Aucun négociateur CD&V de la suédoise ne fait partie de l'aile gauche du parti. A contrecoeur, Kris Peeters et Wouter Beke doivent pourtant défendre ses positions. © BELGA

Le CD&V au bord de la schizophrénie

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Jusqu’ici, le Mouvement ouvrier chrétien a fait et défait les gouvernements. Aujourd’hui, il fait pression sur un CD&V pieds et poings liés au milieu de la suédoise.

Une des clés des difficultés rencontrées par les négociateurs de la suédoise se situe au CD&V. Seul parti chrétien au fédéral, le parti du coformateur Kris Peeters est doublement malmené sur son aile gauche : par la grogne sociale qui monte au sein de son pilier syndical et mutuelliste, et par les conséquences de l’affaire Arco, qui a sapé les finances du Mouvement ouvrier chrétien suite à la crise bancaire.

Historiquement, l’aile gauche chrétienne a fait et défait des gouvernements. Cette fois encore, elle veut peser sur l’avenir politique du pays et éviter son délitement social annoncé. Plus que tout autre parti de la suédoise, le CD&V est prisonnier. « Je ne mesurais pas à quel point les piliers syndicaux et mutuellistes avaient encore leur mot à dire au sein du CD&V », grince, depuis le début des négociations, un négociateur libéral. « Tout passe encore par eux. »

« L’influence du Mouvement ouvrier flamand (ACW) reste forte au Nord car des liens structurels demeurent avec le CD&V, confirme Paul Wynants, professeur d’histoire politique à l’université de Namur, spécialiste de la famille chrétienne. Mais la droite a repris du poil de la bête au sein du parti. C’est pourquoi l’ACW, devenu Beweging.net, tente d’obtenir des choses via ses relais dans le parti tout en mettant la pression via la mobilisation syndicale, en promettant un automne chaud. »

Electoralement, le CD&V sait qu’il risque gros : son pilier chrétien compte deux millions de membres actifs. « Le CD&V a l’habitude d’être le parti le plus au centre d’une coalition, analyse Dave Sinardet, politologue à la VUB. Il aurait préféré une majorité de centre-droit avec le CDH et sans l’Open VLD, qui l’aurait placé davantage au centre du jeu. Maintenant, il est sous pression de son aile gauche. »

Pourtant,, s’il précipité une coalition avec la N-VA, c’est peut-être parce qu’il doit… sauver le Mouvement ouvrier chrétien, attaqué de front par les nationalistes. En 2008, l’ACW voit la part des 800 000 coopérateurs de sa branche financière, Arco, avalée dans la chute de Dexia. Montant potentiel de la facture : 1,5 milliard d’euros. Sous la pression des partis chrétiens au gouvernement, l’Etat belge se porte garant de ces pertes. Décision contestée ultérieurement par la Commission européenne : les coopérants ne sont pas des épargnants, ce sont des actionnaires. Et trois ans plus tard, Belfius, successeur de Dexia, conclut un deal avec le Mouvement ouvrier chrétien en rachetant à des conditions extrêmement favorable ses parts bénéficiaires. La N-VA attaque le montage financier à boulets rouges, contraignant le vice-Premier ministre CD&V Steven Vanackere à la démission. Pour le CD&V, l’affaire tourne au cauchemar. Exsangue, l’ACW se restructure et change de nom. « Si Beweging.net a accepté cette coalition si rapidement, c’est peut-être pour neutraliser la N-VA et stopper sa campagne sans merci contre lui », analyse Dave Sinardet. Autrement dit, le CD&V aurait acheté la paix politique sur l’affaire Arco en s’alliant avec la N-VA : plus de révélations explosives dans la presse, pas de commission d’enquête parlementaire, garantie de trouver une solution durable… Et le voilà pieds et poings liés autour de la table des négociations.

Par Olivier Mouton

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec l’opinion des responsables du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) et de Beweging.net

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