakia, une travailleuse sociale belgo-marocaine avait également été détenue préventivement durant deux mois.

Anouk Van Gestel, rédactrice en chef de Marie Claire Belgique, et Myriam Berghe, journaliste chez Femmes d’Aujourd’hui, font également partie des personnes inculpées. Elles sont soupçonnées d’avoir hébergé des passeurs et d’avoir aidé des migrants à traverser les frontières. Leurs appartements seraient considérés par les enquêteurs comme le point de chute du réseau des passeurs où les migrants atterrissaient avant de tenter d’aller outre-Manche. Outre les conversations entre Myriam Berghe et des migrants (dont Hassan, aussi inculpé), issues des écoutes réalisées par la police, des transferts Western Union réalisés par la journaliste sont notamment jugés suspects.

Tous reconnaissent être venus en aide à des personnes qui cherchaient à rejoindre illégalement l’Angleterre mais réfutent toute infraction. Ils déclarent l’avoir fait par pure générosité et ne pas en avoir tiré le moindre profit. « Je le répète, je ne suis pas une trafiquante d’êtres humains. J’ai peut-être fait des choses que je n’aurais pas dû faire, par maladresse ou imprudence mais je n’ai jamais franchi la ligne rouge », déclare Myriam Berghe à la sortie de l’audience. Leur bonne foi n’a visiblement pas suffi à convaincre les enquêteurs.

Les autres prévenus sont suspectés d’être des passeurs. Certains sont toujours en détention préventive.

« Un procès éminemment politique »

C’est le parquet de Termonde qui a instruit le dossier, sur base des écoutes téléphoniques réalisées par la police. Les prévenus ont obtenu en juin dernier que le procès se tienne plutôt devant la juridiction bruxelloise, par souci de bonne compréhension des audiences assez techniques, vu que la majorité des personnes inculpées sont francophones.

Le parquet de Termonde est aussi réputé pour être très strict mais, et c’est là une donnée qui revête toute son importance, également sous l’influence de la N-VA. Selma Benkhelifa, l’avocate de Walid, explique sur le site de la RTBF : « C’est un procès éminemment politique. Jan Jambon a déclaré que la situation au parc Maximilien était la responsabilité des hébergeurs. On entend d’abord ces déclarations très provocantes et derrière on constate effectivement des poursuites qui vont dans ce sens ».

Des avocats de la défense ont déploré jeudi, à l’issue de l’audience, les poursuites à l’encontre de leurs clients, qui selon eux, n’ont fait que venir en aide à des personnes fuyant des pays en guerre. Ils ont parlé d’un « procès de l’amalgame ». Les avocats des bénévoles du parc Maximilien demandent l’acquittement de leurs clients.

Jeudi matin, 300 personnes se sont rassemblées devant le palais de justice de Bruxelles pour dénoncer un « procès politique » et une « criminalisation des tentatives d’aide à des personnes migrantes ». « Nous dénonçons ce procès que nous voyons comme une tentative d’intimidation face aux élans de solidarité qui fleurissent en Belgique et ailleurs et dont la plateforme citoyenne est le plus bel exemple« , a communiqué la plateforme »Solidarity is not a crime ».

Myriam Berghe se dit, de son côté, optimiste : « Ce mouvement de soutien fait chaud au coeur. J’espère que le procès sera équitable. J’y crois. Nous nous sentons enfin écoutées, car nous n’avions pas eu l’occasion de nous exprimer depuis le 30 octobre 2017. Je trouve que l’accueil de la justice bruxelloise est bien meilleur. On sent qu’il n’y a pas une volonté d’expédier l’affaire comme on l’avait ressenti à Termonde. »

Cité par Le soir, Thomas Prédour, le porte-parole de « Solidarity is not a crime » déclare: « Nous préférons parler du procès de la solidarité plutôt que du procès des hébergeurs. Nous allons nous mobiliser tout au long de la procédure qui devrait durer jusqu’en octobre ». La Plateforme a annoncé dans la foulée ses prochaines actions: un appel à signatures par les citoyens et les associations solidaires du manifeste, un crowdfunding pour soutenir les prévenus et des soirées d’information.

Lors de l’audience ce jeudi matin, la 47e chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles a fixé les plaidoiries aux 7, 8 et 9 novembre prochains. Les prévenus risquent jusqu’à 10 ans de prison.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire