Bart De Wever et Jan Jambon © Belga

Les quatre écueils de Jan Jambon

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Ce mardi, l’ancien ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) lancera les négociations officielles en vue de former un gouvernement flamand. S’il réussit, il devrait prendre la tête d’une coalition composée de la N-VA, de l’Open VLD et du CD&V, c’est-à-dire une reconduction de la majorité « suédoise » de l’équipe sortante.

Lundi, Bart De Wever a rendu publique une note de départ devant servir de base aux négociations. Largement inspiré du programme de la N-VA, le texte comporte de forts accents nationalistes. « La Flandre doit faire preuve de courage dans ses ambitions en tant que nation. Si nous voulons être capable de déployer nos ailes flamandes en toute liberté, nous ne pouvons plus nous laisser entraver par des obstacles institutionnels », écrit De Wever qui affirme que le texte n’est pas à « prendre ou à laisser » et que l’Open VLD et le CD&V auront leur mot à dire.

Comme le remarque le quotidien De Standaard, Jan Jambon doit donc entamer les négociations avec une note très concrète qu’en plus il n’a pas écrite lui-même. Appelé à succéder à Geert Bourgeois au poste de ministre-président flamand, Jan Jambon a la lourde tâche de redorer l’image d’un parti qui a perdu près de 300 000 voix aux élections de mai dernier et qui pourrait même être absent du gouvernement fédéral. Il devra surmonter quatre écueils, énoncés par De Standaard.

1. L’accusation de tromper l’électeur

Au mois de janvier, la N-VA a positionné Jan Jambon comme futur Premier ministre fédéral, et Bart De Wever comme ministre-président flamand. Aujourd’hui, deux mois et demi après les élections, Jan Jambon ambitionne le poste de ministre-président flamand, un emploi qui convient mieux à un nationaliste flamand.

« Le but était et est de positionner Jambon en dirigeant au poste qui offre le plus de visibilité. Quand il s’est avéré que nous ne pouvions pas reconduire la Suédoise au niveau fédéral, celui-ci se trouvait au niveau flamand », se défend Bart De Wever.

« Le résultat que nous avons obtenu le 26 mai ne permet pas de reconduire la coalition suédoise au niveau fédéral et ne facilite pas l’adoption du confédéralisme. Il me semble normal de nous adapter aux circonstances. Le parti trouvait qu’il était important pour moi de continuer les négociations au niveau fédéral. C’est moi qui ai le plus d’expérience de ces négociations et du PS. Je vais donc y consacrer tous mes efforts », a-t-il encore déclaré au Standaard.

2. Tensions entre les partis

Jambon va également devoir éviter les conflits avec les chrétiens-démocrates et les libéraux flamands, car même si les plus grosses tensions du gouvernement précédent se situaient surtout au niveau fédéral, l’équilibre entre les trois partenaires flamands, tous sanctionnés par l’électeur, est également fragile.

Orientée à droite, la note de départ de la N-VA prend en compte les desiderata des électeurs du Vlaams Belang, une tendance qui selon De Standaard risque de déplaire au CD&V et d’attiser les tensions avec les chrétiens-démocrates.

3. Une opposition renforcée

S’il mène à bien les négociations, Jan Jambon se retrouvera à la tête d’une coalition affaiblie de partis perdants. Il devra non seulement affronter la gauche unie, le PVDA, Groen et sp.a, mais aussi le Vlaams Belang, qui grâce à la N-VA qui a discuté avec ses membres pendant plusieurs mois, bénéficie d’une aura de parti plus « sérieux » qu’avant les élections.

4. Une communication qui laisse à désirer

Jambon s’est forgé une image de dirigeant sérieux au sein du gouvernement Michel. Cependant, selon De Standaard, la communication n’est pas sa spécialité et il ne faut pas s’attendre à des envolées lyriques de sa part. Sur le fond, il est toutefois beaucoup plus modéré que certains de ses collègues tels que l’ancien secrétaire d’État Theo Francken, connu pour sa franchise quelque peu brutale, ou que la ministre-présidente intérimaire Liesbeth Homans qui n’a pas hésité à qualifier le drapeau belge de « chiffon ».

