Tom Vandyck

Le monde selon Poutine : c’est la plus grosse brute qui remporte la mise

Tom Vandyck Tom Vandyck est journaliste et correspondant aux États-Unis pour le Knack.be

Avec son invasion de la Crimée, Vladimir Poutine a acculé l’ouest dans une impasse. Le président Russe a pris l’initiative et les gouvernements n’ont pas les moyens de reprendre la main.

Ce qui se passe en Crimée rappelle une bande de loubards un peu soûls qui cherche la bagarre. Ils viennent de rentrer dans un café des plus cosy et regardent tout le monde d’un air torve. Personne n’ose réagir, car personne n’a envie de se faire déchausser les dents à coup de poing. Et puis, au pire, on appelle la police, n’est-ce pas ? Vous, nous, tous les gens qui sont dans ce café sont beaucoup trop intelligents pour jouer inutilement au macho.

Pisser sur son territoire

C’est un peu dans ce genre de situation que se retrouvent les Obama, Angela Merkel et autres dirigeants du monde. Ils regardent d’un air vide le loubard Poutine faire de l’esbroufe dans leur troquet du coin. Sauf qu’ici, pas de police, puisqu’elle n’existe pas sur la scène internationale. Le seul moyen de faire déguerpir le malotru est de lui donner une leçon qu’il n’est pas prêt d’oublier. Mais ça aussi ce n’est pas possible puisque beaucoup trop dangereux.

La situation en Ukraine est, si on y regarde de plus près, assez simple. La Russie est une puissance nucléaire et on ne commence pas un conflit armé avec une puissance nucléaire. On sait quand cela commence, mais jamais quand cela finit. Pour Poutine, c’est une évidence : nous sommes des lopettes qui préfèrent fuir la queue entre les jambes plutôt que de piser sur leur territoire. La question est que faire alors ? Pas grand-chose hélas. Lorsque quelqu’un comme Vladimir Poutine est déterminé à jouer la grosse brute, il faudrait un sortilège pour le faire changer d’avis.

L’Europe divisée

L’Europe est divisée. L’Europe de l’Est et la Suède souhaitent des sanctions plus sévères. Mais des pays comme la France, L’Italie, l’Espagne et surtout l’Allemagne ne sont pas de cet avis. Si les États-Unis sont au point d’envisager de radier la Russie du G8, pour les Allemands il n’en est, pour l’instant, pas question.

D’ailleurs Merkel a eu ce week-end encore Poutine au téléphone. Tout juste ils se sont mis d’accord sur l’envoi d’une mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Crimée pour vérifier à quel point les russophiles de la presqu’île étaient effectivement menacés . Pour rappel, c’était la raison pour laquelle Poutine s’est déployé en Crimée. C’est tout de même un peu naïf de croire que quelqu’un comme Poutine va se laisser impressionner par un rapport négatif de l’OSCE. N’oublions pas que 40% du gaz utilisé en Allemagne provient de Russie. L’Angleterre non plus n’est pas très vindicative surtout lorsqu’elle pense aux nombreux oligarques présents à la City.

Pour couronner le tout, Merkel vient de déclarer qu’elle n’était pas certaine que Poutine vivait encore dans la réalité. Personne n’a la moindre idée si effectivement Poutine a encore toutes ses capacités mentales. Or avec ce genre poker menteur, c’est celui qui arrive à faire croire aux autres qu’il est capable de tout qui remporte la mise.

La morale de l’histoire c’est que personne ne sait vraiment comment résoudre la situation. Une seule chose semble certaine : c’est Poutine qui a pris l’initiative en occupant la Crimée et qu’il ne sera pas facile de l’en déloger. Et ça, c’est plutôt une mauvaise nouvelle. On entend ici ou là que cela rappelle furieusement l’occupation des Sudètes en 1938 par Hitler. Et c’est vrai qu’il existe un parallèle certain. À l’époque Hitler voulait protéger les germanophones de cette région. Il a ensuite envahi le reste de la Tchéquie et les alliers ont regardé impuissants. Mais cela ne veut pas dire que Poutine est Hitler. Les prochains jours seront déterminants. Poutine va-t-il se diriger vers une solution diplomatique. Va-t-il annexer la Crimée ? Où va-t-il engloutir en plus le reste du pays ? Ce dernier scénario est le plus problématique, car il se retrouverait alors aux frontières de l’Europe et des pays membres de l’OTAN.

Si la plupart des dirigeants clament que ce n’est pas un retour de la guerre froide, cela commence méchamment à y ressembler. La grosse différence, c’est qu’à l’époque de la guerre froide il n’y avait que deux super puissances qui savaient qu’elles ne pouvaient se permettre trop de mouvements fantaisistes. Aujourd’hui, on vit dans un monde de francs-tireurs qui ne sont pas tenus en laisse par les structures de la guerre froide. Si ce genre de menace vient d’un Kim Jong-un ou d’un Bashar Al-Assad, c’est très ennuyeux, mais pas une menace existentielle. La Russie de Poutine c’est une autre paire de manches. La Russie possède encore 8500 ogives nucléaires, l’une des plus grandes réserve de gaz et de pétrole et semble être prête à utiliser ses armées de manières très conventionnelles. Et surtout elle a à sa tête un leader qui rêve de reconquérir les anciens territoires de l’Union Soviétique. Même si l’on devait alors plus parler d’une Union euroasiatique et qui serait plus d’extrême droite que d’extrême gauche.

Il n’y a plus qu’à espérer qu’un mouvement diplomatique par ici et qu’une pression économique par-là fasse pencher la balance du bon côté. Mais comme le dit l’adage : « Il faut espérer le meilleur en se préparant au pire ».

Tom Vandyck / Trad ML

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