Hervé Hasquin

Les religions vectrices de paix? Pas de plaisanteries! (carte blanche)

Hervé Hasquin historien, écrivain, académicien

« L’Homme du XXIème siècle sera encore et toujours religieux, écrit l’académicien Hervé Hasquin. Oui, l’individu peut être libre, mais à la condition de le vouloir et d’assumer son destin. Bref, la libération de l’homme des transcendances divines ne s’accomplit sans doute qu’au prix d’une angoisse. »

Gandhi, hindou, et le Dalaï-Lama, Tenzin Gyatso, bouddhiste tibétain, ont solidement contribué à embrumer les esprits en Occident. En fait, une fabuleuse falsification des réalités des religions orientales.

Sont-elles les championnes de la non-violence? Ces prétentions sont également celles des grands monothéismes. Le judaïsme. Le christianisme. L’islam.

Toutes les religions, sans exception, sont partagées en de multiples courants. Souvent rivaux et adversaires résolus. Catholiques et protestants. Sunnites et chiites, par exemple. Tous ces courants ont leurs « théologiens ». Leurs interprètes revendiqués. Les seuls habilités à dévoiler la vraie foi. Voilà comment, on peut servir tel verset, telles sourate, tel dit de tel saint homme à l’appui d’un postulat ou de son contraire. Les religions sont iréniques. Intrinsèquement non violentes … J’en passe.

Un peu simpliste d’exonérer les religions des violences commises en leur nom. De ne mettre en cause que les religieux. Ce présupposé est encore celui de Heiner Bielefeldt dans son Rapport d’activité de rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction (2016). Une évidence: « un texte ne peut être compris sans interprétation humaine ». Bien sûr, ce sont « les êtres humains eux-mêmes qui sont responsables du caractère ouvert et étroit des interprétations » (§ 25 du Rapport). Mais c’est aussi la preuve de l’ambiguïté de bien des textes, de bien des traditions orales.

L’islam contemporain illustre dans le sang ce constat. Certes, il est des centaines de millions de musulmans paisibles. Mais comment faire abstraction des attentats barbares et des crimes monstrueux revendiqués par des groupes islamistes en Syrie et en Irak, en Afghanistan, en Somalie, en Indonésie, au Nigeria et en Europe. Ces forfaits ont presque toujours la même justification. L’Autre, la victime, est coupable de pratiquer une religion « fausse », ou de ne pas en avoir. Sus aux mécréants !

Le drame. La prétention des religions et de leurs diverses ramifications d’être détentrices de la Vérité. En outre, de tout temps, le religieux et le politique ont eu partie liée. Un exemple. Les Croisades! Des milliers de musulmans, et de Juifs aussi, passés au fil de l’épée au nom du catholicisme romain. Rien de plus noble que d’épurer Jérusalem et les lieux saints. La chasse aux Infidèles était ouverte.

Une autre obsession. Convertir. Une mission divine. Que d’excès au nom du prosélytisme. Un courageux dominicain espagnol, Las Casas, dénonce au XVIème siècle les maltraitances inouïes réservées aux populations amérindiennes. Une voix solitaire. Il est vrai que l’image du « bon sauvage » est ternie. Aztèques et Incas, par exemple, pouvaient, en guise de rites religieux, sacrifier des centaines de personnes en quelques jours.

Et les bouddhistes? Certes, le Dalaï-Lama condamne les violences … Mais il n’a guère d’autorité au-delà d’un Tibet étouffé et sinisé progressivement par Pékin. La méditation qui séduit tant l’occidental? L’Asie n’en a cure! La rage nationaliste des extrémistes bouddhistes déferle régulièrement au Sri Lanka (Ceylan) contre les Tamouls en majorité hindouistes, avec un zeste de chrétiens et de musulmans. Tant en Thaïlande qu’en Birmanie, ils ciblent essentiellement les Musulmans. Les moines birmans excellent dans la persécution des Rohingyas qui se défendent d’être sous l’emprise de courants djihadistes.

L’Inde du premier ministre Modi a une obsession. Hindouiser de plus en plus le sous-continent indien. Gare aux minorités. Musulmanes en particulier. Certes, cette dernière ne représente qu’environ 12 % de la population. Dans ce pays aussi peuplé que la Chine, elle approche tout de même les 150 millions d’habitants! Or, les deux voisins de l’Inde sont des Etats musulmans. Le Pakistan et le Bangladesh. Voilà qui présage bien des tourments politico-religieux …

En Israël, des rabbins extrémistes mènent une véritable guerre sainte anti-arabe au nom de la Torah.

Les guerre de religions entre Chrétiens appartiennent au passé. Mais ne pas sous-estimer les méfaits de religieux zélés pour convertir ou extirper le péché! Deux scandales défraient la chronique. Le système de la Magdalena Laundry a fonctionné jusqu’il y a peu en Irlande. Des couvents géraient des « blanchisseries », véritables colonies pénitenciaires. Réservées aux jeunes filles mères et aux bébés illégitimes. Abus sexuels et travaux forcés étaient monnaie courante. La dernière a fermé ses portes en 1996. Au Canada, des « pensionnats autochtones » au nombre de 139. Protestants et catholiques. Ils ont enlevé 150 000 enfants autochtones entre 1870 et 1990. Un but. Les convertir et les soustraire à leur culture païenne! Bien d’autres dégâts. Abus sexuels. Malnutrition. Maladies. Fin du système en 1997 ! Etats-Unis. Comment ne pas évoquer les assassinats de médecins, d’infirmières, la destruction de cliniques par des prêtres « illuminés » et des groupes évangéliques au nom de la lutte contre l’avortement depuis les années 1970 ? Que dire de la « théologie de la libération » ? Bien des prêtres et des catholiques « marxisés » ont prêté la main à bien des violences totalitaires en Amérique du Sud.

Cerise sur le gâteau. Le dernier Rapport (octobre 2020) du rapporteur spécial des Nations-Unies sur la liberté de religion et de conviction, Ahmed Shaheed, est inquiétant. En 2019, 21 Etats membres de l’ONU érigent l’apostasie en infraction. Dans 12 de ces pays, « l’apostasie est en principe punie de mort » (§ 16 du Rapport). Tous sont à majorité musulmane. Stop. J’interromps l’inventaire … Donc, ne pas se laisser abuser par les appels au « Dialogue des religions » ou « des Croyants ». Il est d’ailleurs significatif que l’expression exclut les agnostiques et les athées.

Pas de vaines illusions. L’Homme du XXIème siècle sera encore et toujours religieux. Oui, l’individu peut être libre, mais à la condition de le vouloir et d’assumer son destin. Bref, la libération de l’homme des transcendances divines ne s’accomplit sans doute qu’au prix d’une angoisse. Le sceptique est peut-être voué à la solitude. Mais pourquoi ne pas essayer?

Hervé Hasquin

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