Alain Destexhe

Non aux retours de Syrie

Alain Destexhe Ex-Sénateur

En Belgique, les appels se multiplient afin de rapatrier les « Belges » de Syrie.

Dans la Libre, un groupe de 300 universitaires a lancé fin octobre une pétition demandant le « retour urgent des Belges de Syrie« . Dans De Standard, des chercheurs de l’Institut Egmont écrivent que le rapatriement des combattants belges est « le bon choix« . Child Focus publie une « Lettre ouverte aux membres du gouvernement fédéral  » allant dans le même sens. Même Frederic van Leeuw, le procureur fédéral belge (chargé de la lutte contre le terrorisme) plaide pour l’organisation du rapatriement des terroristes emprisonnés.

Ils ont par leurs actes renoncé à la nationalité belge

On espère que le gouvernement en affaires courantes ne va pas céder à la pression croissante. Un point commun à ces appels au rapatriement est qu’ils ne mentionnent jamais les victimes et les immenses souffrances imposées par l’État islamique. Tous ces appels n’abordent jamais non plus une question essentielle. En rejoignant ISIS, ces hommes et ces femmes ont fait un choix. Ils ont décidé d’abandonner leur citoyenneté belge et de rejoindre un « État » dont les valeurs fondamentales sont totalement incompatibles avec celles des sociétés européennes. Ils ont décidé de rejoindre un groupe terroriste dont l’objectif est de tuer sans pitié des habitants des pays d’où ils proviennent, leurs compatriotes, comme les djihadistes l’ont fait à Bruxelles, Nice, Berlin, Paris et ailleurs ; un groupe qui a brûlé vif dans une cage un pilote de chasse jordanien et violé des centaines de femmes yézidies, pour ne citer que quelques-unes de leurs atrocités. Au moment où ils ont rejoint ISIS, ils savaient ce qu’ils faisaient et ne pouvaient ignorer la nature et les actes de ce groupe terroriste. Ils devraient donc être dépouillés de leur nationalité belge, car ils y ont renoncé eux-mêmes en rejoignant une organisation terroriste.

Presque toutes les personnes concernées sont des immigrants de la première génération et plus souvent de la deuxième ou de la troisième génération. Dans la plupart des cas, ils ont également la nationalité du pays d’origine de leur famille: le Maroc, l’Algérie, la Tunisie ou le Pakistan. Ainsi, en perdant leur nationalité belge, ils ne deviendraient pas apatrides.

D’un point de vue juridique, l’un des principes du droit international est que les crimes commis dans un pays doivent être jugés dans le pays où ils ont été commis. C’est jusqu’à ce jour la position du gouvernement belge et c’est la bonne. Il n’y a aucune raison d’être indulgent vis-à-vis de ceux qui ont essayé de tuer leurs concitoyens et de détruire nos sociétés. Les femmes et leurs enfants nés en Irak ou en Syrie ne devraient pas non plus être autorisés à retourner en Europe. Leur autre pays de citoyenneté est libre de les récupérer, mais les gouvernements européens n’ont ni obligation ni responsabilité de les reprendre.

La confusion morale entre victimes et bourreaux

C’est généralement à ce stade que les partisans du rapatriement soulèvent l’argument moral. Les enfants nés dans le califat ne sont pas responsables des crimes de leurs parents et devraient être pris en charge. C’est certainement vrai. Mais comme on ne sépare pas un enfant de sa mère, le retour du premier, c’est aussi celui de la seconde, cette mère majeure qui a rejoint en connaissance de cause l’Etat islamique. Et pourquoi ces enfants mériteraient-ils un meilleur traitement que ceux des autres enfants nés en Irak ou en Syrie? Qu’en est-il des enfants de femmes yézidies violées par des combattants de l’Etat islamique? Qu’en est-il des orphelins syriens, kurdes et irakiens dont les parents ont été assassinés par l’Etat islamique? Ces mères et ces enfants ne méritent-ils pas davantage notre aide et notre soutien que les femmes qui vivaient déjà en Europe et prétendent maintenant « s’être trompées » en rejoignant l’Etat islamique ? Une erreur aux conséquences meurtrières : elles sont, à tout le moins, complices des crimes et des atrocités commis par Daesh. Comme l’a écrit à juste titre le chroniqueur anglais Piers Morgan : « Ce sont ces femmes qui ont quitté leur foyer, leur famille, leurs amis et leur pays pour se marier avec les pires terroristes du monde. Elles ont couché avec eux, elles ont cuisiné pour eux, nettoyé pour eux, elles les ont aimés et parfois vénérés. Et pendant qu’elles faisaient tout cela, leurs maris étaient en train de violer, de torturer, de lapider, de décapiter et d’assassiner des gens ».

Ce débat sur le rapatriement est un nouvel exemple de la confusion qui règne désormais en Europe lorsqu’il s’agit d’appliquer nos principes moraux. Les vraies victimes sont les personnes qui ont été tuées, blessées, violées, torturées ou déplacées par l’Etat islamique. Leurs enfants, s’ils sont encore en vie, devront vivre tout au long de leur existence avec les conséquences des crimes de l’Etat islamique.

Le gouvernement belge ne doit pas céder

Si les gouvernements européens doivent choisir entre soutenir une survivante du viol yézidie (et son enfant non désiré) ou une femme qui a volontairement quitté l’Europe pour cracher au visage des sociétés occidentales et des valeurs de son pays d’origine en rejoignant l’Etat islamique, ils devraient choisir la première. Et c’est valable pour la Belgique, le pays d’Europe qui, rapporté à sa population, a fourni le plus de djihadistes à l’Etat islamique. Le gouvernement fédéral ne doit pas céder aux pressions.

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