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Les experts de l’UCLouvain vous répondent: « L’Europe est à mi-chemin »

Le Vif

L’Union manque de vision. « On n’avancera pas tant que l’Europe ne sera pas davantage que la somme des parties qui la composent », souligne le professeur Edoardo Traversa.

Question d’un lecteur: Serait-il possible d’avoir enfin une vraie vision européenne de notre continent? Donc mutualisation des budgets, harmonie fiscale, politiques sociales, valorisation de l’immigration qualitative (obligation de donner des moyens obligatoire d’insertion : apprentissage des langues nationales, obligation de formations dans les métiers en pénurie, etc.)

Réponse d’Edoardo Traversa, professeur à la Faculté de droit, président de l’Institut d’études européennes de l’UCLouvain

Je dirai plutôt que le problème n’est pas l’absence de vision mais la différence entre les visions de l’Union européenne qui coexistent actuellement: celle d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, celle du Premier ministre des Pays-Bas Mark Rutte ou encore celle du Premier ministre de Hongrie, Viktor Orbán sont radicalement différentes, sans compter le rêve fédéraliste européen défendu par certains autres. La question à poser serait plutôt : ‘Pourquoi l’Europe n’a-t-elle pas les moyens pour mettre en oeuvre les politiques qui lui ont été confiées » ?’

Actuellement, l’Union européenne doit systématiquement se tourner vers les Etats membres pour prendre une décision. Ceci empêche les institutions européennes de développer une vraie politique. Même quand la majorité du Parlement européen vote en faveur d’une mesure, il faut attendre les représentants des gouvernements des Etats membres pour décider, alors que ces derniers sont bien souvent principalement animés par des considérations purement nationales. De plus, je constate qu’on attend que les décisions soient prises par le Conseil européen, c’est-à-dire les chefs de gouvernement. Or sont-ils vraiment représentatifs des citoyens européens? En quoi le Premier ministre des Pays-Bas, à la tête d’un gouvernement minoritaire représente-t-il davantage les citoyens de son pays que les 29 parlementaires européens élus aux Pays-Bas? Les Etats membres ne sont pas leurs gouvernants. Ce n’est pas comme cela que l’Europe peut avancer.

Si l’Union européenne avait les moyens politiques et financiers, par exemple par l’institution d’un impôt européen ou l’abandon de l’unanimité dans les secteurs de la politique sociale et fiscale, il y aurait l’espace pour mettre en oeuvre une vision plus cohérente. Mais pour le moment, l’Union européenne est à mi-chemin entre une entité politique autonome et une joint-venture des Etats, sans volonté propre. On n’avancera pas tant que l’Europe ne sera pas davantage que la somme des parties qui la composent. Quand on regarde l’Euro, dont la gestion échappe aux Etats membres, on voit que l’on est passé d’une dimension nationale à une dimension européenne. Reste à espérer que la crise renforce cette tendance, en créant des mécanismes de solidarité plus efficace.

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