Claude Demelenne

Négocier le confédéralisme pour éviter le Vlaams Belang

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Une majorité de Flamands veut tourner la page de la Belgique « toujours grande et belle ». Il faut en tenir compte et négocier le confédéralisme. Sinon, la voie sera libre pour les marchands de haine du Vlaams Belang.

Beaucoup d’élus francophones n’ont pas fait leur deuil de l’utopie belge. Celle-ci est complètement dépassée. Avec la foi du charbonnier, ils tentent de la ressusciter. Pour ce faire, ils sont prêts à accepter, du bout des lèvres, une nouvelle réforme de l’Etat. A condition, précisent-il, que cette réforme modernise vraiment le pays, ce qui pourrait signifier la refédéralisation de certaines matières aujourd’hui gérées par les régions. Le but pour les francophones est d’aboutir à un Etat qui fonctionne mieux, pas à un Etat fédéral squelettique, voué à une lente agonie.

Toujours moins de Belgique, toujours plus de Flandre

Mais qu’est-ce qu’un Etat qui fonctionne mieux ? Pour la majorité des Flamands, c’est un Etat plus ultra-libéral, plus sécuritaire, plus climato-sceptique, plus dur avec les chômeurs, plus strict avec les migrants. Un Etat qui distille un discours aux accents plus identitaires, à rebours du discours francophone, à la recherche d’une identité wallonne – et bruxelloise ? – introuvable.

Les élus francophones ne sont pas du tout sur la même longueur d’onde. Ils ont une tout autre vision de ce que doit être un « Etat qui fonctionne mieux ». Les Flamands plébiscitent les recettes d’une droite tout sauf complexée. Les francophones privilégient les recettes d’une gauche tout sauf molle, qui réclame plus d’Etat Providence et plus de redistribution sociale.

Pour la majorité des Flamands, un Etat qui fonctionne mieux est un Etat avec toujours moins de Belgique et toujours plus de Flandre. Vu du Nord, moderniser l’Etat, c’est régionaliser toujours davantage.

L’union est une farce

Pour les francophones, un Etat qui fonctionne mieux est un Etat qui continue à jouer la carte du fédéralisme d’union. Beaucoup de francophones sont nostalgiques de la Belgique « toujours grande et belle ». « L’union fait la force », affiche Georges-Louis Bouchez sur son t-shirt, lors de ses voeux de Nouvel An présentés sur Twitter. Les francophones sont convaincus qu’avec un peu de bonne volonté, tout peut repartir comme avant dans le couple belge.

Pour les Flamands, l’union des Belges est une farce. Une mauvaise farce, qui les empêche d’appliquer pour leur peuple les réformes de droite – ou de centre droit – auxquelles ils aspirent.

Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

Que faire ? Il n’existe pas de recette miracle. Pour sortir par le haut du marasme belge, les francophones ne peuvent plus faire l’autruche. L’utopie belge appartient au passé. En tant que Wallon de gauche, je suis attaché au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si le peuple flamand veut tourner la page de la Belgique fédérale, il est de notre devoir de respecter ses aspirations. La reconnaissance de ce principe est un préalable à toute négociation sérieuse.

Si les francophones imposent le statu quo (ou le quasi statu quo) institutionnel, lors du prochain scrutin, le Vlaams Belang fera un malheur. Il deviendra le premier parti de Flandre. Un peu tard, nous regretterons d’avoir diabolisé la N-VA et ouvert la voie aux marchands de haine.

Il faut donc refuser le surplace institutionnel. Et négocier. Avec une seule certitude : les négociations pour jeter les bases d’une Belgique confédérale seront une épreuve de longue haleine, d’une infinie complexité : songeons au sort de Bruxelles, à celui des francophones de la périphérie, à la scission de la sécurité sociale, qui devra prévoir des compensations financières pour la Wallonie. Comme dans tout divorce, le conjoint le moins riche a le droit de bénéficier d’une pension alimentaire.

Négocier avec Bart De Wever

Des travaux préparatoires, entre experts de tous les partis démocratiques, pourraient s’étaler tout au long de la législature 2020-2024, sans interférer avec la gestion du gouvernement fédéral qui verra tôt ou tard le jour. Selon ce scénario, les francophones n’auront d’autre choix que de négocier avec Bart De Wever. Si la majorité des dirigeants francophones lui claquent la porte au nez, en 2024, c’est avec le Vlaams Belang qu’ils devront se mettre à table. On leur promet bien du plaisir.

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