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Les soldats d’Odin débarquent en Belgique: « Nous ne sommes pas une milice privée et entraînée »

Kristof Clerix
Kristof Clerix Rédacteur Knack

La milice scandinave les Soldats d’Odin, fondée en réponse à la crise des réfugiés européenne, connaît un succès international grandissant. Quatre militaires belges membres de l’organisation d’extrême droite ont récemment été rappelés à l’ordre par leurs supérieurs.

Ils patrouillent dans les rues de Finlande, Norvège, Suède et d’autres pays pour « contribuer à la sécurité ». Dans les interviews ils démentent leur appartenance au néonazisme ou l’extrême droite. Ils portent des sweats noirs à capuche à l’effigie des Vikings. Et ils apparaissent dans de plus en plus de pays : des États-Unis au Canada en passant par l’Estonie et à la Norvège. La milice des soldats d’Odin, qui empruntent leur nom au Dieu principal de la mythologie germanique, a été fondée en octobre 2015 à Kemi en Finlande du Nord en réponse aux flux grandissants de demandeurs d’asile. Leur fondateur, Mika Ranta (27 ans) est connu de la police comme néonazi.

En Belgique, les Soldats d’Odin sont actifs depuis 2016 avec une page Facebook (2031 j’aime), un groupe de soutien Facebook (595 membres) et un site web. Leur objectif ? « Protéger nos valeurs et nos normes, nos familles et nos communautés contre tout ce qui leur porte préjudice. » David B. (32 ans), un Bruxellois qui vit en Flandre-Occidentale s’occupe de la gestion de la communauté belge en ligne. Il souligne que la section belge n’est pas une milice. « Presque partout dans le monde, les milices sont légales, mais pas en Belgique. Nous ne patrouillons donc pas en rue. Mais comme nous voulons faire quelque chose pour notre prochain, nous nous occupons de bonnes oeuvres. Nous nous focalisons sur la population d’ici. Nous avons aidé une femme seule à déménager et nous souhaitons distribuer des casse-croûte aux SDF bruxellois. Pour l’instant, nous collectons des jouets pour des enfants placés en institut. Vous entendrez parler de nous dans le cadre d’actes de charité, mais vous ne verrez pas nos emblèmes lors de manifestations contre les réfugiés – même si je ne peux interdire à nos membres de s’y rendre de façon individuelle. « 

Selon David B., les Soldats d’Odin comptent trente membres permanents en Belgique qui se réunissent toutes les trois semaines. « Récemment, nous avons reçu 200 nouvelles demandes d’adhésion. Nous passons tout le monde au crible, car nous ne sommes pas d’extrême droite. Vous ne trouverez pas de croix gammées ou de symboles néonazis chez nous. Le fondateur finlandais était effectivement d’extrême droite, mais entre-temps il n’est plus question de lui. »

Contacts internationaux

Il se décrit comme « critique » à l’égard des musulmans et des migrants. « Sommes-nous heureux qu’il y ait tant de centres d’accueil pour les demandeurs d’asile et qu’ils soient ouverts ? Pas vraiment. Mais c’est le cas de beaucoup de Belges. Cette position nous rend-elle d’extrême droite? Non. Nous rend-elle racistes? Encore moins. » Autrefois, David B. était d’extrême droite. « Malheureusement, mais depuis que je suis devenu papa il y a trois ans, je le suis beaucoup moins. Je me suis fort calmé depuis que j’ai travaillé avec des musulmans dans des usines. Je n’éprouve donc pas de haine contre tous les musulmans qui se baladent en Belgique. »

D’après ses dires, David B. a fondé la section belge après des heures de chat avec les frères finlandais. Il conserve des contacts internationaux. « Les 13 et 14 août, nous allons rendre visite aux sections en Angleterre et en France. Nous sommes en contact avec les Pays-Bas aussi. » David B. souligne que son organisation « n’est pas une milice privée entraînée, même si nous avons un certain nombre de membres qui exercent ou enseignent un sport de combat. Et comme les gens se sentent en danger, nous allons peut-être organiser un cours gratuit d’autodéfense pour les femmes et les enfants. Mais nous ne nous préparons pas au combat. Ce n’est absolument pas à l’ordre du jour. »

Passé violent

La Sûreté de l’État et le service de renseignement militaire SGRS considèrent bel et bien la section belge des Soldats d’Odin comme d’extrême droite et estiment le nombre de membres en Belgique à seulement quinze – la moitié de ce qu’indique l’organisation.

