Christine Laurent

Minuit chrétien

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Autrefois, il soulevait des montagnes. Aujourd’hui, le christianisme est à la peine. Pas un jour sans qu’il reçoive un coup de boutoir. Du moins en Occident où il se fait désormais invisible, tant il est dilué, intégré dans l’humanisme laïque.

Au fil du temps, les préjugés, les caricatures, les conflits, les tensions, les critiques l’ont emporté sur la connaissance et la vérité des faits historiques et théologiques. On veut tout virer, l’histoire, les croyances et les dogmes, vécus comme autant de camisoles mentales. Le christianisme va-t-il mourir ?, s’inquiétait déjà en 1977 l’historien français Jean Delumeau (éd. Hachette). A l’heure où l’on sent poindre une volonté de débaptiser même les fêtes les plus populaires, d’effacer toute référence au chrétien (à quand le tour de Noël ?), pourquoi ne pas se pencher sur le passé, la source, le berceau ? De Pierre à François, du premier apôtre au dernier pape, c’est à cette aventure humaine exceptionnelle que nous vous convions cette semaine, dans sa lumière et ses parts d’ombre. Des fresques de Fra Angelico, des cantates de Bach aux persécutions, à l’Inquisition, au sabre qui, hélas, précédait ou suivait le goupillon. Mais faut-il jeter dans un même élan l’eau bénite avec le bénitier, la religion et l’Eglise et toutes ses dérives pour lesquelles elle semble vouloir faire désormais pénitence ?

Foi et loi, foi et raison… Oui, de Pierre à François, en passant par la Renaissance, la Réforme, les Lumières, la Révolution, Marx, Nietzsche, le christianisme, né au carrefour du judaïsme et de la culture gréco-romaine, mondialisé par Paul, c’est un foisonnement d’idées, de contestations, la multiplication des pains du savoir, l’humanisme, les Droits de l’Homme. « Nous constatons encore aujourd’hui combien les civilisations qui n’ont pas connu le christianisme ont de grandes difficultés à accoucher de régimes démocratiques, parce que l’idée d’égalité, notamment, n’a rien d’évident pour elles », affirme Luc Ferry (Apprendre à vivre, éd. Plon). Et que dire de l’universalisme de Jésus, la pierre angulaire de son credo ? « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », indépendamment de sa couleur, de son rang social, de son sexe, de sa religion. Un message plus que sulfureux aujourd’hui encore, alors qu’au Moyen Orient, là où les diatribes enfiévrées des prophètes de malheur assoiffés de pouvoir sèment la terreur, des chrétiens sont tués chaque jour dans une indifférence coupable.

Le choc des civilisations, le schisme idéologique, rien de neuf sous le soleil du XXIe siècle. Or dans ce contexte, l’esprit d’un christianisme joyeux, généreux, universaliste, tourné vers les autres, dans le dénuement et la fraternité, comme semble l’incarner le pape François, pourrait sans doute encore apporter sa pierre à l’édifice d’un monde meilleur. « Il ne peut y avoir de paix entre les nations sans paix entre les religions. Il ne peut y avoir de paix entre les religions, sans dialogue entre les religions. Il ne peut y avoir de dialogue entre les religions sans recherche des fondements idéologiques », prétendait le théologien suisse Hans Küng. Une évidence. Les civilisations ne sont-elles pas au plus haut quand elles sont ouvertes à tous les courants de pensée, tous les savoirs, comme ce fut le cas à Bagdad ou à Cordoue ? Mais le chemin semble encore bien long…

De très belles fêtes à tous !

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