. © Xavier Truant

Les personnes qui ont eu un cancer ont moins de chances d’être embauchées

Les personnes qui ont vaincu le cancer et qui veulent reprendre le travail sont victimes de discrimination. C’est ce qui ressort d’une étude de l’Université de Gand.  » Un blanc dans votre CV suite à un cancer est plus préjudiciable que d’avoir 10 ans de plus ».

Une personne qui n’a pas pu travailler pendant un certain temps en raison de son combat contre le cancer a moins de chances d’être embauchée par la suite. « La crainte que cette personne retombe malade après des antécédents de cancer joue un rôle décisif », explique Stijn Baert (Université de Gand), expert du travail, qui vient de superviser une étude sur ce sujet. « Et ce alors que la discrimination sur la base de la santé est interdite. »

Tout le monde connaît quelqu’un qui a été touché par le cancer. Heureusement, le risque de décès diminue grâce à l’amélioration du dépistage et des traitements. De plus en plus de personnes chez qui un cancer a été diagnostiqué survivent à la maladie. Cela signifie que de plus en plus de survivants au cancer reviennent sur le marché du travail », explique Adelina Sharipova, qui a participé à l’étude avec Philippe Sterkens, Ralf Caers et Marijke De Couck. « Et ce retour n’est pas toujours facile ».

Des études antérieures révèlent que le taux moyen de retour au travail après avoir survécu à un cancer est d’environ 60 %. Il apparaît également que tout le monde n’a pas les mêmes chances de réussir son retour au travail. Ainsi, les femmes, les personnes qui doivent effectuer des travaux physiques lourds et les personnes peu instruites ont moins de chances de retrouver un travail. En outre, la suite de la carrière des personnes qui retournent au travail s’avère moins réussie. Les malades du cancer indiquent souvent eux-mêmes qu’ils sont physiquement plus faibles qu’avant leur maladie. En d’autres termes, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes n’est pas toujours brillante. « Celle-ci contient un fond de vérité », déclare Philippe Sterkens. « Des études montrent qu’ils sont parfois moins performants et moins productifs ».

Il y a aussi la perception du monde extérieur. Nous parlons alors de discrimination de la part de l’employeur qui recrute. « Ce dernier point n’avait jamais fait l’objet d’une étude scientifique auparavant », explique Baert. « Notre étude est la première au monde à examiner dans quelle mesure les employeurs sont responsables de l’exclusion d’anciens malades du cancer. Et surtout : quels stigmates peuvent expliquer cette discrimination. »

L’étude gantoise, financée par l’association flamande de lutte contre le cancer Kom op tegen Kanker, révèle que les anciens patients du cancer à entrer formellement en compte pour un job ont 76% de chances d’être invités à un entretien si leur CV mentionne une interruption de travail due au cancer. Les candidats sans arrêt de travail ont 80 % de chances d’être autorisés à passer un entretien. « Cette différence de 4 points de pourcentage est significative et substantielle », déclare Sterkens.

Baert : « L’étude révèle également que chaque année qui passe, vous avez 0,3 point de pourcentage de moins de chances d’être invité à un entretien d’embauche. Un blanc dans le CV dû à un cancer est donc plus préjudiciable que d’avoir 10 ans de plus. Ou pour le dire autrement : si vous mentionnez que vous vous intéressez aux activités culturelles, vous avez 3 points de pourcentage de chances supplémentaires d’obtenir un entretien d’embauche, et 4 points de pourcentage si vous faites du bénévolat. L’effet inverse après un cancer est du même ordre de grandeur ».

Il y a donc clairement discrimination si vous postulez à un emploi après votre traitement contre le cancer. Mais d’autres facteurs peuvent également plaider contre un candidat. « Les chances d’obtenir un entretien après un arrêt de travail dû à un cancer sont plus élevées que si vous indiquez pour ‘raisons familiales’, par exemple », explique Sterkens. « Alors vous n’avez que 73% de chances. Ceux qui ne donnent pas de raison à l’interruption de travail n’ont que 69 % de chances d’obtenir un entretien, ceux qui mentionnent la dépression en ont 67 %. Ces interruptions de travail sont donc encore plus préjudiciables qu’une interruption due à un cancer ».

Baert : « Il va sans dire que le fait de réduire les chances d’un entretien d’embauche sur la base d’antécédents de cancer est illégal. Les gens pensent souvent qu’il n’existe que des discriminations fondées sur le sexe ou l’origine ethnique, mais ce n’est pas le cas : il existe aussi des discriminations fondées sur l’état de santé. Cela signifie également que les tests sur le terrain, qui sont censés vérifier s’il y a discrimination, doivent porter non seulement sur le sexe et les noms étrangers, mais aussi sur la santé ».

Cartes sur table

Pourquoi les personnes qui ont survécu à un cancer sont-elles victimes de discrimination ? Sharipova : « Les personnes qui ont des antécédents de cancer sont considérées comme physiquement moins fortes. Et l’on craint de devoir d’adapter l’organisation du travail, par exemple d’être obligé de proposer des horaires plus flexibles. Ou que des aménagements sont nécessaires sur le lieu de travail, pensez à un mobilier de bureau spécial. Mais on craint surtout qu’elles soient plus souvent malades. »

Selon l’étude, la probabilité estimée d’une nouvelle interruption de travail s’élève à 47 % pour les personnes qui ont déjà abandonné leur activité à cause du cancer. Pour celle qui ont eu une interruption de travail antérieure pour des raisons familiales ou sans explication, la probabilité estimée est plus faible, à savoir 41 et 42%, respectivement. Pour ceux qui ont déjà abandonné leurs études en raison d’une dépression, le risque est estimé à 51 %. Baert : « Ce résultat rappelle des recherches antérieures sur la discrimination sexuelle. Le désavantage des femmes semble généralement lié à la crainte d’absence en raison d’une grossesse. Là aussi, les employeurs estiment que c’est coûteux. »

Cependant, tout n’est pas négatif. Selon Sharipova, un ancien malade du cancer à la recherche d’un emploi est souvent considéré favorablement par un employeur : « D’après notre étude, une personne qui a vaincu le cancer et qui souhaite reprendre le travail est très motivée. Elles obtiennent également de meilleurs résultats que d’autres qui ont un blanc sur leur CV en termes de flexibilité et de résistance au stress. Et l’employeur fait parfois valoir qu’un tel recrutement améliorera la culture du travail ».

L’étude révèle d’autres résultats remarquables: les antécédents de cancer sont moins désavantageux pour les candidats masculins, c’est également le cas si une femme décide de l’embauche, ou si la personne qui décide a elle-même souffert d’un cancer. Mais alors que le sport et le bénévolat sont normalement des atouts supplémentaires pour postuler à un emploi, c’est moins le cas pour les anciens patients du cancer. Sterkens : « Cela signifie également qu’il ne suffit pas d’indiquer sur son CV que l’on fait beaucoup de sport pour montrer que l’on est à nouveau en forme. Il faut l’indiquer de manière plus directe, avec un certificat médical par exemple. »

« Cette étude indique que, dans ce cas, il est dans votre intérêt de vous montrer transparent sur la cause du blanc dans votre CV », souligne Baert. « Ne manquez pas d’attirer l’attention sur les résultats rassurants sur la stabilité de votre santé. De cette façon, vous anticipez la principale raison de la discrimination lors d’une candidature à un emploi. En tout état de cause, il n’est pas souhaitable, d’un point de vue juridique et éthique, que les anciens malades du cancer soient désavantagés sur le marché du travail. »

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