© Mélanie Wenger

Les trois défis du photovoltaïque wallon

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Deux ans et demi après l’instauration des primes Qualiwatt, la relance du photovoltaïque est loin d’atteindre le niveau espéré. La Wallonie aurait-elle surestimé le marché ? Diagnostic en trois étapes.

Le photovoltaïque a beau coûter trois fois moins cher qu’il y a dix ans, il ne séduit plus autant les ménages wallons. L’eldorado miroité par le plan Solwatt a sombré à jamais en 2012, sous le poids de certificats verts disproportionnés par rapport à l’expansion de la filière. Depuis mars 2014, le régime Qualiwatt tente de faire oublier son embarrassant prédécesseur avec des primes plus raisonnables, calibrées à la maturité technologique. Les survivants du secteur exhument leurs carnets de commande ; la confiance revient timidement. Mais, deux ans et demi après son entrée en vigueur, l’équilibre reste fébrile. Parce qu’il manque encore 601 millions d’euros, d’après un récent rapport de la Commission wallonne pour l’énergie (Cwape), pour éponger la dette Solwatt. Parce que le gouvernement wallon est revenu sur ses promesses du passé. Et parce qu’il pourrait encore faire de même à l’avenir.

Plusieurs études l’attestent : investir dans le photovoltaïque, en 2016, reste une opération rentable sur un toit idéalement orienté (voir le tableau ci-contre). Alors que la Flandre n’octroie plus de primes aux particuliers, Qualiwatt permet encore de réduire le retour sur investissement à maximum huit ans en Wallonie. Le succès des achats groupés, tout comme l’arrivée d’Engie Electrabel sur le marché, laissent entrevoir un regain d’intérêt pour le photovoltaïque. Qui se confirme dans les chiffres pour les cinq premiers mois de 2016 : 1 437 unités installées, soit une hausse de 100 % par rapport à la même période en 2015.

Alexis Vander Putten :
Alexis Vander Putten : « Les gens investissent de manière plus réfléchie. »© Mélanie Wenger

Et pourtant… Depuis Qualiwatt, le bilan s’avère plutôt mitigé : un total de 6 904 installations (chiffres arrêtés au 1er juin 2016), alors que le gouvernement wallon, en concertation avec les acteurs de la filière, misait sur un potentiel de 12 000 nouvelles unités par an. Echec ou lente résurrection ? Voici les trois défis qui attendent le photovoltaïque.

La fin du produit financier

L’expansion du photovoltaïque résidentiel s’est bâtie sur sa capacité à capter un maximum de primes. Mais les sauvetages rétroactifs du gouvernement wallon, comme la réduction de 15 à 10 ans de la durée d’octroi des certificats verts, ont démontré les faiblesses d’un choix bâti sur la seule logique du rendement.  » Le gros problème du photovoltaïque, c’est qu’il a été très mal pensé à l’origine « , résume David Germani, coordinateur de la Plateforme des énergies renouvelables (REP) à la Confédération construction wallonne (CCW).  » On est malheureusement encore prisonnier de cette image qui le réduisait à un pur produit financier.  »

Les professionnels observent toutefois un changement des mentalités.  » Les gens investissent de manière plus réfléchie, dans l’optique de faire des économies « , constate Alexis Vander Putten, administrateur délégué de la société Energreen. Si la tendance se poursuit, 2016 pourrait ajouter entre 6 000 et 8 000 nouvelles installations photovoltaïques au décompte total. Une cadence honorable, mais insuffisante, selon Franck Gérard, conseiller chez Edora, la fédération des énergies renouvelables :  » Pour atteindre l’objectif du renouvelable, la Wallonie devra aller plus loin.  »

Vers une saturation du marché ?

Les années Solwatt auront au moins brillé par leur capacité à couvrir 121 400 toits de panneaux solaires entre 2008 et 2014. Avec Qualiwatt, le bilan total s’élève donc à 128 300 installations. La relance plus timide du photovoltaïque annoncerait-elle une saturation du marché ?  » Le potentiel est très important si l’on veut bien faire preuve de créativité, soulignent la CCW et André Jacquinet, responsable financier de la société Enersol, dans une réponse conjointe. A l’heure où l’épargne citoyenne n’est plus rémunérée en banque, il n’est pas difficile de la diriger vers des projets utiles qui offrent une vraie rentabilité.  »

Reste une inconnue de taille :  » Personne ne connaît la taille réelle du marché photovoltaïque en Wallonie « , s’inquiète Philippe Delaisse, secrétaire général d’Energie Facteur 4 (EF4), plate-forme de promotion des énergies renouvelables.  » Le quota de 12 000 installations annuelles suffit amplement. Ce qui signifie que le marché, pour les panneaux solaires en surimposition de toiture, n’est peut-être pas aussi important qu’on pouvait l’espérer.  » D’après ses estimations, qui intègrent divers paramètres (nombre de maisons, capacité technique, taux de propriété…), le potentiel restant oscillerait entre 175 000 et 255 000 unités.  » Ce n’est pas beaucoup. Or, nous n’avons pas le niveau de vie permettant à chaque ménage concerné d’investir 6 000 euros dans le photovoltaïque « , poursuit Philippe Delaisse.

Les trois défis du photovoltaïque wallon
© Test-Achats, mai 2016

Les solutions photovoltaïques intégrées dans le bâti pourrait considérablement élargir le marché, notamment dans les villes. Mais il faudrait encore quelques années avant d’en démocratiser l’usage.

Le dilemme de la redevance réseau

Jusqu’à présent, les détenteurs de panneaux photovoltaïques (les  » prosumers « ) ne participent pas aux frais engendrés par l’électricité qu’ils prélèvent sur le réseau. Le gouvernement wallon et la Cwape comptent neutraliser ce privilège, en instaurant une redevance dès 2018. Celle-ci devrait s’élever à environ 200 euros par an. Les modalités sont attendues pour 2017. La solution idéale consisterait à encourager l’autoconsommation des ménages, en optant pour une taxe proportionnelle à l’électricité réellement prélevée sur le réseau. Un tel calcul implique toutefois de généraliser l’usage de compteurs double flux. L’autre piste, à l’image du système flamand, s’apparenterait à un simple forfait par kilowatts crête (kWc) installé.

 » Opter pour un forfait renverrait un message environnemental particulièrement médiocre, avertit David Germani. D’autant que le marché flamand n’est pas comparable. Il dépend surtout de l’obligation, pour les nouvelles constructions, de développer des solutions énergétiques renouvelables.  » Le forfait conduirait en outre à un mécanisme aberrant, dans lequel les primes Qualiwatt, octroyées pendant cinq ans par kWc installé, seraient neutralisées via une taxe de 25 ans sur les kWc installés.

Le photovoltaïque pourra-t-il un jour vivre sans la moindre prime en Wallonie ? L’extinction progressive des primes Qualiwatt est déjà enclenchée. Et plus encore que par le passé, la filière ne pourra pas se permettre un nouveau coup d’arrêt.

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