Le Musée de Tervuren © belgaimage

Le Musée de Tervuren se dit conscient d’exposer des objets volés

Le Vif

En réaction à la plainte déposée jeudi pour recel qui vise son masque emblématique Luba, les représentants du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren se sont dits vendredi prêts à collaborer à l’enquête et conscients que « de nombreux objets ont été dérobés avec violence à l’époque de l’État Indépendant du Congo, et envoyés ensuite en Belgique ». Leurs recherches sur l’origine des collections du musée constitueront d’ailleurs le thème de la première exposition temporaire du musée rénové en juin 2020.

La salle de vente « Les Ventes Ferraton – Damien Voglaire », également ciblée par la plainte pour soustraction de preuves, a annulé vendredi la vente aux enchères des manuscrits de l’officier Albert Lapière (1873-1910). Les membres du collectif à l’initiative de la plainte estiment qu’ils seraient de nature à prouver le délit de recel mais aussi plus largement des faits de crimes, de meurtres, de mises en esclavage et au travail forcé, de tortures et de pillages. Le musée remarque qu’il dispose d’une copie du journal depuis 1948 et qu’elle est consultable en ligne.

Le musée assure n’avoir nullement l’intention de cacher l’origine des collections et que l’inventaire des archives est systématiquement mis en ligne et laissé à la disposition du public. « Avec notre passé colonial, une partie de nos collections a été acquise lors d’expéditions militaires, par la violence, et sont des prises de guerre », reconnaît Guido Gryseels, directeur du Musée de Tervuren. Il ajoute disposer de preuves de paiement faites à une famille qui avait ramené en Belgique ce type de pièces acquises lors de pillages.

« On n’a pour l’instant aucune demande de restitution. Pour les Congolais, le retour des collections n’est pas quelque chose de prioritaire, car ils n’ont pas de lieux de stockage adaptés. Le directeur du musée national du Congo et les Cabinets autour du président Tshisekedi m’ont dit que leur priorité était de renforcer les capacités pour garder le patrimoine culturel présent au Congo. Aujourd’hui, il y a encore 40.000 à 50.000 pièces ethnographiques qui sont aujourd’hui dans des conditions déplorables. Ils nous demandent une aide à ce niveau. D’ici deux semaines, mes collaborateurs vont donner un cours à Kinshasa sur la conservation des collections », précise-t-il.

L’anthropologue de l’UCLouvain Martin Vander Elst, membre du collectif ayant porté plainte, remarque qu’un groupe de recherche à l’université de Lubumbashi est en train de demander à des experts belges de travailler avec eux à la restitution de la collection du militaire belge Emile Storms. Il ajoute que la restitution est à terme inéluctable.

« On voit qu’à partir du moment où l’information est rendue publique et sort des réseaux fermés de la muséographie, des personnes liés aux différentes familles concernées commencent à se manifester », remarque le chercheur. « Il s’agit de biens mal acquis. Le manuscrit de Lapière témoigne ici des conditions du pillage. La plainte fait mention de l’inaction et du blanchiment car depuis au moins 1948, date à laquelle le musée fait une copie du manuscrit, le musée de Tervuren est au courant de l’origine illicite de ce masque. Il ne s’en cache pas, mais il ne se rend pas compte que le recel est un délit pénal. Il est censé le restituer sans contrepartie ». L’inaction vise ici le fait de ne pas avoir entrepris de démarche pour retrouver les ayants droit une fois l’origine délictueuse connue et le blanchiment à celui de créer de la valeur avec un patrimoine acquis de manière illicite.

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