Stéphane Moreau n’était déjà plus » fit and proper » en raison de son rôle présumé dans des malversations au détriment du fond de pension Ogeo Fund, qu’il avait dû quitter cette année. Le parquet général de Liège va demander son renvoi en correctionnel son avocat, Me Adrien Masset, n’a pas connaissance d’un réquisitoire déjà signé.
En chambre du conseil de Liège, à huis-clos, le parquet général de Liège a demandé le renvoi en correctionnel du patron de Nethys, Stéphane Moreau. L’ancien directeur général d’Ogeo Fund, le fond de pension liégeois lié à Publifin, avait déjà perdu son label de « fit and proper » (compétent et honorable), en juin dernier, à la suite d’une enquête de la FSMA, le gendarme des services et marchés financiers. André Gilles, ancien président du conseil d’administration d’Ogeo Fund, et deux directeurs, Marc Beyens, Emmanuel Lejeune, font également partie des inculpés. S’ils sont cités devant le tribunal, ils devront répondre de faux, usage de faux et abus de biens sociaux.
L’affaire remonte à 2011. La banque UBS qui s’occupe alors de certains placements et comptes de Ogeo Fund (elle se débarrassera de ce client quand elle constatera des irrégularités) invite alors Stéphane Moreau et Marc Beyens au Grand Prix de Formule 1 d’Abu Dhabi, aux Emirats arabes unis. UBS est l’un des sponsors du championnat. La banque offre le séjour, mais pas le transport. Or, visiblement, Stéphane Moreau n’aime pas sortir de l’argent de sa poche. Son séjour est travesti en séminaire professionnel et ses billets d’avion remboursés par Ogeo, alors qu’aux yeux du parquet, il s’agissait avant tout d’un voyage d’agrément. Deux autres cadres en faisaient partie : Marc Beyens et Emmanuel Lejeune. Total pour les trois hommes en business class selon Médor: plus de 10 000 euros. Des placements spéculatifs ont également été passés à la loupe par les enquêteurs.
La procédure est loin d’être terminée. Une demande de renvoi n’équivaut pas nécessairement à un renvoi. La chambre du conseil doit statuer et s’il y a des appels, la chambre des mises en accusation. Cependant, la position du parquet général dans l’affaire Ogeo, alors que s’approche le procès dit de la véranda dans lequel est également inculpé Stéphane Moreau, rend celui-ci plus précaire à la tête de Nethys.
Ogeo Fund et ses jeux d’argent
La justice liégeoise ne reproche pas seulement à certains dirigeants d’Ogeo Fund, présents ou passés, d’avoir inventé un programme de séminaire (faux) pour couvrir un déplacement en Business Class de Stéphane Moreau, Marc Beyens et Emmanuel Lejeune à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis, en 2011, aux frais d’Ogeo Fund (dont coût : 10 000 euros selon l’enquête de David Leloup pour Médor). Au moment de la clôture des comptes, le réviseur s’était aperçu du tour de passe-passe au moyen duquel Marc Beyens, directeur d’Ogeo Fund, avait tenté de dissimuler l’achat de ces billets coûteux, et ce dernier les avait remboursés.
La justice s’est aussi intéressée à certains placements spéculatifs d’Ogeo via la banque HSBC mais elle ne semble pas avoir réussi à objectiver une illégalité. En revanche, pour acheter ces produits spéculatifs, Ogeo Fund a procédé à des emprunts qui n’étaient pas permis dans ce cadre selon la justice et la FSMA, le gendarme des services et marchés financiers, qui exerce la surveillance des fonds de pension. Enfin, les enquêteurs ont mis au jour les tripatouillages entre Ogeo Fund et Ogeo Consulting. Dans ses achats de produits financiers auprès de la banque UBS, Marc Beyens en achetait de temps en temps au nom d’Ogeo Consulting & Services et, selon que l’opération rapportait ou pas, il faisait glisser les résultats de l’un à l’autre en donnant un coup de téléphone à un employé d’UBS (dont le parquet général demande aussi le renvoi devant le tribunal correctionnel).
En cours d’enquête, Marc Beyens a été privé de son label « fit and proper » (compétent en honorable) par la FSMA et il a dû quitter son poste de directeur, membre du comité de direction d’Ogeo Fund, en juin 2014, à la demande de la FSMA. Mais Stéphane Moreau ne l’a pas lâché puisqu’il l’a nommé directeur des opérations internationales du groupe Nethys (La Provence, Nice-Matin, Congo, Vietnam, Tchécoslovaquie, etc.).
Le parquet général de Liège a demandé le renvoi devant le tribunal correctionnel des deux dirigeants actuels d’Ogeo Fund, Emmanuel Lejeune et Hervé Valkeneers, qui seront probablement privés, eux aussi, de leur brevet « fit and proper », indispensable pour opérer dans un secteur dont dépend le bien-être de 4 200 bénéficiaires. Le comité de direction est décapité, après que Stéphane Moreau ait dû, lui aussi, quitter le navire, sous la pression de la FSMA.