Le roi a conduit le nouveau tram 9 © Belga

Le grand retour du tram

Muriel Lefevre

C’est une première depuis presque trente ans : une nouvelle ligne de tram a été ouverte ce week-end à Bruxelles. L’occasion de revenir sur les nombreux avantages du tram en termes de mobilité et les grands projets à venir.

Une nouvelle ligne de tram bruxelloise portant le numéro 9 relie désormais en quinze minutes les stations Simonis et Arbre Ballon, en passant par le site hospitalier de l’UZ Brussel. C’est une première depuis presque trois décennies alors que le réseau de tramways bruxellois a déjà bientôt 150 ans. Grâce à cet ajout, la capitale belge compte désormais de 18 lignes de trams. Autant dire que, samedi, l’heure était à la fête.

Quelques chiffres

Le réseau de tramway de Bruxelles est composé de dix-huit lignes, d’une longueur totale de 215 kilomètres qui couvre 18 des 19 communes bruxelloises. Le tram est présent depuis le 1er mai 1869 dans la capitale. La première ligne reliait la Porte de Namur au Bois de la Cambre et était, à l’époque, tractée par des chevaux. L’un des gros problèmes du réseau est qu’il n’est pas suffisamment protégé de la congestion. En effet, seulement 66 % du réseau est sur sites propres.

« Un véritable exemple pour l’avenir »

Les premiers mètres de rails de la ligne 9 ont été posés en septembre 2015 et la ligne a coûté 76 millions d’euros financés par la Région et Beliris (pour 20 millions). Le tram 9 roulera sur site propre (en gazon) sur l’entièreté de son trajet, soit dix arrêts étalés sur 4 kms, et la ligne sera desservie par les trams les plus modernes de la Stib, pourvus d’un plancher bas et d’air conditionné et qui circuleront toutes les six minutes en heure de pointe, toutes les 10 minutes en journée et toutes les 15 minutes les soirs et week-ends. Cerise sur le gâteau : les rails sont pourvus d’un système de réduction des nuisances vibratoires.

Brieuc de Meeûs
Brieuc de Meeûs© Belga

« Le tram a toujours eu un lien identitaire fort avec Bruxelles. Cette nouvelle ligne de tram rapide est l’illustration du levier de développement de la ville que constitue le transport public » précise de Brieuc de Meeûs, CEO de la STIB. Le ministre bruxellois de la Mobilité, Pascal Smet, fait aussi remarquer que « cette réalisation est un véritable exemple pour l’avenir. On y a amélioré l’espace public, créé une nouvelle liaison rapide connectée au métro et construit un parking. Le tout en 3 ans ». En effet, en parallèle l’avenue de l’Arbre Ballon et la place du Miroir ont été rénovées pour englober un projet de mobilité plus vaste. Cette dernière accueille en effet un parking souterrain de 199 places sur trois niveaux. Les espaces pour piétons et cyclistes ont été élargis et protégés. Les esprits chagrins relèveront bien que 181 arbres ont dû être abattus durant les travaux. Les autorités rétorquent cependant que 240 arbres ont été plantés sur l’ensemble du parcours, ce qui représente un gain de 59 arbres.

Le tram bruxellois n’est pas très accessible pour les personnes à mobilité réduite.

Jusqu’à maintenant, les trams étaient les transports en commun les moins accessibles aux personnes à mobilité réduite à cause de l’espace entre la rame et le quai. Un élément qui a été pris en compte pour la nouvelle ligne, mais qui doit encore subir quelques adaptations.

Une tendance européenne

Depuis les années 1960, le tram avait sérieusement perdu de son aura. « Les tramways avaient même une image négative », dit encore Michel Hubert, sociologue et expert en mobilité à l’Université bruxelloise de Saint-Louis dans De Standaard. On les blâmait de causer « des embouteillages et de bloquer les voitures. » Au moment de l’Expo 58, le réseau de tramway de la capitale était beaucoup plus étendu qu’aujourd’hui. Mais les années qui suivent vont signer son déclin et on va, peu à peu, démanteler de nombreuses lignes et les gros investissements ne serviront plus qu’à l’agrandissement du métro. L’année 1983 va presque signer son arrêt de mort puisque cette année, le gouvernement impose d’importantes restrictions budgétaires à la STIB qui met en place un plan d’assainissement programmé sur cinq années. Ce plan prévoyait de supprimer le réseau ferré de surface, c’est-à-dire le réseau de tramway. Mais devant le tollé suscité par l’idée, on se contente de diminuer la longueur totale du réseau, qui passe alors de 150 à 134 kilomètres. Les années passent et les esprits changent. On constate depuis le milieu des années 1990, un changement de cap. Le tout au métro perd peu à peu de l’ampleur, au point que Bruxelles semble aujourd’hui redécouvrir le tramway. Bien que le métro aspire à lui seul encore un tiers du budget de la STIB, on constate, tel le phoenix, un retour en grâce du tram.

