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Le Belge est en colère : « il faudrait lancer des tomates à la figure de tous les politiciens »

La semaine dernière, cinq confrères de Knack ont fait une tournée dans le pays pour prendre la température des électeurs. Le pays est en colère. Et plus que la démocratie, ce sont ses représentants qui sont mis en cause. « Laissez l’initiative à une nouvelle génération d’hommes politiques ».

« Une honte. » Dans le café culturel de Dixmude, les clients n’ont pas besoin de beaucoup de mots pour décrire le spectacle politique de ces neuf derniers mois. Depuis les élections du 26 mai dernier, les informateurs et les commissaires royaux sont montés sur scène les uns après les autres. Le fait qu’aucun d’entre eux n’ait réussi ne serait-ce qu’à former le début d’un gouvernement fédéral suscite le dégoût et le mépris. Et il n’y a pas qu’au Westhoek que le jugement est si négatif.

70 kilomètres plus loin à l’est, Peggy (57 ans) tient la taverne ‘t Hofke au village de Parike à Brakel. Dans son bar, on discute tous les jours de l’impasse politique, dit-elle. « Quel que soit le parti pour qui on a voté, le fil rouge, c’est : les gens sont en colère ». Pour Hilde, gérante d’une boutique de vêtements à Gand, « l’espoir a pratiquement disparu et les gens perdent leur dernier reste de confiance en la politique ». Egmond (72 ans), qui prend le train Gand-Bruxelles, est lui aussi « au bord du désespoir ».

Peggy
Peggy© Knack

À Bruxelles-Central, les quinquagénaires Marc et Bet boivent un verre avant de partir pour Louvain. Ils sont énervés par les politiciens qu’ils trouvent irresponsables et s’inquiètent pour leurs enfants et petits-enfants.

Stéphanie (43 ans) est opticienne à Wavre et préside l’Association des Commerçants de Wavre. Elle pense qu’il est grand temps d’enfermer les négociateurs fédéraux. « À Val Duchesse. Approvisionnés en repas sobres, et pas de haute gastronomie. Et nous ne les laisserons pas sortir tant qu’ils n’auront pas conclu d’accord. »

Dans la maison de repos Sint-Jozef à Pelt, une commune du Limbourg près de la frontière néerlandaise, le couple Lisa (86 ans) et Frans (89 ans) décrit la formation du gouvernement fédéral comme une « comédie enfantine ». Freddy (70 ans), coiffeur gantois et vendeur de whisky, pense avoir trouvé la solution: « Si après trois mois, ils n’ont pas formé de gouvernement, il faut les destituer et il faut composer une nouvelle équipe. Aujourd’hui, ils s’occupent uniquement de leurs postes. »

Freddy
Freddy© Knack

Jamel Ibrahimi, consultant pour la mosquée Al Bura à Malines, note que les hommes politiques n’ont que les droits et les devoirs à la bouche. Mais où est leur sens du devoir ? Aujourd’hui, je ne vois personne qui transcende les jeux politiques des partis. Pour moi, les partis politiques sont recalés. Tous ».

Jamel
Jamel© Knack

Malgré les multiples nuances et points de vue : le pays est en colère, souvent même très en colère. Retraités, étudiants ou entrepreneurs, les quelque 75 Belges à qui nous avons parlé ne cachent pas leur aversion pour ce qu’ils appellent « l’incompétence » et le « comportement de bambin » des principaux responsables politiques du pays. Certains pensent aussi que les politiciens poussent délibérément au pourrissement du pays. Dans quelques cas, la résignation prévaut, mais les émotions dominantes sont la colère et l’indignation.

