Wouter Van Bellingen © Saskia Vanderstichelen

« Les Flamands éprouvent manifestement plus d’empathie pour les animaux que pour les immigrés »

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Nos confrères de Knack se sont entretenus avec Wouter van Bellingen, le nouveau directeur du Forum flamand des Minorités , à propos du colonialisme, de la classe moyenne blanche et de Zwarte Piet.

Le Centre pour l’Égalité des Chances a jugé récemment que la notion de Zwarte Piet n’est pas raciste. Vous en revanche, êtes d’avis que Zwarte Piet est condamné à disparaître.

Van Bellingen: Il s’agit d’une tradition, mais les traditions aussi évoluent. Si aujourd’hui on constate qu’une minorité est blessée par les vieilles habitudes de la majorité, pourquoi ne pas changer cette habitude ?

Les gens ont évidemment le droit de se sentir blessés, mais dans une société très diversifiée, ne vaudrait-il pas mieux que chacun ne soit pas aussi susceptible ?

Van Bellingen: Voilà une remarque caractéristique de la classe moyenne blanche. Quand il s’agit de liens entre les sentiments de la majorité et les sentiments de la minorité, il me semble qu’il faut aller dans les deux sens. Dans le débat autour de Zwarte Piet, je souhaiterais qu’on abandonne toute forme de populisme et qu’on demande aux historiens et aux chercheurs de nos universités de placer cette notion dans le bon contexte. Personnellement, je suis d’avis qu’il faut se concentrer sur des thèmes beaucoup plus importants.

Bien, mais le débat fait rage. Aux Pays-Bas, même très vivement. Comment cela se fait-il ?

Van Bellingen: Il ne s’agit évidemment pas uniquement de Zwarte Piet, mais de la volonté de la majorité d’une part et des droits de la minorité d’autre part dans une société en cours d’évolution. À l’époque, le débat public était mené exclusivement par des hommes blancs hautement qualifiés. À l’heure actuelle, d’autres avis se font entendre. Que fait-on ? Les ignorer ou en tenir compte ?

Que faire d’une bande dessinée comme Tintin au Congo ?

Van Bellingen: J’ai lu cet album quand j’étais petit. Mais aujourd’hui mes enfants me disent : ‘qu’est-ce que c’est démodé’. Ils ne lisent plus Tintin, ils regardent YouTube. Il faut plutôt se demander à quel point la Flandre a assumé le colonialisme.

Quel est le rapport entre la lecture d’anciennes bandes dessinées et le néocolonialisme? Prenez l’album de Bob et Bobette, « Le Joueur de tamtam », un classique de Willy Vandersteen. Dans cette bande dessinée, une tribu africaine n’arrive pas à vaincre les singes, mais heureusement les héros blancs arrivent à la rescousse. Faut-il également interdire de tels albums ?

Van Bellingen: Je le répète, ces anciennes bandes dessinées ne font plus partie de l’univers d’enfants d’aujourd’hui. Je ne vois donc pas l’utilité de les interdire même si je m’interroge sur la mauvaise volonté de débattre de ces questions. Récemment, Radio 1 a donné la parole à Didier Volckaert, le réalisateur d’un documentaire sur les zoos humains pendant l’exposition universelle de 1913 à Gand. Il disait : ‘Je trouve bizarre que de nombreux Flamands osent laisser tomber d’anciennes coutumes quand il s’agit d’animaux, telles que boire des poissons vivants à Grammont, ou les courses de chevaux à certains endroits. Quand il s’agit de droits des animaux, le Flamand peut donc faire preuve d’empathie. Cependant, il n’arrive manifestement pas à éprouver de l’empathie pour les personnes d’origine allochtone’. Les Flamands éprouvent manifestement plus d’empathie pour les animaux que pour les immigrés. Il faut débattre de ce sujet. Quels mécanismes entrent en ligne de compte ? Je pense parfois que la Flandre a besoin d’un psychologue, pour enfin digérer ces traumatismes : du refus à voir la cruauté du colonialisme en face à la collaboration et à la répression en passant par ses rapports difficiles avec les immigrés et les nouveaux venus.

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