Carte blanche

Les actions de l’associatif, caisse de résonance de la crise (carte blanche)

Les plateformes associatives de Mons et La Louvière estiment que le secteur associatif, qui tente d’endiguer les conséquences sociales de cette crise, n’est ni assez pris en compte comme acteur essentiel ni assez consulté par les autorités publiques.

Dès le début de la pandémie, en mars 2020, et lors de la crise sanitaire qui a suivi, des associations citoyennes, du secteur de l’éducation permanente, de l’insertion socio-professionnelle, des Initiatives Locales d’Intégration et du secteur de la jeunesse de la région de Mons et de La Louvière se sont associées en plateformes pour répondre aux besoins urgents apparus auprès de leurs publics au vu de la dégradation de leurs conditions de vie. En effet, la crise sanitaire que nous vivons actuellement a mis en exergue et aggravé les phénomènes de pauvreté. Cette réalité est particulièrement grave pour les citoyens et citoyennes socialement précaires et les personnes résidant en Belgique sans titre de séjour.

Forts de notre expérience sur les territoires de Mons-Borinage et de La Louvière, nous avons décidé de rédiger cette carte blanche car il nous apparaît que le secteur associatif qui tente d’endiguer les conséquences sociales de cette crise n’est ni assez pris en compte comme acteur essentiel ni assez consulté par les autorités publiques.

Trois constats nous rassemblent dans le contexte actuel d’aggravation de la pauvreté et des mesures sanitaires de lutte contre le COVID.

Premièrement, une augmentation de la distance entre les citoyens et citoyennes et les services publics due à la numérisation des échanges et à la réduction de l’accès aux bureaux et aux guichets, à cause de la mise en télétravail de la grande majorité des travailleurs et travailleuses des services publics. La lourdeur des procédures et la numérisation du traitement des dossiers accentuent les difficultés de vie de toutes et tous, a fortiori pour les plus précaires.

Deuxièmement, la fragilisation et la dégradation de l’accès à la protection sociale pour de plus en plus de personnes qui rencontrent des difficultés pour accéder à leurs droits sociaux, ce qui démontre les limites de l’Etat social actif. Celles-ci étaient déjà en cours depuis de nombreuses années.

Troisièmement, notre démocratie est affaiblie car les espaces de dialogue et de délibération normalement à disposition des personnes sont limités, voire inaccessibles. Nous déplorons que les pouvoirs publics n’aient pas encore saisi l’occasion de structurer un réel dialogue avec le secteur associatif et les initiatives citoyennes en les considérant comme des forces vives pouvant élaborer des solutions basées sur la connaissance fine des besoins de la population et sur la participation citoyenne.

Il va de soi que ces mesures exceptionnelles qui nous inquiètent ne peuvent pas être prolongées dans les pratiques quotidiennes des services publics après la crise sanitaire. Pendant celle-ci, d’autres dispositions doivent être mises en place pour assurer à toutes et à tous l’égalité de traitement des demandes d’aides. À titre d’exemple, les recours formulés à l’ONEM ne peuvent actuellement plus l’être que par écrit, ce qui crée des inégalités entre les requérants et requérantes.

Le secteur associatif doit être un interlocuteur des pouvoirs et des services publics et non un de leurs prestataires de services. En plus d’obtenir l’assurance de son autonomie, il doit pouvoir rester le garant d’une plus-value citoyenne démocratique.

Le rôle des associations est d’exercer une vigilance et d’utiliser leur expertise au bénéfice notamment des publics les plus précaires, comme une caisse de résonance de leurs vécus : c’est au nom de ces principes que, depuis le début de la crise, nos plateformes ont pris des initiatives nécessaires pour répondre aux urgences rencontrées par les publics avec lesquels elles sont en contact. En d’autres termes, nos plateformes, à l’instar de la majorité des acteurs associatifs, ont pallié les carences liées aux limites d’interventions de l’Etat social actif.

Les plateformes associatives de Mons et de La Louvière, comme beaucoup d’autres associations, ressentent désormais la nécessité de reprendre leur rôle d’interlocuteur des services publics en exerçant des missions visant à la justice, l’émancipation et la dignité de toutes et tous, parmi celles-ci : leur capacité de faire des choix, de se projeter dans l’avenir et leur nécessité de disposer de moyens d’existence suffisants. Nos plateformes prônent donc l’individualisation des droits sociaux, indépendamment des modes de vie des personnes.

D’ailleurs, des initiatives comme celles des forums organisés par la Fédération des Services Sociaux à Bruxelles et en Wallonie, mais aussi les nombreuses cartes blanches, les appels à la mobilisation du secteur associatif en témoignent. Elles ont toutes en commun la volonté ferme de construire des solutions durables à partir des besoins des personnes, qu’elles soient sans papiers, âgées isolées, sans emploi, travailleurs et travailleuses pauvres, étudiants et étudiantes, qu’elles subissent des violences conjugales ou intrafamiliales, … C’est à partir de ces vulnérabilités que doit être repensée notre société.

Rappelons que le rôle de l’État est de réguler les sphères économiques et sociales. Cette régulation, dans le cadre du principe de solidarité dont les pouvoirs publics sont censés être les garants, doit se traduire par des mesures visant à la prise en charge des différents risques sociaux et à la redistribution des richesses. À ce titre, il doit garantir la protection des personnes les plus vulnérables, à plus forte raison dans cette période de crise et celles qui vont suivre. Nous reconnaissons que pendant la crise les autorités publiques ont mis en place des mesures, néanmoins elles restent insuffisantes.

Rappelons également que la charte associative du 12 février 2009 discutée en son temps par les gouvernements de la Région Wallonne, de la COCOF et de la Communauté Française (Fédération Wallonie-Bruxelles) semble avoir été oubliée bien avant la crise et encore plus au cours de celle-ci. Il est bon de rappeler que cette Charte met en avant la nécessaire complémentarité de l’action associative et de l’action publique dans un but de bien-être collectif.

Nos plateformes souhaitent que le secteur associatif soit entendu sur les décisions prises par les autorités publiques à l’égard des personnes en difficulté avec lesquelles il travaille et que ses interpellations sur les carences des services publics à leur encontre soient écoutées. Quelle que soit sa situation, nous revendiquons pour toute personne un accès égal aux services essentiels qui garantissent sa dignité.

Les plateformes associatives de Mons-Borinage et de La Louvière en appellent donc à une meilleure concertation avec les pouvoirs et les services publics si bien au niveau fédéral que wallon et local afin d’améliorer les réponses données aux personnes et, particulièrement, à celles qui sont en situation de précarité sociale.

Par les plateformes associatives de Mons et La Louvière

Les signataires : ASBL Article 27 Région du Centre ; Association de Défense des Allocataires Sociaux ; Ce.R.A.I.C ; CIMB ; CSC Mons-La Louvière ; la Ligue des Familles ; La Pastorale des Migrants Africains ; les JOC Mons-Borinage ; Lire et Ecrire Centre Mons Borinage ; Maison des Jeunes Robert Beugnies ASBL ; Marche des Migrant-e-s ; MOC Hainaut Centre ; Picardie Laïque ASBL ; Régionale PAC Mons-Borinage ; SERCOM ; Vie Féminine Centr’Hainaut.

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