Marie-Martine Schyns © ISOPIX

Le monde de l’école attend avec impatience la formation du nouveau gouvernement

Le Vif

Les grandes vacances touchent doucement à leur fin. Les cartables vont bientôt ressortir de leurs placards. D’ici une grosse semaine, les quelque 900.000 élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles vont en effet retrouver le chemin des écoliers, tout comme leurs 125.000 enseignants.

Cette rentrée des classes, la première de cette nouvelle législature communautaire, intervient alors que les négociations pour la formation d’une nouvelle majorité se poursuivent toujours dans la plus grande discrétion, sans trop savoir quelle direction il sera donné à l’école ces cinq années à venir.

Si l’inconnue domine toujours, deux certitudes émergent toutefois.

Un: Marie-Martine Schyns, qui a piloté avec succès la mise en oeuvre d’une bonne partie du Pacte d’excellence, vivra ce 2 septembre sa dernière rentrée des classes en tant que ministre de l’Education. Après sa lourde défaite dans les urnes le 26 mai dernier, son parti, le cdH, a en effet opté pour une cure d’opposition, ce qui empêchera logiquement la Hervienne d’être aux commandes de la suite du processus.

Deux: après l’échec de la tentative de majorité Coquelicot au début des vacances, la Fédération Wallonie-Bruxelles verra, après 15 ans d’absence, le grand retour des libéraux au pouvoir. Entre 1999 et 2004, ils avaient notamment détenu le portefeuille de l’enseignement secondaire et spécial, confié à Pierre Hazette. Ce come-back annoncé des réformateurs aux manettes suscite toutefois bien des questions auprès des acteurs de l’enseignement.

Tout au long de la législature passée, les Bleus s’étaient en effet montrés particulièrement critiques envers plusieurs réformes du Pacte d’excellence, et principalement l’allongement du tronc commun de 14 à 15 ans.

Lors de la campagne électorale au printemps dernier, Charles Michel, président du MR, avait notamment dit vouloir « rouvrir le débat » sur cet allongement si son parti était appelé à la table des négociations en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Or, cet allongement fait partie du délicat équilibre laborieusement négocié près de trois années durant par les acteurs du Pacte, lesquels ont toujours présenté l’édifice comme un « tout indissociable ».

« La question qui se pose maintenant est de savoir si cette prochaine majorité va agir dans la continuité du Pacte ou si l’on doit s’attendre à des changements de direction », analyse Joseph Thonon, de la CGSP-Enseignement.

« L’important, ce sera la prochaine déclaration de politique communautaire (l’accord de majorité, ndlr) pour voir quelles sont les concessions qui auront été faites (aux libéraux). Et la question, c’est de savoir jusqu’où le PS va renier les engagements qu’il a pris lors de la dernière législature… ».

Outre la mise en oeuvre des réformes du Pacte, c’est aussi la question délicate de son financement pérenne qui devra être tranchée par la future majorité, ce qui pourrait bien susciter ici aussi quelques tensions entre futurs partenaires. Sans oublier d’autres sujets de crispation, comme le décret Inscriptions notamment, cher aux socialistes mais dont le MR réclame depuis longtemps l’abrogation…

En attendant l’annonce de la prochaine majorité, sur le terrain, la situation n’est pas des plus aisées.

Malgré diverses mesures annoncées par l’exécutif sortant, les écoles sont toujours confrontées à une pénurie d’enseignants, ainsi qu’à la difficulté de trouver de nouveaux directeurs.

La mise en oeuvre de la nouvelle gouvernance des écoles, avec l’élaboration par les équipes éducatives de ‘plans de pilotage’ propres à chaque établissement, ne se fait par ailleurs pas sans mal dans certaines écoles.

« C’est certainement un des gros défis de cette rentrée », juge Roberto Galluccio, l’administrateur délégué du CPEONS, la fédération des pouvoirs organisateurs communaux, provinciaux et de la Cocof.

« Une première vague de plans de pilotage a été réalisée. Il faut maintenant les évaluer, mais cela se fait de manière tout à fait empirique car on n’a pour le moment aucun recul nécessaire. Cela génère une forme d’inquiétude dans certaines écoles », confie-t-il.

