Pierre Havaux

« On ira tous tous tous à la Vlaamse kust »

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Vooruit, we gaan naar zee ! Bart Tommelein a eu une vision cauchemardesque. Une marée humaine étalée sur des kilomètres de sable fin, occupée à jouer des coudes pour conquérir un miniespace vital sous le soleil. Comme un pied de nez insensé à la distanciation sociale imposée pour les impérieux motifs sanitaires que l’on sait.

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Sueurs froides : la Vlaamse kust ne pourra accueillir tous les baigneurs du monde et même de Belgique, fort probablement privés de destinations exotiques. Alors, comme pris de vertige, le bourgmestre libéral d’Ostende a songé tout haut à un passeport pour accéder à la Reine des plages, un laissez-passer prioritairement réservé à celles et ceux qui y paient des impôts ou lui rapportent des sous : Ostendais.e.s de souche, propriétaires de seconde résidence, détenteurs d’une cabine de plage, clients d’hôtels. Et que les touristes d’un jour aillent plutôt se faire dorer la pilule ailleurs.

Mais qu’est-ce que ce comportement de shérif ? se sont émus les mayeurs des autres stations balnéaires, globalement hostiles à l’idée juridiquement boiteuse de rendre les Belges inégaux face à la mer. Même Léopold Lippens, inamovible bourgmestre de Knokke et jadis grand chasseur de  » frigoboxtoeristen  » sur ses terres, a désapprouvé cette façon de vouloir faire le ménage sur les plages. Pas de  » eigen volk eerst  » –  » nos gens d’abord  » – au littoral. Voilà qui n’éloigne toujours pas la menace encore toute hypothétique du raz-de-marée, tributaire de la stratégie de déconfinement qu’adoptera le pouvoir fédéral. Mais avec 10 % de hausse de réservations à la côte, il n’est pas interdit de cogiter sur les façons d’endiguer une montée de flot humain.

Au fait, maintenir en classe les petits Flamands et leurs enseignants durant la première voire la deuxième semaine de juillet, ce serait déjà ça de gagné. Ce n’est nullement l’effet voulu et recherché par Ben Weyts (N-VA). Mais le ministre flamand de l’Enseignement trépigne, il lui tarde de prier élèves et professeurs de reprendre en bon ordre le chemin de l’école. Et si cela ne dépendait que de lui, il prolongerait l’année scolaire, histoire de rattraper jusque fin juin le temps perdu en leçons et évaluations, pour ensuite programmer délibérations et conseils de classe en rognant sur le début des congés d’été.

Mais qu’est-ce que ce comportement de gâcheur de loisirs ? se sont étranglés les syndicats enseignants. Est-ce donc là une manière d’honorer des héros fatigués de la lutte engagée contre le Covid-19 ? La réponse a fusé :  » No pasaran, les enseignants et les élèves méritent eux aussi des vacances pour se reposer.  » Les pouvoirs organisateurs, réseaux officiel et catholique, ne ferment pourtant pas la porte à la formule qui trouve un allié de poids en la personne du pédagogue gantois Dirk Van Damme, à la tête du pôle enseignement à l’OCDE :  » Je suis partisan d’une année scolaire prolongée et d’entamer éventuellement la suivante plus tôt. Nous savons tous que nous sommes en Flandre un peu hors norme avec ces deux mois de vacances. Les vacances d’été doivent être raccourcies.  » Et les plaisirs de la plage abandonnés aux petits francophones. C’est fou ce que le corona-virus peut ajouter de la controverse à la controverse.

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