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Menace terroriste : large fronde contre l’obligation de signalement des allocataires sociaux

Les fédérations de CPAS des trois associations des villes et communes du pays, wallonne, bruxelloise et flamande, ont dénoncé jeudi la trop lourde responsabilité qui pèsera sur le travailleur social que le législateur veut obliger à fournir au procureur du Roi les renseignements administratifs jugés nécessaires à une enquête terroriste, et à signaler des informations dignes de constituer des indices sérieux d’une infraction terroriste.

Les critiques sont également relayées par une large plate-forme sociale, syndicale et de défense des droits de l’Homme qui craint, à travers la remise en cause du secret professionnel, une atteinte aux droits fondamentaux des personnes les plus précaires.

Les articles de la proposition de loi amenant ces modifications, portée par la députée N-VA Valérie Van Peel, ont été adoptés en commission temporaire terrorisme de la Chambre il y a deux semaines. Le texte est soumis demain vendredi à l’approbation de la commission en seconde lecture avant son examen en séance plénière.

Outre le poids qu’elle fait peser sur le travailleur social, les CPAS estiment le texte beaucoup trop vague, y voyant une porte ouverte à l’arbitraire. Selon eux, les amendements de la majorité n’ont pas permis de répondre aux remarques du Conseil d’Etat.

Les CPAS soulignent notamment que plutôt que d’impliquer le travailleur, il eut été plus simple d’offrir à la justice un accès à la banque-carrefour de la sécurité sociale. Ils se demandent également pourquoi les demandes émaneront du procureur du Roi plutôt que procureur fédéral, compétent en matière de terrorisme. L’ambition de la majorité pourrait être de viser autre chose que le terrorisme.

De nombreuses questions demeurent posées par les CPAS. « Comment les membres du personnel des institutions de sécurité sociale vont-ils juger de la pertinence d’une information au regard d’une infraction terroriste ? Que se passera-t-il s’ils se trompent ? Qui portera la responsabilité en cas de dénonciation non fondée et d’un dommage pour la personne injustement soupçonnée ? Quelles sont ces informations constituant ‘des indices sérieux d’une infraction terroriste’ dont le personnel des institutions de sécurité sociale aurait connaissance dans le cadre de leur profession ? « 

Certaines questions initiales sont restées sans réponse après l’avis du Conseil d’Etat, estiment les trois sections des villes et des communes du pays. « Cela concerne-t-il toutes les infractions terroristes, y compris les actes préparatoires ? L’obligation de dénonciation porte-t-elle sur tout renseignement contribuant à prévenir n’importe quelle infraction terroriste ? Tous les membres du personnel des institutions de sécurité sociale sont-ils concernés ou seulement certaines fonctions ? »

Les CPAS constatent que « l’obligation de dénonciation prévue par la proposition de loi n’est plus proportionnée dans certains cas au but poursuivi et porte atteinte aux valeurs et droits fondamentaux protégés par le secret professionnel ».

Cette critique est également portée par un « front peu commun » rassemblant les deux ligues des droits de l’Homme du pays, les réseaux de lutte contre la pauvreté du pays, la FGTB, la CSC et diverses associations de défense des droits sociaux. Les signataires demandent aux parlementaires fédéraux de voter contre cette proposition de loi afin de « garantir les valeurs fondatrices du travail social ». Le secret professionnel est une règle d’ordre public qui « tend à protéger la confiance que le citoyen doit nécessairement avoir envers certains confidents », rappellent-ils. Pour lutter contre le terrorisme, il était déjà possible de recourir aux exceptions existantes, comme l’a souligné le Conseil d’Etat, souligne la plate-forme. « Loin de mener une politique contre le terrorisme réellement efficace, cette proposition malmène les droits sociaux que sont le droit à la sécurité sociale, le droit à l’aide sociale et le droit au respect de la vie privée », conclut-elle dans un communiqué.

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