Alexander De Croo, avec Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, qui vient d'approuver un financement de 5,9 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance belge. © BELGA IMAGE

Les dossiers chauds de la rentrée politique: le défi de la relance économique

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Cet automne devrait livrer ses premiers enseignements sur la priorité du gouvernement De Croo en vue de la relance économique: réinvestir ou miser sur l’équilibre budgétaire? Divergences en vue, de gauche à droite et du Nord au Sud.

« Vous n’avez encore rien vu! » annonçait le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), en juin dernier. La Commission européenne venait alors d’approuver le Plan de relance et de résilience de la Belgique, pour un montant total de 5,9 milliards d’euros, à répartir entre les différents niveaux de pouvoir. Climat, transition numérique, mobilité, social, économie du futur et finances publiques constituent les six axes majeurs de ce plan fort de 85 projets. Il ne constitue toutefois qu’une réponse partielle face à l’ampleur du défi économique et budgétaire auquel Etat fédéral et entités fédérées sont confrontés. La perspective de tourner pour de bon la page Covid-19 cet automne se brouille à mesure que le variant Delta incite de nombreux pays à reporter, au minimum, les mesures de déconfinement. La crise sanitaire a déjà fait perdre près de 50 milliards d’euros à l’économie belge, estimait la Banque nationale de Belgique en juin dernier. Et les inondations de juillet vont contraindre la Wallonie à rediriger des moyens initialement destinés à la relance économique vers le chantier titanesque de la reconstruction des zones sinistrées.

C’est dans ce contexte entaché d’incertitudes que l’Etat fédéral, à l’instar des Régions, devra définir les contours et l’état d’esprit de la relance économique pour ces prochaines années. En Belgique comme ailleurs, la crise sanitaire a révélé un sous-investissement des pouvoirs publics dans plusieurs secteurs, les soins de santé en tête. D’où la volonté affichée par la coalition Vivaldi de redresser la barre, en consacrant l’équivalent de 3,5% du PIB national à des investissements publics (contre 2,6% à l’heure actuelle) d’ici à la fin de la législature, en 2024. Ces décimales supplémentaires représentent un montant de 13,1 milliards d’euros. Compte tenu du financement européen de 5,9 milliards, il reste donc à en trouver 7,2 dans le budget de l’Etat fédéral et des entités fédérées – qui ne sont toutefois pas contraintes de participer à cet effort. La mission s’annonce complexe. « Vous pouvez être d’accord sur l’objectif de réinvestir, mais vous serez toujours confronté à la question budgétaire, souligne Pascal Delwit, politologue à l’ULB. Comment dégager des moyens? Si l’endettement n’apparaît pas comme une voie envisageable, il vous reste à débudgétiser ailleurs ou à dégager de nouvelles recettes. »

Orientations budgétaires

La philosophie de la relance sera donc intrinsèquement liée à la confection du budget 2022, en octobre prochain. Les discussions seront forcément compliquées vu le casting de la Vivaldi (sept partis, quatre familles politiques). Elles le seront d’autant plus au regard de l’orientation que le gouvernement De Croo devra choisir. « La rentrée pourrait être marquée par une alternative, poursuit Pascal Delwit. Je vois deux entrées possibles, et l’une d’elle définira la priorité. Soit le gouvernement estime que la priorité politique est d’investir, compte tenu de ce que la crise sanitaire a révélé à cet égard. Evidemment, il y aura ensuite un débat sur où et comment investir. Ce qu’induit ce premier choix, c’est d’adapter le budget à cette priorité. Soit il considère que la priorité politique, c’est le budget. Dans ce second cas de figure, les arbitrages pourraient se faire aux dépens de la relance. »

Au-delà de la priorité, la méthode pour dégager les moyens nécessaires en vue de la relance économique pourrait mener à un double clivage: idéologique, comme souvent, mais aussi communautaire. « Si vous décidez d’augmenter les impôts, vous affectez proportionnellement plus la Flandre que Bruxelles ou la Wallonie, rappelle Pascal Delwit. Ce n’est donc pas seulement un débat intragouvernemental. N’oublions pas que dans la configuration actuelle, les deux premiers partis de Flandre, la N-VA et le Vlaams Belang, sont dans l’opposition. Si vous augmentez un peu la fiscalité, vous aurez immédiatement une réaction de leur part de nature communautaire. » Un double clivage qui pourrait également survenir lors du nécessaire débat sur la contribution financière de l’Etat fédéral pour le futur plan de reconstruction de la Wallonie. « Face à un événement de telle nature, une entité fédérée, quelle qu’elle soit, doit être aidée, conclut le politologue. Ce serait incompréhensible que le fédéral n’intervienne pas. »

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