La reprise généralisée des commerces divise. © Belga

Notre société coupée en deux au sujet du déconfinement

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Les Belges se divisent entre partisans de la priorité économique et détracteurs de l’oubli humain. Entre joie d’un relâchement tant attendu et peur d’une seconde vague de l’épidémie. Illustration par un dialogue initié par l’Ecolo Jean-Michel Javaux.

Le déconfinement progressif tel qu’il est imaginé en Belgique divise la population, coupée en deux entre ceux qui soutiennent la priorité donnée à l’économie et ceux qui remettent en cause le manque d’humanité, entre ceux qui se réjoussent tout court d’un relâchement tant attendu du confinement et ceux qui craignent une deuxième vague de l’épidémie.

La première ligne de fracture fait l’objet d’un bras de fer politique depuis l’annonce faite par la Première ministre, Sophie Wilmès, et les ministres-présidents, vendredi dernier. Il y a ceux qui se félicitent de voir enfin l’économie reprendre lentement – pour faire simple les libéraux. De l’autre, ceux qui regrettent que l’aspect humain soit délaissé avec les réunions familiales reportées au 18 mai, au mieux – pour faire court les écologistes et les socialistes.

A cette divergence de ressenti s’en greffe toutefois une autre. D’une part, il y a ceux qui respirent de voir l’étreinte du confinement se relâcher enfin, certains considérant même qu’il s’agit d’une stratégie du pouvoir pour mieux nous contrôler. De l’autre, ceux qui craignent comme la peste une précipitation de la décision et l’imminence d’une seconde vague de l’épidémie qui mettrait nos services hospitaliers à genoux.

Ces deux divisions se recoupent, souvent dans ce sens : ceux qui se réjouissent de la reprise de l’économie applaudissent la fin de l’étreinte étatique, tandis que ceux réclament un aspect humain plus marqué craignent la réouverture des entreprises et des commerces. Mais ce n’est pastoujours le cas.

Des échanges révélateurs

Petite illustration par l’exemple au départ d’un échange somme toute anodin et plutôt amical.

Lundi, Jean-Michel Javaux dépose un post sur Twitter. Le bourgmestre de Amay et ancien coprésident d’Ecolo est aussi l’une des personnalités belges à avoir contracté le coronavirus jusqu’à être hospitalisé. Il défend la thèse écologiste estimant que l’humain a été sacrifié par le Conseil national de sécurité au profit de l’économie, en citant des experts qui abondent dans ce sens. « Marc Van Ranst ce week-end, écrit-il. Geert Noels, maintenant Yves Coppieters. « Non, l’aspect économique ne doit pas primer sur le social. C’est un mystère pour moi : pourquoi ont-ils retardé la reprise des contacts familiaux? » Allez, on peut en sortir par le haut, ensemble avec des mesures de sécurité! » C’est un appel à revoir le plan de déconfinement progressif.

Première ligne de discussion. Régis Warmont, citoyen engagé politiquement qui fut un des fondateurs de l’éphémère enmarche.be, justifie la décision gouvernementale : « Parce que les contacts familiaux pourraient être pire au niveau propagation que tout le reste vu le manque de retenue de l’humain émotif? En fait, il n’y a aucune bonne solution, autant choisir la plus contrôlable. C’est relativement responsable. » « Et quand les contacts reprendront (1 ou 2 semaines après, sans doute), ce sera pire pour les familles des commerçants, employés dans les magasins et enseignants qui auront été replongés dans des lieux publics où le virus circule + que chez des particuliers qui sont restés confinés », rétorque un internaute. « Exact », dit Javaux.

S’en suit un dialogue intéressant où l’Ecolo s’amuse de voir que « les plus grands défenseurs du libéralisme individuel sont ceux qui réclament le plus grand contrôle de l’Etat et ont le moins de foi en la responsabilisation ».

https://twitter.com/ChDeCaevel/status/1255083359082078209Christophe De Caevelhttps://twitter.com/ChDeCaevel

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Deuxième ligne de discussion. « Et si c’était la réouverture des commerces qui était prématurée et pas la reprise des contacts sociaux qui est trop lointaine », réagit un internaute. « De TOUS les commerces en même temps, acquiesce Jean-Michel Javaux. Et ne pas attendre les 2 semaines entre le 4 et la 2e phase. Et le kayak avec 2 amis qui seront peut-être positifs asymptomatiques mais pas encore votre fils qui attend de vous présenter votre petit fils. Avec des masques bien sûr. »

S’en suit un quiproquo édifiant. Christophe De Caevel, journaliste chez nos confrères de Trends-Tendances, intervient : « On ne se rend pas compte de l’hécatombe à venir dans les commerces et PME. » « Je pense aussi, acquiesce Javaux. Même l’Allemagne aujourd’hui est repassée au-dessus de 1 dans son taux d’infection alors qu’ils étaient à 0,7 / 0,8 depuis des jours… » Sauf que l’intervention visait à relever la crainte d’un séisme économique : « Je voulais dire l’hécatombe en termes de faillites », précise De Caevel. Ce à quoi l’Ecolo renvoie au plan italien de déconfinement progressif.

Plus tard, il relayera d’ailleurs un message qui en vante les mérites : les visites des proches sont possibles le 4 mai, les commerces rouvrent le 18 mai.

Cet échange affable, comme bien d’autres plus virulents, raconte notre société qui se divise.

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