L’enquête de Knack ne prétend pas présenter une quelconque valeur scientifique, mais s’inscrit parfaitement dans les résultats d’une enquête menée auprès de 3902 Flamands, Wallons et Bruxellois, publiée la semaine dernière par le quotidien De Morgen. Cinq universités belges (UA, KU Leuven, VUB, UC Louvain et ULB) leur ont demandé leur avis sur le système politique. Les réponses sont éloquentes. Un peu moins de la moitié des personnes interrogées (48,7 %) qualifient les politiciens de corrompus. Seul un quart des Belges pensent que la plupart des politiciens sont compétents, dans une gradation qui va d’un peu à tout à fait. À peine 16 % des personnes interrogées pensent que les politiciens essaient de tenir leurs promesses. Lorsqu’on les interroge sur leurs sentiments à l’égard de la politique, on constate les mêmes émotions que dans notre enquête: la colère, l’inquiétude, l’amertume ou l’angoisse.

Lueur d’espoir dans l’enquête et les conversations que Knack a menées la semaine dernière : la foi en la démocratie représentative reste intacte. 83% croient encore aux élections, 64% pensent que des coalitions devraient être formées pour un gouvernement. La génération actuelle de hauts responsables politiques ne doit pas se sentir soulagée pour autant. Pour 63 % des personnes interrogées, les mêmes hommes politiques tirent les ficelles depuis bien trop longtemps.

Lors de notre voyage en Belgique, la classe politique en prend plein la figure. Pour beaucoup de personnes à qui nous avons parlé, nos dirigeants ne se soucient que de l’occupation du pouvoir, et du fric. Une main pointant vers la poche intérieure – si nous avions bu une bière à chaque fois que ce geste a été fait, nous n’aurions jamais retrouvé le chemin de la rédaction.

Nostalgie

Et pourtant. Comme on l’a dit, le Belge ne semble pas encore avoir perdu sa foi dans la démocratie parlementaire. Plutôt que de disqualifier le système, on incrimine les politiciens qui le composent. Anaïs (38 ans), installée au café Cafénation d’Anvers, voit se produire la même chose qu’en 2010, où il a fallu 541 jours de négociations – la plus longue formation de l’histoire de la Belgique – avant que le gouvernement Di Rupo puisse être formé. « Ces politiciens ne veulent pas conclure de compromis. »

Dans les maisons de repos de Pelt, on ressent une nostalgie pour les hommes d’État d’autrefois. Mais ce sentiment n’anime pas seulement la génération qui a vu Gaston Eyskens à l’oeuvre. Bart, 32 ans et directeur d’une PME de Flandre orientale trouve également que les politiciens n’ont pas assez le sens de l’État. Je ne vois pas de politiciens qui veulent et peuvent conclure des accords « , dit-il. Roeland, habitué du café ‘t Dûrrep à Pelt, fait une comparaison qui revient dans de nombreuses variantes. « Si nous travaillions ensemble comme cela à l’usine, ou plutôt si nous ne travaillions pas ensemble, nous serions à la rue depuis longtemps. »

C’est peut-être cette pensée qui met le Belge en colère. Alors qu’il doit travailler dur pour un salaire souvent modeste, les politiciens de haut niveau peuvent manifestement « lanterner » et « pinailler » en toute impunité tout en étant royalement récompensés. Bien que tous les politiciens ne soient pas rejetés par tous. Certains se voient même lancer des fleurs. « Il y a une femme politique en qui je crois : Sihame El Kaouakibi », déclare Simon (28 ans) à Anvers. « J’ai voté pour elle, mais malheureusement elle ne joue pas de rôle dans les négociations gouvernementales ». Benjamin Dalle, Elio Di Rupo et Bart Somers sont également cités.

Pour quelle raison, la formation d’un gouvernement fédéral s’enlise-t-elle exactement? Un nombre remarquable d’interlocuteurs estiment que le rien ne va plus découle principalement des contrastes politiques entre la Flandre et la Wallonie. Mais beaucoup de gens soulignent que ces contradictions sont exacerbées par des politiciens faisant autorité des deux côtés de la frontière linguistique. L’esprit, c’est que les Wallons, les Flamands et les Bruxellois s’entendent généralement très bien. Si nous allons dans leurs Ardennes ou s’ils viennent à notre côte, vous n’aurez jamais de problèmes », dit un homme âgé qui boit un café avec sa femme au café ‘t Zwaantje, sur le marché de Menin.