La « note de départ » de De Wever en quelques points

Ce texte, qui propose notamment d’aider au moins 120.000 Flamands à trouver un emploi ces prochaines années, comporte aussi de forts accents identitaires, axés sur le développement d’une identité flamande. Voici quelques points de cette note:

– « Une Flandre plus forte et plus prospère » « Le gouvernement flamand s’efforcera de rendre la Flandre plus forte, plus prospère et plus proche afin que nous, en tant que nation, puissions profiter du changement. Tout comme des générations de Flamands l’ont fait pour nous », indique M. De Wever en préambule. – Emploi Le document propose que le futur gouvernement flamand aide au moins 120.000 Flamands à trouver un emploi ces prochaines années. Avec, comme objectif, un taux d’emploi de 80%, précise le texte. En 2018, le taux d’emploi des personnes âgées de 20 à 64 ans s’élevait à 74,6% en Flandre.

– Une Flandre à la pointe de l’innovation L'(ex)-informateur recommande aussi que la Flandre devienne une « référence mondiale » en termes d’innovation, de transformation numérique et de technologie. La Flandre doit pouvoir concurrencer les grands pays scandinaves et se hisser parmi les principaux acteurs européens, souligne-t-il. Cela se fera avec « du capital à risque supplémentaire, des investissements ciblés dans la recherche et le développement, un réseau 5G à l’échelle de la Région, des procédures d’octroi de licences flexibles et une formation de haut niveau », poursuit la note.

– Éducation: non au nivellement par le bas « L’éducation flamande a toujours été parmi les meilleures et cela devrait rester ainsi. La poursuite de l’excellence – tirer le meilleur parti des talents de chaque élève – doit prévaloir sur un effort mal compris pour la recherche de l’égalité, qui mène au nivellement par le bas ». La recherche de l’excellence doit prévaloir, écrit l’informateur. Il est question de cours de néerlandais obligatoire pour les enfants qui en ont besoin, de redonner confiance aux enseignants, de réduire les tâches administratives des directions d’écoles, d’investir dans les bâtiments scolaires. La note prévoit aussi de resserrer les contrôles des écoles libres « afin d’éviter, par exemple, le financement étranger et l’extrémisme idéologique et de respecter l’égalité entre hommes et femmes ».

– Construire un « nous » flamand « La tâche qui nous attend est de former une communauté et de définir un +nous+ qui peut inclure de nouveaux groupes dans notre communauté flamande (…). Aucune religion ou philosophie de la vie n’est au-dessus de la loi, sa séparation des pouvoirs, la neutralité du gouvernement, la séparation de l’Église et de l’État(…). Nous invitons les nouveaux arrivants à apporter une contribution active à la Flandre ». M. De Wever veut créer une identité flamande forte, mais capable d’agréger à son noyau les autres cultures, à condition qu’elles fournissent les efforts nécessaires. « Le gouvernement flamand investira également dans notre infrastructure culturelle de premier plan et lancera le processus de création d’un nouveau musée de l’histoire flamande (…). Afin de promouvoir le sens de l’identité de la jeune génération, nous établissons un ‘canon flamand' » en référence au « modèle néerlandais ». De gros investissements sont ainsi prévus pour la reconnaissance et mise en avant de la culture flamande. « Plus que jamais, la VRT doit se concentrer sur son caractère public, et le renforcement de son identité flamande et de sa représentativité par rapport au paysage idéologique de la Flandre », écrit M. Bart De Wever, qui ne réclame pas la privatisation de la radio-télévision flamande, contrairement au Vlaams Belang. « Pour promouvoir le sens de l’identité de la jeune génération, nous soutenons une liste de points d’ancrage de notre culture flamande et dans l’histoire qui caractérise la Flandre en tant que nation européenne ». M. De Wever évoque les maîtres flamands du passé comme Jan Van Eyck, Peter Paul Rubens et Pieter Bruegel, et compte sur la culture flamande pour briller, rayonner et « devenir la vitrine de la grandeur de la Flandre ».

