Pierre Havaux

Marieke Vervoort, l’adieu au champagne

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Elle s’en est allée en refusant de le faire sur la pointe des pieds. Délibérément. Festivement. Une ultime coupe à la main, partagée avec ses proches et son cercle d’intimes. Elle avait tout prévu, orchestré son grand départ. 22 octobre, Marieke Vervoort, 40 ans, a choisi de tirer sa révérence.

De se libérer de l’insupportable tétraplégie progressive diagnostiquée quand elle avait 14 ans, qui la clouait dans un fauteuil roulant depuis ses 20 ans, sans espoir de guérison, mais qui avait échoué à lui infliger en sus déprime et isolement.  » Je continue à me battre comme une bête, affirmait-elle en 2015, mais lorsque je deviendrai totalement dépendante des autres, je réunirai mes proches et on pourra m’euthanasier.  » Marieke a jugé que le temps était venu de lâcher prise.  » C’est devenu trop lourd « , confiait-elle sur son lit d’hôpital, paralysée des orteils à la gorge, en proie à des douleurs que les médicaments ne parvenaient plus à apaiser.

Sa décision d’en finir était mûrement réfléchie, arrêtée depuis 2008 :  » Lorsque j’ai paraphé les papiers autorisant l’euthanasie, j’ai ressenti un énorme soulagement. Et je me suis mise à vivre en m’éclatant à chaque moment.  » Sur sa chaise roulante,  » Wielemie  » s’est mise à carburer au sport de haut niveau. Elle y a collectionné l’or, l’argent et le bronze aux Jeux paralympiques de Londres en 2012, au Brésil quatre ans plus tard.

Son calvaire, sa décision d’en finir et l’incroyable force qu’elle a montrée jusqu’au bout du chemin ont bouleversé la Flandre. Respect. Immense. Unanime. Sans polémique déplacée ni manifestation d’un signe désapprobateur pour l’acte posé dans la plus stricte légalité. La perplexité s’est plutôt exprimée dans la presse internationale qui s’est émue de la triste nouvelle.

En Flandre, on s’est étonné que l’on puisse ainsi s’étonner.  » Tout le monde accepte l’adieu choisi par Marieke Vervoort, sa mort douce est une évidence, a relevé Jan Segers, l’éditorialiste du très lu HetLaatste Nieuws, toutes les enquêtes montrent que la Flandre est massivement partisane de cette possibilité, même si nous n’en faisons pas massivement usage.  » Les temps ont bien changé au plat pays, à l’ombre des clochers. C’est Miet Smet, veuve du Premier ministre Wilfried Martens, qui a rompu une lance en faveur de la liberté de choisir sa fin de vie. L’ancienne figure de proue du CVP/CD&V attend le prochain président de son parti sur ce terrain encore glissant :  » Je veux un président qui dise que le temps est venu où les gens font confiance à leur propre jugement, pas à celui de l’Eglise ou du parti. Marieke Vervoort a choisi l’euthanasie, comme Wilfried Martens l’a choisie quand cela n’allait plus. Ils ont eux-mêmes décidé la fin de leur vie. Il est temps que ce droit soit totalement reconnu « , déclarait-elle à la Gazet van Antwerpen.

Gwendolyn Rutten, présidente de l’Open VLD, s’est aussi risquée à prendre position. Mal lui en a pris : son plaidoyer pour élargir l’euthanasie aux déments, pour envisager un droit de mourir lorsqu’arrivé à un certain âge, on en a tout simplement assez de vivre, n’a fait qu’irriter les autres partis qui ont botté en touche. A l’heure de prendre congé, c’est un autre message, lumineux, que Marieke a voulu délivrer :  » Arrêtez de vous plaindre et jouissez du plus petit moment.  »

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