Carte blanche

« Monsieur Magnette, vous avez choqué notre profession »

Gérard Delvaux, président de l’Ordre des exerts-comptables et comptables de Belgique, réagit au discours du 1er mai du président du PS dans lequel il critiquait le métier de conseil fiscal.

Monsieur le Président,

Monsieur Magnette,

Lors de la fête du 1er mai, vous avez tenu des propos qui choquent notre profession en indiquant notamment que notre métier de conseil fiscal nuisait à l’intérêt général en gagnant des fortunes.

J’ai tardé à vous répondre car dans un premier temps, je n’ai pas perçu que vos affirmations concernaient :

  • les 2.000 membres effectifs qui composent l’Ordre des Experts-Comptables et Comptables Brevetés de Belgique (OECCBB) que je dirige actuellement en qualité de Président ;
  • les 16.000 membres effectifs qui composent l’Institut des Experts Comptables et des Conseils Fiscaux (ITAA) où j’ai assumé pendant plus de 30 ans les fonctions respectives d’administrateur, vice-président et président.

La confusion que vous faites est la conséquence d’agissements de certains avec des titres de consultants non reconnus légalement.

D’aucun trouve vos paroles insultantes et je ne veux pas me placer à ce niveau de discussion qui ne peut aboutir à la bonne compréhension de nos missions.

D’autres reprennent vos affirmations comme une récupération politique. Je n’entrerai pas non plus dans ce genre de débat qui créerait inévitablement une polémique supplémentaire en prenant prétexte de la confusion que vous faites de notre profession.

« C’est le monde à l’envers », dites-vous.

En effet, la crise sanitaire inédite du Covid-19 impose d’autres discussions que d’opposer les uns contre les autres. J’affirme que notre profession entière s’est mise immédiatement à la disposition de l’intérêt général. Notre site (www.oeccbb.be) en témoigne.

Je vous invite à le consulter afin de vous permettre d’ apprécier toutes les actions que nous menons pour le bien-être de la collectivité.

En effet, l’expert-comptable, conseil fiscal, est aux côtés des entreprises pour les guider dans ces moments difficiles. Il sera un acteur important lors de « l’après-confinement » afin de prodiguer à nos PME les conseils les plus judicieux en matière de continuité d’entreprises.

Nos missions sont multiples et l’on peut citer l’organisation comptable, administrative, l’analyse financière, le redressement comptable, les mandats de justice, l’expertise judiciaire, l’assistance aux entreprises en difficulté, la tenue de comptabilité, l’assistance fiscale, … Je vous suggère de prendre connaissance de la loi organique de notre profession.

Ces missions ont été reconnues en 1985 par le législateur avec les contraintes et responsabilités qui incombent à nos fonctions.

Nous sommes assermentés avec des obligations déontologiques vis-à-vis de l’ensemble des législations en vigueur. Nous devons donc exercer notre profession avec probité, indépendance dans le respect de l’éthique et de la loi.

La pierre angulaire de notre profession est incontestablement l’indépendance et dans le cadre des missions qui nous sont dévolues en matière fiscale, nous devons chaque jour nous battre contre une complexité importante et croissante du Code des Impôts sur les Revenus qui donne un inconfort juridique total dans le cadre de textes souvent incompréhensibles à première lecture. La simplification administrative donnée par le législateur reporte continuellement sur notre profession des devoirs supplémentaires importants en compliquant largement la compréhension législative en fonction d’impératifs budgétaires croissants. Il serait temps de simplifier le Code des Impôts sur les Revenus qui est devenu au fil des années le Code des Impôts sur les charges.

Je vous propose, Monsieur le Président, Monsieur Magnette, de vous rencontrer afin que vous puissiez comprendre notre profession et rectifier vos propos dont je n’accepte pas la teneur et qui sont apparus comme offensant pour la profession toute entière.

Dans toutes les professions, il y a des canards boiteux Monsieur le Président et, dans la vôtre également et la presse ne cesse que de relayer les scandales de politiciens sans scrupule.

Votre prédécesseur, Monsieur le Ministre-Président Di Rupo, a d’ailleurs affirmé publiquement son insatisfaction en la matière en créant un comité d’audit et de surveillance.

Par ses instances disciplinaires, notre Institut sanctionne sévèrement ses membres qui ne respectent pas les règles déontologiques.

Soyez assuré que la grande majorité de nos professionnels accompagnent les entreprises dans les obligations fiscales dans le respect des lois. Nous sommes les garants du respect de l’ensemble des législations mais nous ne sommes pas non plus les auxiliaires de l’administration fiscale ni la main armée des fraudeurs. Nous devons par ailleurs participer activement à la lutte contre le blanchiment d’argent.

Il est donc important que nous puissions débattre sereinement, publiquement, afin de donner notre vision et de rétablir l’honneur d’une profession qui s’est sentie injustement visée par vos propos.

L’expert-comptable, c’est aussi, grâce à sa technique, le conseiller privilégié des PME dans une crise sans précédent que nous connaissons.

Dans l’attente de vous lire, j’adresse également la présente à Monsieur le Ministre-Président Di Rupo ainsi qu’à Monsieur le Ministre Frédéric Daerden qui a exercé la profession de reviseur d’entreprises durant de nombreuses années.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, Monsieur Magnette, l’expression de mes salutations distinguées.

Gérard Delvaux

Président de l’Ordre des experts-comptables et comptables

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