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 » On ne se remet jamais de la perte d’un enfant « 

Mardi soir, 28 personnes – dont 22 écoliers – ont péri dans l’accident de car en Suisse. Christian Navarre, psychiatre et auteur de Psy des catastrophes, explique comment familles et survivants sont soutenus dans l’épreuve.

Quelle est la première chose à faire pour épauler ceux qui viennent de subir un tel choc?

Evidemment, les blessures physiques sont prioritaires. Donner du café chaud et de la nourriture, aux blessés autant qu’aux familles, permet de remettre un peu de réel. Seulement après, il faudra libérer la parole. L’objectif n’étant pas de fabriquer des victimes ou des patients psychiatriques mais, justement, de servir de sas de déchocage psychologique. Ensuite, cela dépend des groupes. Les survivants, les familles et même les sauveteurs vivent différemment le drame. La prise en charge doit donc être adaptée.

Comment les survivants peuvent-ils surmonter le traumatisme d’avoir vu leurs camarades mourir? Ils n’oublieront jamais. Passées les blessures physiques et la sidération, il est important qu’ils verbalisent ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ressentent. Certains verront des symptômes de stress post-traumatique apparaître. Ils réentendront les cris, auront des flash-back de l’accident… D’autres rescapés culpabiliseront, se demanderont pourquoi eux s’en sont sortis. Ce n’est pas la même démarche de soutien psychologique que pour les familles.

Des familles dont la douleur semble insurmontable… On ne se remet jamais de la perte d’un enfant. Ou même d’un proche. Les familles font face à un deuil traumatique. Elles ont perdu brutalement quelqu’un qui ne devait pas mourir. Certains cherchent des explications, voire des responsables. D’autres vont se raccrocher à leurs croyances. Les messes et les hommages sont ainsi un moyen de gérer la perte d’un proche. D’autres encore auront besoin d’un soutien psychologique, voire de médicaments, pour faire leur deuil. Mais le psychiatre n’apporte pas la guérison. Il est un lieu pour verbaliser, crier, pleurer. Mais face à l’horreur de la perte d’un enfant, la détresse psychologique est normale. Ensuite viendra la phase de reconstruction, pour apprendre à vivre avec la douleur et ne pas rester figé sur ce moment tragique. Car la vie doit continuer.

Les sauveteurs semblent avoir également été particulièrement choqués…

Ce ne sont pas des surhommes. Eux aussi ont une famille, des enfants… Il est vrai qu’ils sont sortis de leur pudeur habituelle, et ont beaucoup raconté l’horreur de ce qu’ils ont vécu. Mais il faut dire qu’ils ne sont pas habitués à intervenir sur des accidents de cette ampleur. Ils ont dû faire quasiment face à une vision de guerre. Par exemple, ce type de stress traumatique est également vécu par certains soldats qui découvrent des massacres d’enfants.

Lucie Soullier (L’Express.fr)

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