Le site de Haren retenu pour un projet de mosquée de 1 200 places. © dr

Mosquée de Haren : un méga-malentendu ?

Un projet de nouvelle mosquée s’élabore à deux pas de l’Otan. Le bourgmestre de Bruxelles, qui semblait l’avoir soutenu pendant la campagne électorale, fait machine arrière.

Après la méga-prison, la méga- mosquée. Avec ses 5 000 habitants, Haren est une portion de Bruxelles-Ville coincée entre la commune d’Evere, deux lignes de chemin de fer et deux autoroutes urbaines. Ses derniers espaces verts sont sacrés. Dès lors, quand les Harenois ont appris qu’une mosquée de 1 200 places allait être construite sur un terrain appartenant à la Régie foncière de la Ville de Bruxelles, leur sang n’a fait qu’un tour. Pas parce qu’il s’agissait d’un lieu de culte musulman – les assemblées citoyennes des 11 et 15 novembre derniers l’ont répété sur tous les tons – mais parce que le projet est disproportionné, que des centaines de voitures vont engorger la rue du Pré aux Oies et que les besoins du quartier sont d’une tout autre nature : crèches, commerces de proximité, loisirs pour les jeunes, maison de retraite.  » Il y a suffisamment de mosquées alentours « , ont dit des musulmans.

Alors, quoi ? Le projet est porté par le secrétaire général de la mosquée Ettaouba (Attawba) d’Evere, Hassan Bouit, médiateur communal, candidat PS aux communales de 2000. Fréquemment en délicatesse avec les prescrits urbanistiques et les règles de voisinage, la mosquée Ettaouba n’a jamais demandé sa reconnaissance. Elle a connu un épisode de radicalisation qui a culminé en 2014 avec l’inculpation et l’arrestation de l’imam Mohamed Ben Ajiba, que le parquet fédéral soupçonnait d’avoir envoyé des jeunes en Syrie. Il a été acquitté en appel, mais ce lieu de prière, l’un des plus grands de Bruxelles, garde une réputation équivoque.

L’implication du PS bruxellois

L’enjeu dépasse Haren. Alors qu’il n’a présenté aucun candidat issu de cette ancienne commune flamande vouée autrefois à la culture du chicon, le PS bruxellois s’est intéressé au projet de Haren, comme il a aidé à l’éclosion de la mosquée de Neder-Over-Heembeek, d’abord sous la forme d’un centre culturel, aujourd’hui reconnu comme lieu de culte. En mai dernier, du haut du minbar (chaire) de la mosquée marocaine de Laeken, le bourgmestre Philippe Close rappelait aux fidèles, en plein ramadan, combien la Ville avait contribué à en faire  » un lieu de culte digne de leur foi « .

La réunion privée à laquelle il a participé à Haren, à l’invitation de Hassan Bouit, le 9 septembre dernier, un mois donc avant les élections communales, aurait dû rester discrète. Le soir même, les photos d’un participant ont été publiées sur la page Facebook  » 1130 Haren « . Et retirées, sous pression semble-t-il, le 12 septembre. Elles avaient déjà tourné.

Outre le maître des lieux, Hassan Bouit, étaient présents : le bourgmestre Close, l’échevin du logement Mohamed Ouriaghli (PS), l’architecte du projet, deux représentants de l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) qui ont rappelé les règles administratives et de vivre-ensemble (dont l’égalité hommes-femmes), les dirigeants des mosquées de Neder-Over-Heembeek, Koekelberg et Laeken (africaine), ainsi que Mohamed Kajaj, vice-président du Conseil des théologiens attaché à l’EMB et membre du Conseil des oulémas pour la communauté marocaine en Europe, ce dernier se montrant très élogieux envers Philippe Close. Le bourgmestre a évoqué les difficultés du projet en matière de parking, soulignant que  » c’était une compétence de l’urbanisme et que Mohamed Ouriaghli n’était pas échevin de l’urbanisme « . Il a conseillé, si un autre terrain devait être trouvé, de présenter le projet sous la forme d’un centre culturel et non d’une mosquée. Quant à Hassan Bouit, il a appelé sans détour à soutenir Close et Ouriaghli.

