Le CCM réagit à l’avant-projet d’arrêté royal des ministres Geens et De Crem

Le Conseil consultatif de la magistrature (CCM) a déploré, dans un communiqué lundi matin, avoir été laissé hors-jeu dans le cadre de l’élaboration d’un avant-projet d’arrêté royal relatif au prolongement des délais de procédure en justice et au recours généralisé à la procédure écrite. Surtout, le CCM relève un certain nombre de réalités de terrain dont l’avant-projet ne tient pas compte. Le texte a déjà suscité de vives réactions de la part d’Avocats.be, qui regroupe les barreaux francophone et germanophone, et a fait l’objet d’une note du Conseil Supérieur de la Justice (CSJ).

Le CCM, qui a pour mission de mener des réflexions sur tout ce qui concerne le statut, les droits et les conditions de travail des magistrats des tribunaux, des parquets et des auditorats du pays, déplore que son avis n’a pas été sollicité dans le cadre de l’élaboration de l’avant-projet.

Nommé « avant-projet d’arrêté royal de pouvoirs spéciaux concernant la prorogation des délais de procédure devant les juridictions civiles et administratives et de la procédure écrite en ce qui concerne les procédures civiles », ce texte a été élaboré il y a quelques jours par le ministre de la Justice, Koen Geens, et celui de l’Intérieur, Pieter De Crem. Il a pour but de permettre à la justice de prolonger ses délais et d’avoir au maximum recours à la procédure écrite, vu les mesures actuelles qui visent à limiter drastiquement les déplacements et les contacts, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.

Malgré le fait qu’il n’a pas été consulté par le ministre de la Justice, le CCM s’est réuni dans l’urgence ce week-end, estimant nécessaire d’émettre son avis sur le texte de loi avant toute prise de décision définitive au niveau du gouvernement.

Le Conseil consultatif de la magistrature s’interroge notamment sur l’idée de recours presque systématique à la procédure écrite dans les matières civiles. « Le recours à la procédure écrite constitue une solution provisoire pour un certain nombre d’affaires civiles, mais elle ne peut se concevoir comme un « remède miracle » permettant de remédier à tous les problèmes et pouvant être appliqué de façon indistincte à tous les types de contentieux », déclare-t-il.

Il rappelle également qu’il n’existe toujours pas à l’heure actuelle de véritable dossier électronique, en ce sens que le « dossier électronique » ne contient pas toutes les pièces nécessaires. Cela représente une difficulté pour mener des procédures exclusivement écrites comme présenté dans l’avant-projet d’arrêté royal. « En outre, il n’existe pas du tout de dossier électronique dans les justices de paix et les tribunaux de police », indique-t-il.

Le CCM épingle également la nécessité d’améliorer rapidement les infrastructures informatiques pour permettre d’optimiser la procédure écrite. Il faut notamment « la mise en place d’un système sécurisé de signature électronique des actes de procédure et des jugements », déclare-t-il.

Le Conseil consultatif de la magistrature rappelle encore qu' »il faut avoir égard aux conséquences immédiates des mesures envisagées sur la charge de travail des greffes et des magistrats », lesquels devraient consacrer beaucoup de temps à la rédaction de rapports, requêtes, etc. Mais aussi qu’il faut avoir égard à « l’impact potentiel de ces mesures sur l’arriéré judiciaire » avec un allongement des délais de procédure.

Enfin, il affirme partager l’analyse qui a déjà été faite par le CSJ. Dans une note rendue le 1er avril, celui-ci estime qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation dans l’élaboration d’un texte aussi important que cet avant-projet d’arrêté royal.

« Quand elle est envisagée sans tenir compte, ou sans tenir suffisamment compte, des réalités de terrain, toute mesure, même à vocation temporaire, peut s’avérer contreproductive », conclut le CCM.

L’avant-projet est actuellement entre les mains du Conseil d’État, qui doit rendre un avis.

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