Enfin, comme à chaque rentrée, on connaîtra prochainement le nombre d’élèves toujours sur liste d’attente, faute d’avoir trouvé une place en 1re secondaire. La commission inter-réseaux des inscriptions (CIRI) se réunira une nouvelle fois en début de semaine prochaine pour un nouveau décompte des « sans école ».

Au cabinet de la ministre Schyns, on assure toutefois que leur nombre devrait, grâce notamment à l’ouverture de nouvelles écoles à Bruxelles, être cette année moins élevé que l’an dernier à pareille époque, où l’on avait battu, il est vrai, tous les records depuis l’instauration du décret Inscriptions…

Les principales nouveautés de cette rentrée scolaire

Cette rentrée scolaire 2019 verra plusieurs mesures phares du Pacte pour un enseignement d’excellence entrer en vigueur. Voici les principales nouveautés:

L’enseignement maternel un peu moins cher pour les parents

Si vous avez un enfant qui entre en première maternelle cette année, sa scolarité vous coûtera -un peu- moins cher que précédemment. En effet, en vertu d’un nouveau décret sur la « gratuité » de l’enseignement, la direction de l’établissement ne peut désormais plus vous réclamer une série de frais pour l’achat de matériel, comme des marqueurs, de la peinture ou du matériel de bricolage notamment. Pour compenser cette perte de recettes, les écoles percevront une dotation complémentaire de 60 euros par an et par enfant. Cette gratuité ne sera toutefois que partielle. Les écoles pourront ainsi toujours vous demander de l’argent pour assurer la surveillance des temps de midi ou certaines activités culturelles ou sportives, comme la piscine notamment. Ces mesures s’appliquent à la 1re maternelle dès cette rentrée. Elles seront étendues à la 2e maternelle en 2020, et à la 3e maternelle en 2021. Le surcoût pour le budget de la Fédération est évalué à 3,8 millions d’euros la première année, 7 millions la deuxième, et 10 millions la troisième. Une éventuelle extension de la mesure vers les niveaux primaire et secondaire sera laissée à l’appréciation de la future majorité politique en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Des logopèdes en renfort dans le maternel

Après l’engagement de nouveaux enseignants ces deux dernières années, l’enseignement maternel se voit à présent renforcé par l’arrivée de 170 logopèdes qui viendront en appui des équipes enseignantes. La mesure, prévue par le Pacte, coûtera 10 millions d’euros par an.

La charge de travail des enseignants mieux définie

Longtemps laissés dans un certain flou, les enseignants ont dorénavant une vue plus précise des missions et tâches que leurs directions sont en droit de leur réclamer et pour lesquelles ils sont rémunérés. En plus des prestations en classe devant leurs élèves, les enseignants sont aussi appelés à fournir du temps « pour la classe » (préparation des cours, correction des épreuves, etc.), ainsi que des « services à l’école » (présence aux réunions de parents, participation aux conseils de classe, accompagnement de voyages de classes, etc.). Une partie de leur horaire est par ailleurs affectée à la formation continuée, de même qu’au -et c’est l’une des clarifications importantes contenues dans le texte- au « travail collaboratif ». Il est ainsi attendu de chaque enseignant qu’il consacre chaque année 60 périodes (de 50 minutes) à ce « travail collaboratif », lequel recouvre diverses activités comme la participation aux réunions d’équipes éducatives, aux réunions pédagogiques, au coaching d’enseignants débutants, etc. La mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions donne toutefois lieu actuellement à quelques tensions entre syndicats et pouvoirs organisateurs. Les « services à l’école » attendus des enseignants doivent en effet être insérés dans les règlements de travail des écoles, lesquels sont négociés dans les organes de concertation sociale. Les syndicats souhaitent un inventaire des tâches attendues aussi précis que possible pour éviter tout abus.

La remédiation dorénavant à l’essai en début de secondaire

Afin de lutter contre l’échec et le redoublement, les acteurs du Pacte ont décidé de créer et soutenir davantage les programmes de remédiation. A cet effet, une vaste expérience pilote va débuter ce 1er septembre dans les deux premières années du secondaire. Pas moins de 420 profs, répartis dans 116 équipes multidisciplinaires (français, maths, langues et sciences), seront à pied d’oeuvre dans 38 écoles. Ils testeront avec les élèves différents outils et techniques de remédiation dans les classes. Cette initiative fait suite à des expériences similaires menées depuis janvier dernier dans 85 écoles maternelles et le primaire en matière de lecture. Ces deux projets prendront fin en juin 2020. Ils préparent l’accompagnement personnalisé structurel qui sera déployé année par année à partir de septembre 2020 dans le futur tronc commun prévu de la maternelle jusqu’à la 3e secondaire.

