Guy Martin

Le pacte d’excellence, c’est la mort de l’enseignement technique

Guy Martin Citoyen de la région liegeoise

Au nom d’un enseignement commun (le mythe égalitaire du modèle Condorcet comme disent les spécialistes) les options techniques sont progressivement vidées de leur substance.

Le « Pacte d’excellence » pour l’enseignement est à l’ordre du jour. Apportera-t-il plus de démocratie ?

Non !

Pourquoi ?

Le pacte d’excellence propose un tronc commun jusque 15 ans pour développer l’école orientante fondée sur le modèle de CONDORCET . Le modèle de Condorcet (la même école pour tous) n’est pas un modèle égalitaire. Bien au contraire.

Nous sommes chacun SINGULIERS. Fort heureusement ! Nous avons des tailles différentes, des poids différents, des têtes différentes et … des aspirations et besoins différents.

C’est aussi la même chose dans l’apprentissage. Imposer un même programme à tous (avec les mêmes contenus et appris de la même manière) c’est refuser de respecter ces différences.

Or, celui qui a besoin pour apprendre de contenus « généraux » et utilisant le verbe n’apprendra pas mieux si on lui impose d’apprendre avec des contenus « techniques » et utilisant la main.

L’inverse est vrai aussi.

Dans l’apprentissage, à chacun selon ses besoins et ses désirs (l’équité) est plus efficace que à chacun la même chose (l’égalité).

Ce qui n’est pas acceptable c’est qu’une origine sociale détermine un mode de scolarité (général ou technique) qui entraîne en retour un destin socio économique. Ce qu’il faut refuser c’est que l’école soit un outil de la reproduction sociale.

Imposer à ceux qui ont besoin d’un enseignement articulé sur des contenus techniques et mis en pratiques avec la main, une forme d’enseignement organisée sur le modèle de l’enseignement général c’est les conduire à l’échec et renforcer aussi la reproduction sociale.

Car imposer un tronc commun jusque 15 ans organisé sur le modèle de l’enseignement général, c’est implicitement dire que l’enseignement technique est moins bon, qu’il ne développe pas autant l’intelligence que l’enseignement général. C’est faire d’une différence une déficience. Différent, c’est pas moins bien.

Il est vrai qu’à force de considérer différemment des personnes qui sont les mêmes elles finissent par devenir différentes, mais rien n’est plus injuste que de traiter de la même façon des personnes qui sont cependant différentes.

Nous voilà donc en Communauté française Wallonie Bruxelles engagés, dans un tronc commun pour tous les élèves jusque 15 ans.

C’est une erreur et une faute.

Une erreur pédagogique parce que tous les élèves n’ont pas les mêmes besoins.

Une faute politique parce que le tronc commun de l’enseignement secondaire sera organisé sur le modèle de l’enseignement général, dévalorisant ainsi la force et la portée de la culture technique essentiellement associée à la culture ouvrière.

Mais cela fait longtemps que cette réforme se prépare. J’exprimais souvent à Arnould Clausse, un des pères de l’enseignement rénové, que cet enseignement, tel qu’il avait été concrétisé, soutenait une « normalisation » des formes d’enseignement voulue par les riches au détriment des pauvres.

Le u0022meurtreu0022 de l’enseignement secondaire technique et professionnel était programmé

Cela fait longtemps en Belgique que dans l’enseignement technique, les cours de l’option groupée ( c.-à-d. Les cours techniques) sont réduits au profit de la formation commune ( les cours généraux).

Au nom d’un enseignement commun (le mythe égalitaire du modèle Condorcet comme disent les spécialistes) les options techniques sont progressivement vidées de leur substance.

C’est une FAUTE. Politique et pédagogique.

Politique parce qu’elle prive des enfants souvent issus de milieux modestes, mais pas exclusivement, d’une formation qui réponde à leurs besoins. Mais aussi parce que cette formation n’offre plus à la société les qualifications nécessaires.

Pédagogique parce que la recherche pédagogique a montré que nous n’apprenons bien que ce que nous agissons (learning by doing). On apprend autant avec les mains sur des choses techniques qu’avec la tête sur des contenus généraux.

Depuis que l’enseignement technique dépend du ministère de l’enseignement et est dirigé par des responsables issus de l’enseignement général (à quelques exceptions près, des fondamentalistes en quelque sorte qui n’y comprennent rien à l’enseignement technique) celui-ci est progressivement détruit. Pourtant, dans le discours officiel, l’enseignement technique est une priorité …

Double discours ou bêtise ?

Probablement les deux.

Mais cela est dû pour une part à un abus de pouvoir dont souvent notamment des membres du parti socialiste d’aujourd’hui sont complices . Elle se construit sur un processus de mystification dévalorisant.

Un des fondements de l’abus de pouvoir permettant l’exploitation des pauvres par les riches est le processus de mystification. Il comprend plusieurs catégories.

Le processus de mystification dévalorisant est l’arme privilégiée des riches. Cette arme est mise en place avec la complicité d’intellectuels à leur service pour faire croire aux pauvres que les différences sont des déficiences et que la pauvreté est une conséquence de leurs déficiences. Innéité, élite et mérite sont les concepts sur lesquels s’appuie ce processus de mystification dévalorisant. Il est d’autant plus difficile à comprendre et débusquer qu’il est devenu constitutif des structures cognitives de notre civilisation, comme le montre Bourdieu. Cette Représentation du monde va de soi. Elle habite l’ensemble des sujets percevants, fais partie de l’inconscient collectif et devient imperceptible. Elle est devenue évidente. Et comme c’est une évidence il est très difficile de la remettre en question. C’est le cas de tout élément constitutif de ce que Pierre Bourdieu appelle une révolution symbolique réussie. C’est du reste pour cela et par cela qu’il s’autodétruit progressivement. Il devient hégémonique et totalitaire n’est plus capable de s’adapter et est, par la nécessité de l’évolution, contraint de disparaître.

C’est le mythe de l’école commune fondée hélas sur le modèle de l’enseignement général organisée au départ de l’importance du Verbe qui tuera un enseignement d’excellence offrant à certains issus de milieux peu favorisés (mais pas uniquement) un enseignement qui les dévalorise et en fin de compte les pousse vers la révolte à l’égard d’une société qui ne veut d’eux que pour les exploiter.

Est ce cela l’école d’excellence que l’on veut, lorsque on est démocrate ?

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