C’est du pareil ou même

Les politiciens sèment la peur et la division, déclare Nele (31 ans), boulangère à Gand, un point de vue largement partagé. « Et les médias en font l’écho. » Dans le Bruul, la célèbre rue commerçante de Malines, c’est confirmé par Sarah, Safia et Fatima, trois musulmanes. Elles aussi attribuent l’impasse à la polarisation des politiciens. « Quelqu’un comme Bart De Wever monte les gens les uns contre les autres. Alors que les politiciens doivent rassembler les gens. Bart Somers en est capable. Il a prouvé ici qu’une approche positive de la diversité est payante ». Pour elles, une scission du pays n’est absolument pas une solution. « Cela ne ferait qu’empirer les choses. »

À l’aéroport de Zaventem, Koen (52 ans) et Isabelle (50 ans), en provenance d’Anvers et de Gand, sont sur le point de partir pour Rome. Ils vont regarder le match de la Gantoise contre l’AS Rome. Je suis la formation à distance et j’essaie de ne pas trop m’énerver, mais c’est un triste spectacle », dit Koen. Les politiciens ne s’intéressent qu’à eux-mêmes et à monter les gens les uns contre les autres : les Flamands contre les Wallons, les riches contre les pauvres, la droite contre la gauche. Ils sont tous responsables ». Le mieux serait, selon Koen et Isabelle, que la N-VA et le PS parviennent à un consensus pour s’attaquer aux problèmes vraiment importants – « climat, inégalité, budget » – dès que possible.

Dans La Maison des 8 Heures, un bastion socialiste de Charleroi, les conversations portent principalement sur le sport : Kim Clijsters – vraiment dommage, ce deuxième set – Yannick Carrasco, le Club de Bruges contre Manchester United. Le serveur italien dit qu’il n’a jamais voté de sa vie, ni ici, ni en Italie. Son café respire la politique, mais il s’en moque. En revanche, il sait que le président du PS, Paul Magnette, n’est pas considéré comme un vrai socialiste. Trop savant, trop hautain, trop bobo.

Trois hommes qui boivent un coup après le boulot sont unanimes: les politiciens sont tous pareils. Pour faire leur beurre électoral, ils créent des sentiments de haine entre Flamands et Wallons. Avec succès, d’ailleurs. Ces dernières années, l’atmosphère à la côte vis-à-vis des Wallons est devenue de plus en plus hostile », déclare l’un d’entre eux. « Nous », dit-il en montrant ses amis, « y allions très souvent, mais plus maintenant. Maintenant, nous allons en France, juste de l’autre côté de la frontière. On ne vous regarde pas de travers et c’est moins cher. »

Dans ce nid rouge, Sandro (ouvrier, 53 ans et membre du Parti communiste, pas du PTB) et sa compagne Angèle (44 ans, employée) tombent des nues lorsque nous qualifions la N-VA de parti de centre-droit. Pour eux, la N-VA est sans aucun doute un parti d’extrême droite. « Ils veulent se débarrasser des chômeurs, des étrangers, des retraités », explique Angèle. Et elle continue : « Magnette et le PS l’ont dit tant de fois : jamais avec la N-VA. De toute façon, ils ne peuvent pas s’allier à la N-VA maintenant. Le PS non plus n’ose pas, le parti a beaucoup trop peur du PTB ».

Opticienne à Wavre, Stéphanie voit les choses différemment. « Je me sens wallonne et belge, mais Bart De Wever n’a pas tort sur tous les points. En général, je suis tout à fait d’accord avec lui sur les questions socio-économiques. De plus, la N-VA est le plus grand parti de Flandre, et les Wallons doivent donc travailler avec elle, point final. »

