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Le rôle « interpellant » d’un inspecteur à l’origine de l’arrêt de travail dans les écoles secondaires de la Ville de Bruxelles

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Un arrêt de travail a été observé ce jeudi en matinée dans l’ensemble des établissements secondaires du pouvoir organisateur de la Ville de Bruxelles. Des comportements inappropriés d’une partie de l’Administration de l’Instruction sont, entre autres, évoqués.

L’arrêt de travail annoncé par les syndicats CGSP, CSC et SLFP est consécutif à un climat considéré comme « malsain » par une partie du corps professoral entre les enseignants et l’Administration de l’Instruction Publique, et plus précisément son service d’Inspection pédagogique.

Au premier rang de ses motivations, les syndicats avancent le refus de diligenter une enquête indépendante à propos des comportements inappropriés d’une partie de l’Administration de l’Instruction Publique et ce malgré le dossier « accablant » qui lui a été transmis. « C’est notre plus grosse revendication : qu’une enquête soit lancée« , déclare Michel Thomas, secrétaire régional de la CGSP.

L’affaire remonte au mois de juin dernier. Les syndicats considèrent qu’il y a eu un « coup monté » de la part d’un membre de l’administration à l’Athénée des Pagodes, située sur la commune de Laeken. Plusieurs élèves se sont retrouvés en situation d’échec. Un inspecteur de l’Instruction Publique, dont les enfants étaient scolarisés dans ce même établissement, aurait alors convaincu les élèves de porter plainte contre leurs professeurs. « On a une série de preuves qui montrent qu’il y a eu des interventions de la hiérarchie pour encourager les élèves à porter plainte au PO, sans en parler à la direction« , explique Michel Thomas.

Le directeur général de l’Instruction publique Charles Huygens avait réagi sur le site de SudInfo suite au premier arrêt de travail dans les écoles en octobre dernier. Il admettait avoir reçu des élèves et avouait que la communication avec le corps enseignant n’avait pas été optimale, tout en s’excusant. Le directeur général ajoutait à ce sujet : « Il arrive que les inspecteurs interviennent pour recadrer des enseignants, car nous voulons nous inscrire dans une pédagogie de la bienveillance. Mais je fais remarquer qu’aucune sanction n’a été prise à l’égard d’un enseignant. »

Dans un courrier envoyé à Faouzia Hariche, l’échevine de l’Instruction publique de la Ville de Bruxelles, que nous avons pu consulter, les avocats de trois enseignants de l’Athénée des Pagodes qualifient de « particulièrement interpellant » le rôle joué par cet inspecteur. Ils y voient un conflit d’intérêt manifeste.

Ils s’étonnent notamment du fait que l’inspecteur assigné pour cet établissement n’ait pas été remplacé par un adjoint alors que deux de ses fils y étaient scolarisés. « Le conflit d’intérêts n’implique en effet pas que la personne concernée prenne effectivement une décision orientée par des critères subjectifs, il suffit qu’elle soit susceptible de le faire. Tel est manifestement le cas avec l’Athénée des Pagodes », peut-on lire dans ce courrier.

Les enseignants dénoncent un comportement déloyal à leur égard, mais également vis-à-vis de la direction et du pouvoir organisateur, tout comme des comportements inappropriés de la part de cet inspecteur avec le corps professoral, lors, par exemple, des visites des parents. L’inspecteur en question ne se comportait pas « comme un parent normal », mais se montrait, selon eux, «  bien plus intrusif dans ses questions et exigences tout en agissant hors de tout cadre officiel « .

« Violations éthiques »

Les enseignants avancent aussi des violations éthiques évidentes comme « ses exigences de recevoir au préalable des questions des examens que devaient passer ses enfants » ou « l’annulation d’un zéro pour chacun de ses fils « . Des conversations d’élèves interceptées via Messenger corroborent leurs dires. Ils déplorent en outre que leur autorité ait été « gravement entamée » et le climat de méfiance tout comme le malaise instauré dans l’établissement suite à ces comportements qu’ils jugent inappropriés.

Les syndicats, pour leur part, estiment que cette attitude crée un climat d’impunité. Ils déplorent la gestion de ce rapport par l’échevine en charge de l’enseignement Faouzia Hariche, qui a refusé leur demande de mener une enquête indépendante. Ils sont d’avis qu’elle fait preuve de laxisme. Ils appellent l’échevine à faire preuve de fermeté pour ne pas laisser ce climat d’impunité se développer.

A la suite de cet arrêt de travail, le personnel enseignant s’est mis d’accord sur une motion à envoyer au Cabinet de l’échevine de l’Instruction publique. Le texte de base réitère la demande d’une enquête indépendante à propos de cette affaire.

« Il n’y aura pas d’enquête indépendante »

De son côté, Faouzia Hariche nous a informés dans la foulée du Collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville de Bruxelles ce jeudi matin que la décision de ne pas procéder à une enquête indépendante sur ce dossier avait été entérinée.

Elle réfute, par ailleurs, les accusations avancées. «  Nous avons eu tous les éléments en main, avec un rapport circonstancié qui reprend tous les faits en notre possession et les pierres d’achoppement. Nous en avons conclu qu’il n’y avait pas lieu de mener une enquête externe. L’inspection est bien dans son rôle« , conclut-elle, réitérant sa confiance dans le service de l’Inspection pédagogique.

Et l’échevine de rappeler les objectifs pédagogiques qui tend vers la réussite de tous les élèves. « Il y avait un taux d’échec élevé avec seulement 15% de réussite chez l’un des profs de sciences en dernière année suite à l’utilisation d’un QCM avec points négatifs, une méthode d’évaluation qui est d’ailleurs proscrite à ce niveau, car elle n’a pas de vocation pédagogique. Notre devoir était d’analyser les problèmes en envoyant un inspecteur dans cette école. » Elle regrette le fait qu’un présumé conflit d’intérêts dans l’ordre de l’inspecteur diligenté ait été « monté en épingle » par le corps professoral et que des éléments d’ordre personnel soient venus « vicier » le dossier.

Outre ce dossier, les délégués syndicaux dénoncent des attaques récurrentes à l’encontre des personnes qui mettent en évidence des dysfonctionnements au sein des établissements scolaires de la Ville de Bruxelles, portant ainsi atteinte entre autres aux libertés syndicales. Ces derniers mois, deux délégués auraient fait l’objet d’une agression – à la limite de l’agression physique, soulignent-ils – par leur direction.

Des enseignants ont fait valoir qu’ils étaient prêts à manifester s’ils n’étaient pas entendus. Les écoles néerlandophones de la Ville de Bruxelles ne sont pas concernées par cet arrêt de travail.

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