Une indemnité informatique pour les enseignants

La nouvelle ne manquera pas de réjouir les enseignants: ceux-ci peuvent dorénavant se faire indemniser une partie de leurs frais d’équipement informatique ainsi que leur connexion internet privée. Une indemnité forfaitaire annuelle de 100 euros leur est accordée dès cette année.

De nouvelles règles pour désigner les directeurs d’école

Tout le monde en conviendra: pour pouvoir bien fonctionner, une école a besoin d’une bonne direction. A cet effet, un nouveau décret revoit profondément la formation et le mode de désignation des directeurs d’école. Le texte offre une plus grande liberté aux pouvoirs organisateurs des écoles pour choisir leurs directeurs en fonction des besoins propres à chaque établissement. Cette sélection devra toutefois se faire sur base d’une procédure transparente, tout appel à candidatures devant dorénavant être assorti d’un profil de fonction. Cette nouvelle procédure permet d’engager des directeurs non plus sur base de leur ancienneté, mais plutôt en fonction de leurs compétences. Pour accéder au poste de directeur, il faudra toutefois disposer au moins d’un titre de bachelier et de trois années d’ancienneté, sauf dérogation faute de candidat. Parallèlement, la formation des directeurs est renforcée. Elle passe ainsi de 120 à 180 heures afin de doper leurs compétences et connaissances en matière de gestion relationnelle, de pratiques pédagogiques, de leadership ou encore gérer les nombreuses questions administratives. Un directeur choisi à l’issue d’une procédure de sélection exercera d’abord à titre de « stagiaire » durant trois ans (contre deux jusqu’à présent) avant de pouvoir être nommé à titre définitif. Grande nouveauté: les directeurs peuvent dorénavant passer d’un réseau d’enseignement (officiel, communal ou libre) à l’autre, ce qui était quasiment impossible jusqu’à aujourd’hui.

Du changement aussi pour les inspecteurs de l’enseignement

Le pilotage du système scolaire ayant été sensiblement modifié par le Pacte, il convenait logiquement d’adapter les services de l’inspection à ces différents changements. Au nombre de 200 environ, ces inspecteurs de l’enseignement travaillent dorénavant dans un nouveau cadre légal, avec pour mission principale de contrôler le niveau des études, mener des audits globaux ou focalisés dans les établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ils font également office d’informateurs et de conseillers du gouvernement. Il leur appartient à cet effet d’évaluer les politiques d’éducation. Les inspecteurs travailleront aux côtés d’une petite centaine de délégués aux contrats d’objectifs (DCO) et des neuf directeurs de zones (DZ), deux nouvelles fonctions créées par la réforme du pilotage de l’enseignement. Directement rattachés au gouvernement, ils sont répartis au sein de cinq services différents qui couvrent les différents niveaux et types d’enseignement, à savoir celui du futur tronc commun (de la maternelle jusqu’à la 3e secondaire), le secondaire supérieur, l’enseignement de promotion sociale, l’enseignement artistique, ainsi que les services psycho-médico-sociaux (PMS).

La scission des pouvoirs organisateur et régulateur de la FWB se matérialise

Voté en février, le décret spécial scindant les pouvoirs organisateur et régulateur de la Fédération Wallonie-Bruxelles se concrétise davantage ce 1er septembre. A compter de cette date, les droits et obligations que la Communauté française exerçait en tant que pouvoir organisateur de l’enseignement sont en effet officiellement transférés vers une nouvelle structure autonome, appelée Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE). Ce transfert, à titre gratuit, porte sur tous les bâtiments scolaires du réseau de la Communauté française, ainsi que tous les autres biens meubles et immeubles. Le gouvernement devrait aussi confirmer dans les semaines à venir Renaud Witmeur, actuel patron de la Sogepa, le bras financier de la Région wallonne, au poste d’administrateur général de WBE. Il avait été avancé comme unique candidat par le Parlement de la Fédération au début de l’été.

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