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Les Belges, toujours aussi généreux mais différemment

Stagiaire Le Vif

Alors qu’en France, la suppression de l’ISF a freiné la générosité des citoyens, celle des Belges reste intacte. Mieux : depuis 2014, les dons aux associations caritatives n’ont cessé d’augmenter. Le développement de nouveaux systèmes de dons et la professionnalisation du secteur semblent avoir stimulé la bonté des Belges.

En France, les dons aux associations et fondations caritatives ont drastiquement chuté en 2018 selon le quotidien le Monde. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et la mise en place du prélèvement à la source auraient refréné la générosité des Français. Selon le syndicat France Générosité, interrogé par le quotidien, il manquerait 200 millions d’euros sur les 2,9 milliards habituellement collectés par les associations.

Chez nous à l’inverse, les associations continuent de voir leurs dons augmenter depuis quelques années. Après une chute importante suite à la crise de 2008, les Belges ont recommencé à donner de plus en plus. Selon la Croix-Rouge de Belgique par exemple, les dons augmentent en moyenne de 5% par an. En 2017, l’association a récolté 11 134 000 euros de dons en Wallonie. Et prévoit un montant de récoltes plus important pour 2018. « La générosité continue d’augmenter en fonction des besoins. De plus en plus de gens ont besoin de nous et je pense que les besoins sont de plus en plus visibles » explique Erwan Rights, responsable Marketing de la Croix-Rouge de Belgique.

Et la Croix-Rouge n’est pas la seule à observer de bons résultats en 2018. Chez Greenpeace Belgique, l’année a également porté ses fruits. Pierre Schurmans, directeur de la récolte, explique cette croissance constante depuis quelques années par les efforts et investissements de campagne déployés par l’ONG. « On est plus dépendant de notre travail que de tendances sociétales. Sauf s’il y a de grosses crises dans les médias ». Les crises et catastrophes humanitaires jouent, ponctuellement, sur la générosité des gens. « Ce sont des leviers de dons très importants sur lesquels les ONG s’appuient pour convaincre », explique Virginie Xhauflair, titulaire de la Chaire Baillet Latour en Philanthropie et Investissement social de l’Université de Liège.

Chez Action Damien par contre, les résultats sont plus mitigés. Si la collecte de dons reste relativement stable, il n’en va pas de même pour toutes leurs actions. En Belgique, l’association a longtemps reposé sur son emblématique vente de marqueurs. Vente qui ne rencontre plus le succès escompté depuis quelques années. L’association a déployé d’autres méthodes de récolte de fonds pour compenser cette perte de revenu. « La plus forte progression a été enregistrée dans les revenus issus des héritages »,explique Eva De Boeck, attachée de presse de l’association. Les dons par testament – ou legs en duo – sont de plus en plus fréquents dans le secteur associatif. Selon Virginie Xhauflair, cette augmentation des legs s’explique notamment par un important travail de communication autour du mécanisme. « La pratique était relativement peu connue auparavant, des donateurs comme du secteur associatif », explique la chercheuse en philanthropie. Ces dons restent cependant imprévisibles et peuvent difficilement être intégrés dans une gestion budgétaire annuelle. « Si une personne inscrit l’association dans son testament et décède 10 ou 15 ans plus tard, l’association ne peut pas savoir qu’elle bénéficiera d’un don avant le décès ».

Les dons toujours plus nombreux mais sous diverses formes

De manière générale, les Belges ont tendance à donner davantage chaque année. Selon les chiffres du SPF Finances, les dons aux associations caritatives sont en augmentation depuis 2014, malgré une légère baisse en 2017. Pour cette dernière année disponible, l’État a enregistré 222 millions d’euros de dons, contre 224 millions en 2016. Ce montant ne représente pourtant qu’une petite partie de la générosité des Belges. « On ne voit pas la partie immergée de l’iceberg », soutient Virginie Xhauflair. Le SPF Finances ne comptabilise en effet que les dons déductibles fiscalement (de plus de 40 euros). Difficile d’estimer l’ampleur des dons non comptabilisés selon la chercheuse. Mais beaucoup de nouveaux systèmes de dons se sont développés ces dernières années. Les fondations philanthropiques sont de plus en plus nombreuses. « On parle de philanthropie structurée : des citoyens qui décident de structurer leurs dons en créant une fondation », explique la chercheuse en philanthropie.

La générosité embarquée s’est considérablement développée ces dernières années. Des enseignes proposent par exemple d’arrondir le montant des achats de quelques centimes d’euros. Les banques alimentaires proposent de scanner un code-barre supplémentaire pendant ses courses et offrir des vivres aux personnes dans le besoin. « Ces systèmes sont généralement peu douloureux. Les dons tournent autour de dizaines de centimes et pas d’euros. Ils ne se remarquent donc presque pas dans le budget mensuel », explique Virginie Xhauflair, « De plus en plus d’acteurs essayent de développer ces systèmes et de favoriser le comportement de dons ». Selon la chercheuse, les associations préféraient en effet une multitude de petits dons réguliers qu’un don ponctuel plus important.

Les réseaux sociaux rendent plus généreux

Depuis quelques années, les collectes de fonds sur Facebook se multiplient également. Des dons qu’on peut difficilement tracer et comptabiliser. De manière générale, les réseaux sociaux jouent désormais un rôle important dans le secteur associatif. « Je pense qu’il y a une prise de conscience accrue des citoyens grâce aux réseaux sociaux. Ils véhiculent des images et des campagnes auxquels on est directement confrontés. », poursuit la chercheuse. Ils provoqueraient plus facilement des émotions qui déclenchent le don. Elle pointe notamment l’exemple Viva For Life. « Il y a beaucoup d’événements organisés autour de l’action. Ça a un effet de conscientisation important. Je pense que cette machine de guerre qu’est Viva For Life a des impacts sur d’autres causes que la pauvreté ».

Depuis quelques années, Facebook propose à ses utilisateurs d'organiser des collectes de fonds. Mais il reste, pour l'instant, difficile d'évaluer l'importance des fonds récoltés.
Depuis quelques années, Facebook propose à ses utilisateurs d’organiser des collectes de fonds. Mais il reste, pour l’instant, difficile d’évaluer l’importance des fonds récoltés. © DR

Une professionnalisation croissante du secteur

Si la crise de 2008 avait vu les dons chuter drastiquement, et ce, pendant quelques années, le budget des ménages reste un pourtant un facteur important dans leur générosité selon Virgnie Xhauflair. « Mais aujourd’hui, il est contrebalancé par le développement des systèmes de microdons et de générosité embarquée », nuance la chercheuse.

Plusieurs associations font état du défi de la digitalisation et du caractère concurrentiel du marché belge. « Vu la taille de notre pays, on doit solliciter les mêmes donateurs potentiels que d’autres associations, avec les mêmes tactiques », poursuit Pierre Schurmans. Depuis quelques années, le secteur associatif se professionnalise donc en Belgique. En particulier les grandes associations. Ce qui impacte aussi la générosité. « Plus les discours et les techniques de levées de fonds sont efficaces, plus les Belges seront réceptifs et donneront », soutient Virginie Xhauflair.

Nina Dautrebande.

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