Alain Simons © RTBF

Les propos d’Alain Simons sur les gitans valent une sanction à la RTBF

Dans une décision assez rare qui clarifie sa jurisprudence, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a condamné la RTBF pour avoir diffusé, sur la radio Vivacité Charleroi, des propos incitant à discriminer les gens du voyage.

La RTBF avait déjà elle-même sanctionné l’auteur des propos en cause, l’animateur Alain Simons, en le privant d’antenne durant une semaine. Aux termes de la décision du CSA publiée mardi soir, l’entreprise de service public devra en outre faire lire un communiqué relatant qu’elle a diffusé des propos illégaux.

Le 22 novembre dernier, durant l’émission « Charleroi Matin », Alain Simons avait à deux reprises prévenu ses auditeurs de « la présence de gitans ». « Voilà, alors faites attention, on sait jamais, fermez bien les portes. Si vous avez des trucs volables chez vous, prenez vos précautions », avait-il notamment ajouté.

Deux auditeurs ainsi que le centre interfédéral pour l’égalité des chances Unia avaient porté plainte au CSA, qui avait ouvert une instruction pour possible incitation à la discrimination. Si la RTBF avait d’emblée reconnu une faute dans le chef d’Alain Simons, lequel s’est publiquement excusé et a été suspendu de ses fonctions pendant une semaine, elle réfutait toute infraction: M. Simons n’a pas immédiatement compris la portée de ses propos et n’a dès lors pas eu l’intention de pousser à la discrimination, avait-elle plaidé auprès du CSA.

Dans sa décision datée de jeudi dernier, le Collège d’autorisation et de contrôle (CAC), l’organe décisionnel du CSA, rejette cet argument de la RTBF. La législation audiovisuelle interdit aux médias de diffuser des incitations à la discrimination, et ce même si ces incitations ne sont pas intentionnelles, explique-t-il. Avec ou sans volonté de nuire, les effets sur le public des discours incitant à la discrimination sont les mêmes. Le décret sur les services de médias audiovisuels se distingue ainsi de la loi de 1981 qui réprime pénalement certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie: il rend les médias responsables des contenus qu’ils diffusent, indépendamment de la responsabilité pénale des personnes physiques qui les tiennent.

A noter qu’Unia avait préféré saisir le CSA plutôt que la justice pénale précisément vu la difficulté d’établir une intention discriminatoire dans le chef d’Alain Simons.

En l’espèce, il n’est « pas contesté que les propos en cause véhiculent le stéréotype raciste selon lequel les gens du voyage seraient tous des voleurs », relève le CAC. Si véhiculer des stéréotypes n’est pas interdit, « l’animateur ne s’est pas contenté de dire que les ‘gitans’ étaient des voleurs mais, le sous-entendant comme une évidence, il a sur cette base exhorté les auditeurs à adopter un certain comportement », poursuit l’instance. « L’on se trouve donc bien face à une incitation à adopter un comportement différencié et, partant, discriminatoire, à l’égard de personnes identifiées par leur appartenance ethnique. »

En conséquence, vu notamment la gravité du grief, la « banalisation particulièrement lourde de certains clichés » qu’il traduit et les missions de service public de la RTBF, le CAC a condamné la RTBF à faire lire deux fois par jour un communiqué qui résume sa condamnation dans le programme « Charleroi Matin », du 19 au 25 juin. Durant la même période, la RTBF devra également diffuser ce communiqué sur le site internet de Vivacité Charleroi.

Grâce à sa réaction « rapide et adéquate », la RTBF échappe toutefois à une sanction plus sévère, comme une amende ou le retrait du programme « Charleroi Matin ».

« Il s’agit d’une décision exceptionnelle dans le contexte audiovisuel belge car, si les discours de haine ou discriminatoires font régulièrement l’objet de plaintes, rares sont les cas où la ligne rouge de l’incitation à la discrimination est franchie », commente le CSA.

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