– Des droits et des devoirs pour les citoyens flamands « Nous attendons que tous les Flamands, anciens ou nouveaux, fassent tout leur possible pour saisir les nombreuses possibilités offertes par la Flandre », écrit l’informateur. Un cours d’intégration sera introduit, suggère le président de la N-VA, « pour donner aux nouveaux arrivants la possibilité de contribuer à la Communauté flamande en tant que citoyen à part entière ». Le processus d’intégration mettra l’accent sur « l’autosuffisance économique et sociale, l’acquisition rapide de la langue néerlandaise et la connaissance des normes et des valeurs communes à la culture flamande ».

– « La médiocrité est notre ennemi » « Nous sommes encore capables de grandeur. Nous croyons en nous, en nos talents et les opportunités. La médiocrité est notre ennemi. La Flandre doit surprendre. La Flandre doit briller. La Flandre doit inspirer », ajoute le président de la N-VA. – « Personne n’est autorisé à abandonner la communauté » « La Flandre n’est forte que si elle est aussi sociale », précise la note, avant de nuancer. « Notre communauté n’abandonne personne. Mais en même temps, personne n’est autorisé à abandonner la communauté. Responsabilité et solidarité sont nos principes directeurs ».

– Cinq ans de résidence avant de bénéficier des allocations familiales « Ceux qui réclament à la Flandre une protection sociale et d’autres avantages doivent avoir passé cinq ans de séjour légal et effectif en Belgique. Ils doivent pleinement se reconnaître et s’engager dans notre communauté flamande ». L’accès aux allocations familiales sera par ailleurs soumis à un délai pour les nouveaux arrivants. « Un délai de carence de six mois est désormais applicable à celui qui veut être admissible aux allocations familiales en tant que nouveau venu », préconise M. De Wever.

– Reconnaissance des groupes religieux: cinq ans de période d’essai « Pour la reconnaissance des communautés religieuses locales, nous appliquons les recommandations du professeur (et ex-sénateur CD&V) Rik Torfs. Les groupes confessionnels locaux qui veulent être reconnus doivent, entre autres, éviter les extrémismes idéologiques et les financements étrangers, ainsi que passer par une période d’essai de cinq ans ». M. De Wever suggère que le gouvernement flamand continue à investir massivement dans le logement social, en mettant davantage l’accent sur la rénovation et la durabilité.

– « La Flandre doit faire preuve de courage dans ses ambitions en tant que nation » Le document rédigé par l’informateur fait également référence à l’autonomie de la Flandre. « La Flandre doit faire preuve de courage dans ses ambitions en tant que nation. Si nous voulons être capable de déployer nos ailes flamandes en toute liberté, nous ne pouvons plus nous laisser entraver par des obstacles institutionnels. Nous devons compléter volontairement notre autonomie flamande et préparer le terrain pour un changement de paradigme institutionnel. Nous donnons à nos représentants flamands la liberté et l’espace nécessaires pour donner corps à ce bouleversement. Nous les invitons à utiliser notre autonomie constitutive flamande pour une réforme de l’État flamand, y compris une réduction du Parlement flamand et des niveaux de gouvernement en Flandre. Nous maintenons et renforçons le lien entre la Flandre et Bruxelles et continuons d’investir dans nos pouvoirs communautaires à Bruxelles », écrit M. De Wever sans réclamer explicitement de 7e réforme de l’Etat.

– Pas d’objectifs climatiques plus ambitieux Selon la note, la Flandre ne peut ignorer les défis majeurs en termes d’environnement et de climat. Le prochain gouvernement flamand devrait, au lieu d’adopter des objectifs de plus en plus ambitieux, se consacrer pleinement, au cours de la prochaine décennie, à la réalisation effective des engagements pris. « Le changement climatique ne peut être résolu de manière décisive que par une action mondiale. Au lieu d’adopter des objectifs de plus en plus ambitieux, nous irons de l’avant au cours de la prochaine pour la réalisation effective des engagements pris. L’accélération de l’innovation en est la clé », souligne M. De Wever.

Belga

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