« On n’a plus grand-chose à attendre du gouvernement Michel, il est déjà exténué « 

Ayant la chance de pouvoir travailler cinq ans sans élections, le gouvernement Michel avait une opportunité unique de mettre de l’ordre dans les finances publiques. Mais il a tout à fait laissé passer ce moment propice. « On n’a plus grand-chose à attendre du cabinet Michel. Il est déjà exténué » écrit notre confrère de Knack Ewald Pironet.

« L’assainissement du budget, c’est passer la serpillière dans une salle de bains où le robinet coule à flots et où il y a un grand trou dans la baignoire, alors qu’on n’est pas assuré contre les dégâts des eaux et que le tarif de l’eau augmente à tout bout de champ. »

On doit cette déclaration au CD&V Mark Eyskens. En 1981, l’économiste louvaniste a été premier ministre pendant huit mois et à cette période, les finances publiques ont complètement dérapé. Le déficit budgétaire s’élevait à pas moins de 16% du produit intérieur brut (PIB). Plus tard, Mark Eyskens décrirait son gouvernement comme « une démonstration pédagogique de ce qu’il ne fallait pas faire ». Les assainissements qui ont suivi, avec notamment la dévaluation du franc belge en 1982, ont été particulièrement douloureux et ont pris des années.

Moins de trois mois après l’établissement du budget, le gouvernement Michel constate qu’il y a un trou de 2 milliards d’euros. Que le budget dérape aussi vite et à ce point-là, ne présage rien de bon. En outre, le déficit n’est pas dû à des circonstances imprévues, mais à des problèmes structurels. Ainsi, les recettes fiscales s’élèvent à 1,4 milliard de moins que ce qui avait été estimé lors de l’établissement du budget fin de l’année passée. Les entreprises ont fait un milliard de moins de paiements anticipés parce que la rente faible ne les y encourageait pas, alors que celle-ci est très basse depuis longtemps. On s’attendait à ce que l’état en tienne compte. En outre, en 2014, une entreprise a exceptionnellement versé 400 millions d’euros de paiements anticipés. L’administration est partie du principe qu’il en serait de même les prochaines années. Là aussi, elle s’est sérieusement trompée.

Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) est politiquement responsable de ces mauvais calculs, même si le président du SPF Finances Hans D’Hondt (l’ex-chef de cabinet de l’ancien premier ministre Yves Leterme) a rapidement admis que les calculs seraient plus approfondis s’il avait plus de personnel. Si D’Hondt a raison, on n’est pas seulement confronté à l’incapacité de l’administration, mais aussi du gouvernement, incapable de prévoir suffisamment de personnel pour un service public primordial.

« La loi spéciale sur le financement est une monstruosité »

Le trou dans le budget est à ce point béant que dans le cadre de la sixième réforme de l’état et de la loi spéciale sur le financement, le gouvernement fédéral doit transférer 500 millions d’euros de plus aux régions que prévu. C’est la troisième fois consécutive que personne n’est capable d’évaluer quelle somme est attribuée à quels niveaux de compétence. Cette loi spéciale sur le financement se révèle une monstruosité qui ne fonctionne pas.

Ces lacunes structurelles combinées à un soupçon d’opportunisme politique donnent des budgets détachés de la réalité. Le gouvernement Michel n’y apporte aucun changement. Ainsi, il n’y aura pas de simplification de la législation fiscale, même si tous les spécialistes affirment que c’est indispensable. 35 ans après la catastrophe sous le premier ministre Mark Eyskens, on continue à appliquer un emplâtre sur une jambe de bois.

L’assainissement des finances publiques constituait un des principaux objectifs du gouvernement Michel. Sans le maudit PS, on pourrait vraiment s’y attaquer, disait-on. La coalition de centre droit n’a pas tenu sa promesse. La Banque Nationale a qualifié les deux dernières années de perdues pour le budget fédéral. La dette publique reste à 106,5% du PIB et le gouvernement laisse tomber l’équilibre budgétaire qu’il souhaitait pour 2018.

Moment propice

Ayant la chance de travailler cinq ans sans élections, le gouvernement Michel avait une opportunité unique de mettre de l’ordre dans les finances publiques. Mais il a tout à fait laissé passer ce moment propice. Fin de cette année, il sera à mi-chemin de son mandat et à partir de 2017, la nervosité au sujet des élections de 2018 et 2019 ne fera qu’augmenter. On n’a donc plus grand-chose à attendre du cabinet Michel. Il est déjà exténué.

Le gouvernement Michel a failli à sa tâche principale, l’assainissement des finances publiques

Le philosophe français Voltaire décrivait le budget comme « une méthode de s’inquiéter avant de dépenser l’argent, et pas après ». C’était peut-être le cas dans une autre période et un autre pays, mais aujourd’hui, c’est exactement l’inverse en Belgique : on dépense l’argent et on s’inquiète après.

Le gouvernement Michel a failli à sa tâche principale, l’assainissement des finances publiques.

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