Joëlle Milquet © BELGA/Jasper Jacobs

Milquet : « C’est la société de l’intolérance ! »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Attaquée sur plusieurs fronts, la ministre de l’Education, ex-ministre de l’Intérieure et ex-présidente du CDH, se défend, point par point.  » Je ne suis pas communautariste « , tonne-t-elle face à l’affaire Özdemir, déplorant le climat de radicalité générale actuel, fustigeant l’absence de projet de société du MR et s’emportant sur la question des cours de religion, de morale et de philosophie. Interview, réalisée avant les perquisitions à son domicile et à son cabinet.

L’affaire Özdemir, exclue du CDH par Benoît Lutgen, votre successeur, pour non-reconnaissance du génocide arménien, met en cause aux yeux de certains votre héritage à la tête du CDH…

Joëlle Milquet : C’est une très mauvaise analyse.

Un faux procès que l’on vous fait ?

Mais oui ! J’ai fondé le CDH avec un projet humaniste neuf dans le paysage politique. J’ai beaucoup travaillé pour ça tant à Bruxelles qu’en Wallonie puisque je suis un parfait mélange des deux : j’ai vécu les vingt-cinq premières années de ma vie à Charleroi, les vingt-cinq suivantes à Bruxelles. J’ai mis en place toute une nouvelle génération : Benoît (Lutgen), que j’ai engagé, désigné comme ministre en 2004 et soutenu comme candidat président ; Maxime Prevot, que j’ai été cherché chez les jeunes ; Céline Frémault, que j’ai fait monter comme suppléante à Bruxelles ; Hamza Fassi-Fihiri à la ville de Bruxelles ; Marie-Dominique Simonet, que j’ai été chercher au port ; Catherine Fonck, que j’ai été chercher à la médecine ou Carlo Di Antonio à Dour… Tous ceux qui font le CDH aujourd’hui, j’ai été les chercher, je les ai portés et puis ils ont pris leur envol et j’en suis très fière. Vous ne pouvez pas avoir une cassure d’héritage au sein d’un parti dont la génération en place est celle que j’ai choisie, en laquelle j’ai confiance, avec laquelle je m’entends très bien. Il y a peu de présidents qui désignent leur successeur et qui investissent dans la nouvelle génération.

Parce que vous voulez tout contrôler, aussi !

Non, pas du tout. Moi, j’aime les responsabilités, pas le pouvoir. J’aime être utile et faire avancer les choses, point barre. Le pouvoir ne m’intéresse pas en tant que tel et les apparats du pouvoir encore moins.

Mais dans certains domaines dont celui de la diversité, vous et Benoît Lutgen avez des sensibilités différentes, non ?

Dès 2009, quand j’ai été nommé vice-Première ministre, j’ai proposé de remettre mon mandat, mais on m’a demandé de continuer deux ans. Nous avons fait un ticket comme ça avait été le cas pour moi avec Philippe Maystadt quand je suis arrivée. Ce n’est évidemment pas facile pour quelqu’un que vous avez engagé, qui a été secrétaire général, puis ministre d’assurer une succession quand vous avez été à la présidence pendant douze ans. J’ai voulu être très claire et très correcte, je me suis refusée à jouer la belle-mère, même si je suis très impliquée dans le parti et même si je donne mon avis. Quand Benoît est devenu président, je me suis complètement investie dans mes compétences ministérielles.

Benoît est un homme, je suis une femme : c’est déjà immanquablement une sensibilité différente. Il est rural, je vis dans un milieu urbain. Nous n’avons pas les mêmes caractères, mais nous avons les mêmes valeurs, on s’entend excessivement bien, on a un vrai lien d’amitié ancestral, il sait que quoi qu’il arrive dans sa vie il pourra toujours compter sur moi et vice-versa. Il est normal et souhaitable qu’il assume une présidence différente de la mienne.

Avec un ton très différent…

Il est plus secret, je suis davantage participative. Il aime moins rendre publiques nos positions, c’est un choix. C’est légitime qu’il exerce une présidence différente, mais de là à voir une rupture de ligne, non.

Alors, oui, je pense que la diversité est la base de la société du XXIe siècle. La base de l’humanisme, c’est le respect de l’autre, quel qu’il soit, quelle que soit sa religion, son passé, sa culture et sa langue. Ce sont des valeurs oecuméniques qui doivent intégrer et accepter tout le monde. Moi, je refuse et je ne supporte pas ces adjectifs complètement faux venant du MR – qui n’ont pas pu encore assumer, eux, cette diversité – selon lesquels nous serions communautaristes. Je suis tout sauf communautariste, je ne supporte pas les communautarismes, c’est ce contre quoi je me suis toujours battue. Je ne supporte pas que le monde belgo-belge ait des schémas caricaturaux voire parfois, pour certains, des accents racistes ou islamophobes vis-à-vis des personnes de confession musulmane ou d’origine marocaine. Je ne supporte pas que les communautés se replient de façon trop fermée.

Moi, mon modèle de société, ce que je veux déployer comme diversité, ce n’est pas la multiculturalité, qui selon la logique anglo-saxonne accole des groupes les uns contre les autres sans qu’ils soient en relation, mais bien l’interculturalité, la mixité où les gens sont dans un projet commun, respectent les différences mais aussi un socle commun de valeurs sur lesquelles on ne peut pas transiger come l’égalité hommes-femmes, la démocratie…

C’est ce qui a été transgressé dans l’affaire Özdemir…

Je parle de manière générale.

Oui, mais je vous pose la question…

C’est un autre aspect des choses, il ne faut pas tout mélanger.

Sur nos listes, il y a des personnalités d’origine musulmane, des représentants des communautés turques ou congolaises, des Belgo-Belges, des chrétiens, des agnostiques, des athées… Ce que je veux vraiment réussir, c’est une communauté de vie où, au-delà des différences, on porte un projet collectif commun, dans le respect. Non, je ne suis absolument pas communautariste. Je ne vais pas faire campagne comme certains partis dans les mosquées, jamais ! Nous choisissions bien nos candidats et, objectivement, nos échevins sont des gens de grande qualité.

Je suis inquiète aujourd’hui quand j’entends des positions de certains partis ou quand je lis certaines analyses médiatiques qui manquent de recul dans le post-Charlie…

Dans quel sens ?

Je n’ai jamais vécu, ressenti – et je ne suis pas la seule… – un tel clivage dans la société belge et bruxelloise. Il y avait déjà eu une grande difficulté pour le monde musulman après le 11 Septembre. On doit constamment informer, être pédagogue, dire que ce n’est pas le voile qui est important mais ce que les gens ont dans la tête. Il faut arrêter de stigmatiser au départ d’un morceau de tissu avec une lecture qui n’est pas la bonne.

C’est hélas ce qui s’est passé pendant toutes ces années où Mahinur (Özdemir) a été parlementaire. C’est une femme généreuse, d’une grande intelligence, elle a fait des études, elle a grandi ici, elle a un sens de l’intérêt général, elle s’est impliquée : c’était une parlementaire exemplaire. Jamais on ne l’a invité pour parler de l’environnement ou de tout autre chose…

On se serait focalisé sur le symbole ?

Voilà. On n’a jamais vu que son foulard. Franchement, en 2015, je trouve ça vexatoire de la part des politiques, de la presse, de tout le monde de résoudre un être humain à un bout de foulard et d’en faire une controverse.

D’autant plus… Contrairement à ce que tout le monde pense, je ne connaissais pas Mahinur, elle est venue par la voie communale. C’est Denis Grimberghs à Schaerbeek qui l’a choisie, portée, qui l’a trouvée formidable, elle est devenue conseillère communale et c’est après ça que l’équipe de Bruxelles, collectivement, avec 150 personnes qui acceptent, l’ont proposée comme candidate députée. Elle était 24e sur une liste proposée par Benoît Cerexhe, Jacques Michel et que j’ai approuvée sans plus. Allez voir des stratégies, franchement…

Ce n’était pas de l’électoralisme, ça ?

C’est plutôt du courage ! On sait quand même faire le compte de la population… Oui, c’est courageux de dire que ce qui compte, c’est la personne, quelle qu’elle soit : elle est compétente, elle partage nos valeurs et nos projets. On a vécu une très belle aventure humaine avec Mahinur, même si l’on peut avoir une divergence de vue sur la problématique du génocide comme c’est le cas pour toute personne de la communauté turque, d’ailleurs : c’est un problème collectif qu’il faut faire évoluer, sûrement… Au-delà de ça, c’est une femme qui a énormément de qualités !

Moi, je pense – et je lance un appel ! – que nous avons besoin d’un pacte entre tous les Belges. On a eu ce problème Flamands – francophones pendant des années, je ne dis pas qu’il est oublié, il est pour l’instant en veilleuse même si on connaît les funestes desseins de la N-VA. Le coeur du problème actuel, c’est que nous avons une communauté juive…

… meurtrie et inquiète, elle !

Légitimement, avec la montée des attentats. Je les ai toujours énormément protégés quand j’étais à l’Intérieur, j’ai toujours été hyper-impliquée dans la communauté juive, j’ai toujours été à leurs événements, j’ai porté leurs projets. Si j’avais été communautariste, aurais-je fait ça ? Moi, je dis la même chose à Radio Judaïca qu’à Radio Al-Manar aujourd’hui Radio AraBel. Quand je faisais campagne dans les quartiers turcs, j’ai toujours assumé le fait que j’ai été une des premières à déposer une demande de reconnaissance du génocide arménien, avant que la génération actuelle n’en parle : c’était en 1998, au Sénat.

Oui, je vois des Juifs qui se sentent en insécurité, mais je vois aussi une communauté musulmane qu’il faut défendre, composée en grande majorité de jeunes Belges de confession musulmane – ce sont des Belges ! – avec un Islam qu’on doit respecter, avec lequel il ne faut surtout pas faire d’amalgame. Ils sont tous en train de raser les murs parce que depuis Charlie-Hebdo, quand on s’appelle Mohammed et que l’on a une tête plutôt marocaine, ce n’est pas facile de vivre en Belgique ou en Europe. Je ne nie pas non plus la peur des citoyens belgo-belges parce qu’il y a le contexte international, que l’on voit l’horreur de l’Etat islamiste aux portes de la Turquie et presque de l’Europe, avec toutes les erreurs stratégiques commises par les Occidentaux en Irak, en Syrie, en Libye… C’est une angoisse normale.

Ce pacte, ça signifie quoi, concrètement ?

Une des conclusions des Assises de l’interculturalité qui n’a pas été concrétisée, c’est la nécessité de définir le socle de nos valeurs communes quand on vit au sein de notre communauté. Ce sur quoi on ne transige pas : la non-violence, le respect de l’autre, le fait de pouvoir exercer sa religion, l’égalité homme-femmes, le respect de la femme, le rejet de l’homophobie, le rejet de l’extrémisme et du radicalisme qui pour moi est un fléau et qui fait un tort fou à la communauté musulmane parce que ça augmente l’islamophobie, qui développe le sentiment de non-reconnaissance, qui accroît le radicalisme.

J’ai toujours voulu mener deux combats en parallèle : la lutte contre le radicalisme et l’extrémisme d’un part, mais aussi celle contre l’islamophobie et le racisme de l’autre ; ça s’alimente.

Pour quelqu’un qui est soi-disant communautariste, j’ai été une des premières à me battre contre le radicalisme alors que c’était encore un sujet délicat à aborder. Demandez à Manuel Valls ! La communauté musulmane doit faire le ménage parce qu’elle est la première à en payer le prix. Ce n’était pas facile à accepter, j’ai été voir des imams pour l’expliquer, j’ai fait tout pour qu’ils rencontre des rabbins et qu’ils tiennent ensemble des conférences de presse pour affirmer qu’ils ne veulent pas l’importation du conflit israélo-palestinien. Ce n’est pas être communautariste, ça, ce n’est pas exalter ce qui fait les particularismes.

Par contre, une société démocratique au XXIe siècle se doit d’accepter qu’il y a des religions différentes, faire la part des choses entre les extrémismes et les religions. Etes-vous communautariste quand vous invitez un musulman chez vous et que vous ne lui offrez pas de jambon ? Non, vous êtes juste respectueux… Quand des représentants du monde juif venaient à mon cabinet, j’ai toujours pris un traiteur kasher pour eux, c’est du respect !

Des accommodements raisonnables, vous y êtes favorable ?

J’ai toujours été opposée aux accommodements raisonnables entendus comme des règles de droit différentes pour les uns et pour les autres. Jamais ! Les règles, c’est la même chose pour tout le monde ! Ce sont des gens du MR qui alimentent cette fausse idée.

Par contre, que vous aménagiez dans votre vie pratique… La Stib ou des grandes entreprises aménagent des lieux pour que certains puissent faire une prière quand ils ont le temps. Pendant le ramadan, on essaie de ne pas manger et boire devant ceux qui jeûnent : c’est du respect !

Il faut convaincre le monde belgo-belge que nous sommes condamnés à vivre ensemble, que la Belgique homogène d’il y a cinquante ans c’est terminé, que Bruxelles a une diversité qui fait aussi sa richesse… On a un magnifique combat à mener : c’est démontrer à la face du monde que cette cohabitation est possible.

Il ne faut pas être naïf pour autant et je ne suis certainement pas une naïve ! Quand j’ai été ministre de l’Intérieur, je n’ai certainement pas été laxiste, j’ai pris des mesures très très sévères en matière de radicalisme, les premières du genre. J’ai déposé un plan de prévention national insistant sur la responsabilité des communautés, il faut le répéter, mais aussi éviter les amalgames, montre les réussites de la diversité… Arrêtons de parler des personnes uniquement quand il y a un problème, voyons les médecins, les juges, ceux qui sauvent des vies… ils sont des milliers, c’est ça la nouvelle société.

Il serait vraiment opportun de rédiger un tel pacte entre les Belges, entre tous les niveaux de pouvoir.

Le gouvernement fédéral finalise pour l’instant son plan de lutte contre le terrorisme…

Il faut une vraie politique sécuritaire et préventive, je n’ai jamais lésiné là-dessus, même Jan Jambon le reconnaît. Ce n’est pas pour autant qu’il faut transiger avec la délinquance : oui il y a des problèmes et il faut traiter cela fermement. Je suis pour davantage de centres fermés. C’est moi qui a fait les sanctions administratives : j’ai osé, ce n’était peut-être pas très démagogique vis-à-vis des jeunes, mais je suis pour le rappel des règles et leur application dès la première infraction !

Mais au-delà de ça, il faut mettre un terme au repli, au rejet, à la crainte, à la suspicion. On doit voir quel projet nous voulons porter tous ensemble dans ce pays, avec un socle de valeurs communes fort, mais aussi les espaces de respect de différences que l’on soutient…

Ce qui est étonnant, c’est que tout le monde défend la pluralité politique, mais quand on parle de pluralité confessionnelle, cela pose problème. Mais c’est le respect des convictions de chacun ! Le Maroc, dans le passé, c’est là où les Juifs vivaient dans le respect avec les musulmans.

On est arrivé à un moment de l’Histoire où l’Europe n’a pas réalisé que son passé était révolu, elle n’a pas imaginé les conséquences d’immigrations qui au départ devaient être ponctuelles, tout d’un coup on ouvre les yeux et le drame, c’est que ça survient au moment des départs en Syrie…

Ce sont de jeunes générations issues de l’immigration qui sont moins attachées à la Belgique…

Ce n’est pas vrai, ça dépend ce qu’on leur offre. Les médias sont dans l’émotionnel, on manque de distance. En France, après Charlie, il y a eu une réaction très digne. En Belgique, j’ai l’impression que ce travail n’est pas suffisamment près parce que l’on a tendance à suivre les amalgames faciles à la Destexhe où l’opprobre est toujours sur la tête de la personne d’origine étrangère. Ce n’est pas être laxiste que d’accueillir des réfugiés syriens.

Il y a aujourd’hui, avec la suédoise, un clivage politique comme il n’y en a jamais eu, l’absence de concertation sociale, l’arrivée d’un parti nationaliste au pouvoir… C’est une cassure politique avec des choix très radicaux, qui rompent avec le consensus issu de la Seconde Guerre mondiale. Mais à ça s’ajoute une autre rupture alimentée par certains, celle de cette société plus fragmentée qui se radicalise. C’est une société de l’intolérance, où l’on sème tous les ingrédients d’une violence potentielle. Il y a des jeunes qui ne se sentent citoyens de nulle part parce qu’ils sont exclus de toutes parts. Nous devons tous nous forcer à voir les choses différemment, sans être naïf.

Vous avez le sentiment qu’on vous caricature pour refuser à travers vous cette société plurielle ?

Qui me caricature, à part quelques journalistes qui suivent aveuglément des propos que j’ai pu parfois entendre au MR ? Mais c’est quoi le projet de société du MR ?

S’il y a un mot qui me définit dans ma vie politique, au-delà du combat pour l’intérêt général, c’est fédéraliste. Je veux fédérer les Flamands, les francophones et les communautés en Belgique, les Etats en Europe, dans le monde… Or, le métissage de nos sociétés européennes est pour le moment un des sujets les plus compliqués à appréhender. C’est un des enjeux majeurs pour demain et moi je suis debout pour porter ce projet, avec fierté parce qu’il est indispensable.

Cette caricature fait rire tous ceux qui me connaissent. Même si j’ai parfois été traitée de tous les noms.

Dans vos compétences actuelles, un dossier chaud touche à ça aussi, celui des cours philosophiques.

C’est la même problématique, en effet. Quand je me retrouve en plein XXIe siècle, que j’aborde l’idée d’un cours de citoyenneté et que je vois encore des relents du discours complètement irrespectueux pour les personnes qui ont une confession quelle qu’elle soit, d’une laïcité qui n’a pas compris… Où est-on ? C’est quoi la société du XXIe siècle : celle de l’accueil de l’autre, de la tolérance, du respect de la différence confessionnelle… Mais cette espèce de vision selon laquelle il y a une vérité et que toutes les autres personnes, soit elles se trompent, soit elles sont manipulées dans un secte, il y a des limites.

Dans ce débat-là, j’ai vraiment le sentiment qu’il y a eu une exaltation, une manipulation, notamment du recours devant la Cour constitutionnelle. C’est quand même hallucinant qu’après le drame de Charlie-Hebdo, il n’a pas fallu deux jours pour qu’on dise que le problème, ce sont les cours de religion. Or, les auteurs des attentats étaient de Français qui n’ont pas eu de cours de religion, puisqu’il n’y en a pas dans l’école de la République. On rêve ?

On s’est précipité sur le cours de citoyenneté qu’il faut faire, je trouve cela magnifique, passionnant, j’ai reçu des contributions majeures, on va le faire. Mais ne peut-on pas siffler la fin de la récréation et arrêter ce clivage complètement dépassé libre examen versus religions ! On peut tous avoir son esprit critique tout en ayant des convictions religieuses. Il y a pas qu’une seule partie des citoyens qui ont raison.

Moi, je suis très mélangée dans mon monde social et amical : il y a des gens issus de la laïcité, des mondes chrétiens et musulmans. Mais il faut du respect. J’aimerais bien que l’on se calme dans ce débat. C’est pour cela qu’il faut un peu de temps et j’aimerais que tous les partenaires le comprennent.

Vous comptez reporter l’Encadrement pédagogique alternatif (EPA) ?

L’EPA, c’est tout simplement une réponse à un arrêt de la Cour constitutionnelle que personne ne voulait. Il est issu d’un seul recours suite à une question préjudicielle posée par un parent de la Fapeo. Je suis légaliste, nous allons y répondre, mais nous ne sommes pas obligés de le faire dans les trois mois parce que c’était une simple question préjudicielle.

Mais utiliser cela de façon exaltée, me dire qu’il faut absolument le faire pour 2015 et me soupçonner parce que je serais CDH de ne pas vouloir avancer…

Des ministres de votre gouvernement sont dans cet état d’esprit, comme André Flahaut…

Il est temps de siffler la fin de la récréation. Ce sont des thématiques essentielles qui demandent un débat maturé, calme, rationnel, pas politisé. Je trouve cela magnifique de réfléchir à ce que l’on va mettre entre les mains de nos futurs citoyens entre 6 et 18 ans. C’est majeur et ça mérite autre chose qu’une manipulation politicarde où l’on prend le cours de citoyenneté en otage d’une guerre du 19e siècle.

Certains réclament un cours de deux heures plutôt qu’une…

C’est un débat légitime. Mais la manière dont on a manipulé le débat sur Charlie-Hebdo, les accusations selon lesquelles j’aurais fait du recensement religieux sur l’EPA : c’est faux, c’est calomnieux, du grand n’importe quoi, j’essaye juste d’assumer les conséquences d’un arrêt que je n’ai pas voulu !

Il y a d’ailleurs une autre solution, toute simple, qui ne crée aucun problème : il suffit de dire comme avant 1994 que le cours de morale non-confessionnelle est neutre. Deux mots dans un décret et tout est résolu, pourquoi ne pas le faire pendant une période transitoire, le temps de faire le cours de citoyenneté ? Est-ce que c’est compliqué ?

Visiblement, pour certains, oui !

C’est pourtant simple. Et je n’ai pas d’agenda caché, j’ai toujours été quelqu’un qui voulait travailler par-delà les partis.

Moi, ce qui m’anime en politique, c’est de travailler au progrès de la communauté. Sinon je serais partis depuis très longtemps parce que ce n’est pas une vie ni gratifiante, ni valorisée.

Regardez le Pacte d’excellence, c’est un enjeu clé pour lequel il faut du courage parce que quoi que vous faites, vous serez critiqué… Moins vous faites, moins vous le serez…

Certains sont troublés par votre méthode, votre capacité à générer beaucoup d’idées, à forcer le train…

Si vous ne faites pas avancer les choses, à quoi vous servez en politique ? Moi, je ne suis pas là pour regarder les trains passer, je suis là pour les conduire. Cinq ans, ça peut paraître long, mais c’est court pour réussir un vrai mouvement majeur pour améliorer la qualité de l’enseignement.

On va vous présenter dans les quinze jours un état des lieux à partir duquel tout le monde comprendre l’urgence de faire ce que je fais. Le rapport d’un consultant met le doigt sur le vrai problème, ce que l’on met dans la tête de nos enfants dans une société numérique, la manière dont ils doivent s’autonomiser… Nous travaillons d’arrache-pied, oui, cela tranche avec les « on se verra dans six mois », mais moi je suis une active. Et il y n’y a pas eu un gramme de critique sur la méthode. C’est un processus qui va dépasser cette législature, mais qui est le seul moyen de mettre cette Belgique francophone debout demain.

Le grand drame, c’est que la majorité des enfants à indice socio-économique faible ratent beaucoup plus que dans d’autres pays. On a un énorme problème. Il faut investir dans les parents, dans une pédagogie différentiée, former mieux les enseignants. C’est vrai que je suis sur plusieurs bandes d’autoroutes à la fois, on prépare une stratégie numérique, un plan contre le décrochage et tout le Pacte ; ça ce sont les vrais enjeux et ils sont fédérateurs parce que la diversité se situe au coeur de tout ça, de même que les valeurs de base !

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