« Suite à la crise migratoire et à la vague d’attentats terroristes, nous voyons surgir de nouveaux groupements à droite », nous explique-t-on à la Sûreté de l’État. « Les soldats d’Odin ne sont pas les seuls. Il y a aussi les Fils d’Odin à Anvers et les Combattants de Thor, mais les Soldats sont les plus inquiétants parmi ces microgroupements à cause de leurs relations internationales. Leur modèle fait penser aux clubs de motard, notamment leurs emblèmes et leur terminologie. Ils parlent de ‘chapters’ (sections, NDLR) et leur manifeste est signé par un sergent d’arme – le jargon type de groupes de motards. Mais ce n’est pas une bande de motards. »

La section belge des Soldats d’Odin est-elle dangereuse? La Sûreté d’État : « Ils n’ont pas encore commis de violences. Mais à moment donné, ils peuvent représenter un risque – probablement beaucoup plus au niveau individuel que comme groupement. Certains membres sont fichés pour leur passé violent, même s’ils n’ont pas de casier judiciaire. Un grand nombre de ces micromouvements apparaissent et puis disparaissent. » Pour la Sûreté, leurs bonnes oeuvres rappellent CasaPound (du nom du poète Ezra Pound). » C’est un mouvement italien qui aide les gens et distribue des jouets, mais qui cache des néonazis qui organisent des manifestations contre des migrants. En Belgique aussi, il y a des exemples, tels que Voorpost et Nation, qui offrent des cadeaux de Noël et organisent des distributions de soupe. »

Une réputation douteuse

En 2006, on a appris que certains militaires belges étaient membres de la section belge du réseau néonazi Blood and Honour. En 2014, les membres ont été condamnés pour adhésion à une organisation terroriste, racisme et détention d’armes. Le service de renseignements militaire surveille l’extrémisme dans l’armée de très près. Depuis mars 2016, le service de renseignement militaire SGRS surveille aussi la section belge des Soldats d’Odin.

« Nous avons constaté en effet qu’un certain nombre de militaires sont membres », déclare la SGRS. « L’objectif des Soldats d’Odin, c’est de protéger les valeurs occidentales et de sécuriser le pays. Mais ils partent du principe que la criminalité en Belgique augmente à cause des réfugiés. Les migrants sont vus comme une menace. D’après les informations dont nous disposons, ils ont déjà parlé en interne de commettre des violences. Ils ne sont pas en phase de planning, mais l’idée d’agir contre les migrants circule. »

« Nous les surveillons de près. En Belgique, les Soldats d’Odin ne sont qu’au b.a.-ba et ils ne sont certainement pas alarmants. Mais nous craignons qu’ils se transforment en organisation aux motifs racistes et nous sommes inquiets que nos militaires en fassent partie. »

Au sein de la Défense, il existe une directive relative à l’appartenance à une organisation à la réputation équivoque. La SGRS : « Celle-ci stipule qu’il n’est certes pas interdit de sympathiser ouvertement ou d’appartenir à ce genre d’organisation, mais que c’est difficilement conciliable avec la fonction de militaire. Pensez au port de vêtements, de signes et de symboles, ou l’expression d’idées qui entraînent des phénomènes comme le racisme, la xénophobie ou l’antisémitisme. »

Quand un commandant de corps constate un tel phénomène, il doit faire venir la personne concernée, et lui rappeler cette directive. La SGRS : « Ces derniers mois et semaines, quatre militaires membres des Soldats d’Odin ont été appelés par leur commandant de corps. Entre-temps, l’un d’entre eux a déclaré qu’il briserait ses liens avec l’organisation. La SGRS ne peut pas leur interdire d’adhérer ou de rester membres d’une association, mais si cette association prône des valeurs dont la Défense estime qu’elles sont incompatibles avec la fonction de militaire, on peut instaurer des mesures telles que l’abrogation de l’habilitation de sécurité, ce qui permet de retirer un militaire des fonctions sensibles, ou même le mettre temporairement sur non-actif.

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