De fait, Geoffroy Coomans de Brachène (MR), titulaire sortant de l’urbanisme, avait recalé le projet de Haren.  » La première fois que j’en ai entendu parler, il y a deux ans, il s’agissait de construire une mosquée de quartier d’une capacité de 300 places, nous indique-t-il. La Ville avait accepté. Mais, lors de sa seconde visite, la délégation emmenée par M. Bouit est revenue avec un projet pour 1 200 personnes, et ça, nous ne l’avons pas accepté, pour des raisons de mobilité et d’intégration dans le tissu urbain. Cela m’a valu d’être traité de raciste ou d’antireligieux, alors que j’aurais agi tout pareil dans le cas d’une église.  » Pause.  » Je suis surpris que Philippe Close, qui se présente comme laïque, défende à ce point ce projet sans l’avoir réellement regardé.  »

La mosquée Ettaouba (Attawba) d'Evere. Son secrétaire général Hassan Bouit est encore loin d'obtenir gain de cause.
La mosquée Ettaouba (Attawba) d’Evere. Son secrétaire général Hassan Bouit est encore loin d’obtenir gain de cause.© dr

« Il faut relancer la démarche pour un autre terrain »

Au final, il semble que Mohamed Ouriaghli n’obtiendra pas le portefeuille de l’urbanisme, mais bien Ans Persoons (Change.Brussels ou SP.A). Son suppléant, si elle partait à la Région, est un Harenois, Laurent Moulin, qui a signé la pétition contre le méga-projet de mosquée. L’échevin socialiste garderait toutefois le logement, ce qui lui donne la haute main sur la régie foncière, propriétaire du terrain convoité.

A méga-mosquée, méga-opposition. Et méga-malentendu ? L’EMB va convoquer Hassan Bouit  » pour obtenir des éclaircissements « , a appris Le Vif/L’Express, qui a essayé en vain de recueillir le témoignage de celui-ci. En revanche, Philippe Close nous a expliqué les choses, en commençant par rappeler que Freddy Thielemans, l’ancien bourgmestre de Bruxelles, l’avait chargé du dossier des mosquées, trop peu reconnues par les autorités,  » alors qu’on dépense beaucoup de millions d’euros pour les églises « .  » J’ai suivi le dossier de Neder-Over-Heembeek et un bâtiment du CPAS ( NDLR : la Maison hanséatique) a été mis à disposition de l’Exécutif des musulmans de Belgique « , illustre-t-il. Sur sa laïcité, dont  » personne ne peut douter « , il désamorce :  » Je vais dans tous les lieux de culte où l’on m’invite.  »

La réunion controversée du 9 septembre ?  » J’ai prévenu les participants qu’ils devaient se préparer à un long parcours, que la construction d’une mosquée était quelque chose de complexe. Le terrain auquel ils pensent aurait pu être vendu en vente publique, mais il n’est pas viabilisé comme tel. Il faut relancer une démarche pour un autre terrain. Haren a une réserve de terrains à construire, mais cela doit se faire dans le cadre d’un plan global à vingt ou trente ans, avec le type d’équipements (crèche, etc.) qu’on y prévoit. Si, malgré tout, les promoteurs de la mosquée déposaient une demande de permis, ce qui est possible sans être propriétaire du terrain, il y aurait un refus « , annonce-t-il au Vif/L’Express.

Une nouvelle n’arrivant jamais seule, le futur premier échevin Ecolo, Benoit Hellings, a fait savoir, le 19 novembre, sur la page  » 1130 Haren  » :  » A ce stade, nous ne voyons pas à quel besoin harenois ce projet associatif de mosquée répond.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire