Le projet de loi sur les visites domiciliaires, dont l’examen parlementaire a été suspendu après un flot de critiques, est l’occasion ces dernières heures d’un débat entre libéraux, par médias interposés, sur la politique migratoire.
L’adoption au conseil communal de Liège d’une motion invitant au rejet du texte, soutenue par l’ensemble du groupe MR a mis le feu au poudre. La cheffe de groupe MR Christine Defraigne, par ailleurs présidente du Sénat, a justifié l’attitude des siens en invoquant un problème constitutionnel de respect de la vie privée et d’inviolabilité du domicile, et de proportionnalité.
Revenant sur ses dires dans l’émission Jeudi en Prime sur la RTBF, elle a relevé la difficulté d’utiliser des moyens pénaux pour une procédure administrative. La crainte existe de voir les juges d’instruction n’être qu’un simple relais du Parquet. Sur Twitter, la parlementaire liégeoise a été interpellée par l’ex-député-échevin de Mons Georges-Louis Bouchez. Ce dernier a rappelé que le projet de loi n’avait pas entraîné d’observations particulières de la part du Conseil d’Etat.
Il a ajouté que des perquisitions de nature pénale pouvaient déjà être réalisées par l’administration des Finances avec le simple accord du juge de police. En l’occurrence, il s’agit de visites domiciliaires sur la base d’indices sérieux selon lesquels le domicile est le siège social caché d’une activité. « La Cour constitutionnelle dira si la mesure est proportionnée, si bien sûr elle est amenée à se prononcer », a conclu Mme Defraigne. Avocats.be a fait connaître son intention de déposer un recours.
Entre-temps, le Vif avait fait savoir que le gouverneur de Liège Hervé Jamar (MR) accueillait chez lui des migrants. Ce dernier s’explique vendredi dans les colonnes de Sudpresse. L’initiative émane de son épouse et de sa fille, actives dans une plate-forme citoyenne. Lui reste en dehors de cela, eu égard à sa qualité de gouverneur, commissaire du gouvernement. « Je dois rester neutre mais je dois avouer que le geste citoyen posé par mon épouse et par ma fille n’est pas pour me déplaire », précise-t-il, mettant en avant, comme Mme Defraigne, l’humanisme qui le caractérise.
Opérant la synthèse, le président du MR Olivier Chastel a dit jeudi sur Bel RTL, comprendre qu’il y ait dans son parti des sensibilités particulières sur un tel sujet. A la Chambre, les députés Richard Miller et Françoise Schepmans se sont distanciés du texte, à l’instar de Mme Defraigne. Olivier Chastel a indiqué que sa formation n’était pas insensible aux critiques. Il a en outre dit se réjouir que des proches, sympathisants du MR, fassent preuve d’une solidarité spontanée en hébergeant des migrants.
Preuve de l’existence de sensibilités différentes, le député bruxellois et sénateur Alain Destexhe s’est lui fendu jeudi d’une carte blanche sur le site internet du Vif, intitulée « Lettre aux ‘hébergeurs’ (et à quelques collègues libéraux) ». Evoquant Marcel Gauchet, il a souligné que les droits de l’homme ne font pas une politique. Il a dénoncé l’instrumentalisation de la détresse des migrants. Enfin, il a fustigé « l’hypocrisie » de ceux qui, sous le masque de l’humanitarisme et des droits de l’homme veulent un changement de politique aboutissant à l’ouverture des frontières en Belgique et en Europe. Selon lui, il s’agit-là des « derniers soubresauts de l’hégémonie culturelle de la gauche ».
Face à la tournure du débat sur le projet de loi sur les visites domiciliaires, Charles Michel avait répété dès jeudi au parlement que sa « responsabilité de premier ministre » l’invitait à en « garantir la sérénité ».
« Compte tenu de critiques, compte tenu d’émotions, d’un certain nombre de doutes sur les interprétations qu’il faut donner au texte, il m’a semblé utile de prendre un peu de temps pour écouter de manière active les messages et commentaires qui ont été exprimés », a-t-il dit, faisant notamment référence à la réaction des juges d’instruction. « L’objectif demeure une politique effective qui conjugue humanité et fermeté », a-t-il prévenu. « Lorsque les personnes entrent dans les conditions pour être accueillies chez nous, elles doivent l’être de manière digne et nous devons nous mobiliser pour cela. Mais, lorsqu’elles ne sont pas dans les conditions pour être accueillies, nous devons pouvoir mettre en oeuvre une politique effective de retour ».