Le grand retour du tram
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En investissant à nouveau dans ce moyen de transport, la capitale bruxelloise ne fait pourtant que suivre une tendance qui s’étend à toute l’Europe, déclare Stefan Stynen de Treintrambus. Pour preuve, les exemples réussis de plusieurs villes françaises, et ce pour plusieurs raisons. Le métro ne pousse pas à faire des choix de mobilité clairs pour limiter le trafic automobile en surface et n’a que peu d’impact sur la qualité de vie des habitants. En effet, contrairement au métro sous terre, les espaces libérés pour le tram sont aussi autant d’espace vert ou de lieu qu’on peut aussi aménager pour les piétons ou les cyclistes. Autre avantage par rapport au métro, une ligne de tram est bien plus rapide à construire et coûte beaucoup moins cher. « Un kilomètre de métro coûte environ 150 millions d’euros, un kilomètre de tramway de 4 à 8 millions », explique M. Smet. Enfin on notera que tram reste prisé par les utilisateurs parce qu’il est rapide (quand il est en site propre) et confortable. A lui seul, il représente 37,2 % des voyages de la Stib.

Si les bénéfices liés au tram ne sont plus à prouver, créer une nouvelle ligne de tram prend du temps, beaucoup de temps. Surtout dans la si alambiquée Bruxelles. Par exemple, pour cette ligne flambant neuve, les premières études remontent à 1981 et les premiers plans concrets à 2000. C’était tout de suite il y a 18 ans. S’il faut 36 ans entre l’idée et la concrétisation d’un tel projet, c’est en grosse partie dû à la complexité typiquement bruxelloise. Des rouages obscurs qui, pour prendre une décision, doivent tenir compte d’un gouvernement régional, d’une administration municipale et des politiciens locaux dans chaque commune. Tout ce beau monde change aussi en fonction des élections. « Lorsque le conseil d’administration change dans une commune, les plans sont souvent modifiés ou supprimés », explique Michel Hubert. Enfin il y a aussi un manque de soutien des Bruxellois qui organisent souvent des levées de boucliers. De quoi rendre l’expansion du réseau encore plus laborieuse. « Ce n’était pas différent pour la ligne 9. Les propriétaires du café l’Ancien Saint-Pierre à Jette ont lancé une pétition, car une partie de leur terrasse devait faire place à la ligne de tram » précise encore Hubert dans de Standaard.

Le grand retour du tram
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Néanmoins, cette complexité ne semble pourtant plus décourager les forces en présence. Pour preuve plusieurs dossiers sont inscrits dans le plan pluri annuel d’investissements de la STIB à l’horizon 2025. Loin de projets lointains, certains sont même prévus à très court terme, voire en passe d’être proposé aux voyageurs. Après la ligne 9, place au tram 8 dès octobre. Techniquement, cette ligne n’est cependant pas nouvelle puisque c’est en réalité l’ancienne ligne 94 rebaptisée à l’occasion de sa prolongation du Musée du Tram jusqu’à Roodebeek. Cette ligne sera encore être étirée par la suite pour rejoindre à terme Marcel Thiry. Autres projets à court terme: les lignes 3 et 7 seront quant à elles prolongées vers le parking C. Enfin, pour renforcer l’offre, près de 175 trams ont été commandés auprès de Bombardier. Les 60 premiers trams devraient être livrés au printemps 2020.

Ensuite, à moyen terme, on parle également d’une liaison « entre la gare du Nord et Laeken (Bockstael), qui desservirait Tour et Taxis et d’une connexion vers Neder-over-Heembeek qui desservirait Docks, l’hôpital Militaire, le nouveau site de Bpost, plusieurs pôles d’emplois, le campus de Solvay ainsi que des quartiers en forte croissance démographique » précise Le Soir qui évalue les coûts à 33 millions pour les quatre kilomètres de la nouvelle ligne, plus 23 millions pour les aménagements des espaces publics. Une réflexion existerait par ailleurs autour de trams de la « Ceinture Ouest » de Bruxelles, par exemple le long des boulevards Mettewie ou Machtens.

Une autre priorité est aussi un meilleur accès à l’aéroport de Zaventem. Ces dernières années, on a pu voir l’aménagement d’une nouvelle ligne « technique », le 62, qui a été converti ultérieurement en ligne de passagers et qui va aujourd’hui jusqu’à l’Otan. Elle est annonciatrice d’un lien direct vers l’aéroport de Zaventem. Sur ce projet les Régions bruxelloise et flamande semblent en effet travailler de concert au point que ce projet semble de moins en moins une utopie. La liaison devrait relier la gare du Nord et l’aéroport en moins de trente minutes. Soit une ligne de douze kilomètres qui court sur les territoires de deux Régions, et qui passerait via Meiser, Bordet et la gare de Vilvorde. On estime que les premiers trams rouleront vers 2021. Autre projet de collaboration avec la Flandre : on parle de 29 kilomètres de voie pour tram rapide qui devrait relier Willebroek au Parking C.

La plus longue ligne de tram du pays est à la côte

Charleroi dispose ce qu’on appelle un métro léger d’une longueur totale de 33,3 km composé d’une boucle centrale au centre-ville et de trois antennes : Gilly / Soleilmont, Fontaine-l’Évêque et Gosselies. A Liège, la réouverture d’une ligne de tram nord-sud allant de Seraing à Herstal et une antenne à Bressoux via le centre-ville est considérée comme acquise, mais il persiste un certain flou quant à l’échéance de ces travaux. Il y a aussi un réseau de tram à Gand et à Anvers. Et, bien sûr le long de la côte. Cette ligne de tram fait soixante-sept kilomètres et propose un trajet de deux heures et demie. Pour ceux qui aiment flâner ou qui goutent les rencontres cocasses.

Le grand retour du tram
© Reuters

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