Bertrand Candelon

Le décodeur de l’économie de Bertrand Candelon: maîtrise de la dette belge, la croissance ou le néant (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

La crise de la Covid a entraîné en 2020 une détérioration significative de la dette belge. Il est aussi illusoire de penser à un effacement partiel ou total de celle-ci. L’effacement de cette dernière n’est donc ni possible ni souhaitable.

La crise de la Covid a entraîné en 2020 une détérioration significative de la dette belge, qui va atteindre 120% du Produit intérieur brut, un niveau record depuis les années 1980. Cet endettement semble pour le moment gérable grâce à des taux de refinancement faibles (voire nuls), conséquence de la politique accommodante de la Banque centrale européenne. Néanmoins, il faut être conscient que cette situation ne durera pas éternellement car des taux d’intérêt négatifs ne constituent pas un équilibre de long terme mais plutôt une exception historique observée depuis la grande crise financière de 2008. Si les taux d’intérêt venaient à augmenter et si cette dette continuait à s’accroître, il y a fort à parier que la Belgique devra faire face tôt ou tard à une crise de la dette souveraine, comme les pays du sud de l’Europe en 2011, avec les mêmes répercussions sur l’activité, le chômage, et le pouvoir d’achat.

L’effacement de la dette n’est ni possible ni souhaitable.

Il est aussi illusoire de penser à un effacement partiel ou total de celle-ci. Tout d’abord, juridiquement, un défaut pourrait conduire à une exclusion de la Belgique des instances européennes, avec ses effets néfastes. Ensuite, économiquement, cela risquerait d’aboutir à une augmentation de la prime de risque belge et donc, en retour, à une aggravation de la dette. L’effacement de cette dernière n’est donc ni possible ni souhaitable. Un report dans un futur lointain, voire très lointain, ne constitue pas non plus une solution miracle. Cela voudrait dire en particulier que les générations futures recevront en héritage notre endettement, qu’elles devront gérer au prix d’une moindre croissance. Je ne suis pas sûr qu’en plus d’une dette climatique, leur laisser une dette financière soit souhaitable.

Il faudra donc, à moyen terme, rembourser d’une manière ou d’une autre cet endettement. Faut-il alors mettre en place, dès à présent, une politique d’austérité, c’est-à-dire une baisse des dépenses publiques ou une augmentation des impôts? Cette idée commence à percoler dans les sphères politiques (réforme des taxes cadastrales, impôt sur le patrimoine…). Le remède pourrait s’avérer être plus nocif que le mal. Cela occasionnerait assurément une baisse de la consommation et de l’investissement. Ces effets ont été observés après la crise de 2008, quand les politiques d’austérité ont réduit la croissance des économies européennes de manière durable.

La seule option pour résoudre le problème de la dette consiste à engendrer de la croissance et à accroître la productivité de l’économie. Mais, d’après mes calculs, avec une croissance moyenne de 1,5% dans les cinq prochaines années et dans les conditions actuelles, il faudrait au moins six ans pour ramener la dette à son niveau de 2019. Il est alors évident qu’attendre passivement un retour à la croissance passée, en espérant de plus qu’il se produise, n’est pas concevable.

Le plan de relance envisage bien d’augmenter l’investissement public dans les secteurs prioritaires tels que la transition environnementale, le numérique, la mobilité, l’inclusion et la productivité, mais il me semble nécessaire d’aller plus loin en lançant des réformes structurelles pour stimuler l’économie belge. Par exemple, il conviendrait de mettre en place des outils performants accessibles à tous pour évaluer de manière objective, et non plus idéologique, l’efficacité d’une dépense publique. Ce qui permettrait une plus grande transparence, plus d’adhésion et donc plus d’efficience. De même, il est urgent de lever les barrières, telles que l’instabilité fiscale et les charges administratives, qui brident l’entrepreneuriat et les petites entreprises, très créateurs de croissance. Dans le plus long terme, la croissance passera aussi obligatoirement par l’éducation et la recherche. Vu les performances de la Belgique dans ces domaines, un électrochoc paraît plus que nécessaire.

La crise de la Covid va donc imposer à l’économie belge de changer de logiciel et d’opérer de nombreux changements structurels. Le niveau de la dette sera à cet égard le principal révélateur du succès ou de l’échec de ces politiques.

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