Stéphanie
Stéphanie© Knack

Belgique unitaire

Confédéralisme ? Séparatisme ? La semaine dernière, nous n’avons pas rencontré beaucoup de Belges qui souhaitent scinder le pays sans délai. Ce résultat s’inscrit dans le droit fil de nombreuses recherches scientifiques, comme l’enquête post-électorale relayée par Knack en janvier. Le bureau d’études Kantar a interrogé 2000 électeurs néerlandophones de la Région flamande qui ont voté le 26 mai. Cette étude révèle qu’après cinq ans de stagnation communautaire, 16 % des électeurs souhaitent une Flandre indépendante – soit à peine 1 point de pourcentage de plus qu’en 2014. Ce qui est peut-être encore plus remarquable, c’est que seul un tiers des électeurs du Vlaams Belang le souhaitent, et seulement un quart des électeurs de la N-VA. Pour les deux partis réunis, cela représente une diminution de sept points de pourcentage par rapport à il y a cinq ans. Plus fort encore: 12 % des électeurs de la N-VA veulent même une Belgique unitaire, le Vlaams Belang allant jusqu’à 22 % – un score supérieur à celui de l’électorat du CD&V. Une Belgique unitaire est beaucoup moins taboue parmi le commun des mortels que dans le monde politique. Lorsque le président de la MR, Georges-Louis Bouchez, a plaidé en ce sens fin janvier, les commentateurs politiques ont souvent réagi de manière un peu condescendante.

Certes, même pendant notre tournée, nous avons observé des caricatures mutuelles – « Les Flamands veulent détruire le pays » et « Les Wallons sont contents parce que nous payons ». Pourtant, un gouvernement unique semble être une suggestion populaire pour l’ensemble de la Belgique lorsque Knack les interroge sur les moyens de sortir de l’impasse. « Pourquoi un petit pays comme la Belgique a-t-il besoin de six gouvernements », se demande Jean-Paul (58 ans), un fonctionnaire à la retraite, tandis que Peggy lui sert une deuxième bière brune. « Il existe des villes plus peuplées que la Belgique qui sont dirigées par un bourgmestre et quelques échevins. » Trop de politiciens, avec trop de mandats et des salaires trop élevés : il vaudrait mieux mettre fin à cet excès en passant de six gouvernements et six parlements à un seul gouvernement et un seul parlement. C’est là l’avis de beaucoup de gens.

Bart, le chef d’entreprise de Flandre orientale, préconise l’introduction d’une circonscription fédérale comme premier pas dans la bonne direction. « Alors, tout le monde, politicien et électeur, devrait jeter un coup d’oeil au-delà de la frontière linguistique. » Il déteste ce qui est à ses yeux un raisonnement circulaire. « À la suite des réformes successives de l’État, la Belgique devient plus petite et donc de plus en plus impuissante, et c’est pourquoi elle doit être rendue encore plus petite et encore plus impuissante ? Avec une seule circonscription électorale belge, la Belgique existera automatiquement un peu plus. Et le citoyen aura à nouveau un impact direct à ce niveau. Parce que maintenant, vous votez au niveau fédéral en tant que citoyen flamand, wallon ou bruxellois, et non plus en tant que ‘Belge' ». À l’aéroport de Zaventem, Ann (54 ans) est sur le point de partir en vacances avec son mari Paul (56 ans). Elle va plus loin. « Il y a trop de partis. » Elle est politiquement active au niveau local et affirme que les militants de base des différents partis ont souvent beaucoup en commun. « Prenez l’Open VLD et la N-VA. Ils peuvent très bien fusionner. Cela aussi rendrait les choses plus faciles. »

Une nouvelle génération

Comment pourrait-on débloquer la situation ? Certains plaident pour une plus grande participation citoyenne. Vital estime qu’un gouvernement-miroir avec des ministres délégués par les gouvernements régionaux est une possibilité. Ikram (27 ans), comptable, et George Danho, gérant d’un salon de coiffure à Malines, veulent plus de pouvoir pour le roi, une opinion minoritaire dans notre panel. L’idée formulée l’été dernier par l’ancien informateur Johan Vande Lanotte est populaire: de nouvelles élections quand, par exemple, après une période de trois mois, il n’y a pas encore de gouvernement fédéral. C’est le cas en Espagne, en Grèce ou en Israël, et ça permet de maintenir la pression.

George
George© Knack

Une idée qui revient très souvent : la direction actuelle des partis doit faire place à des jeunes. « Il y a trop de ministres », dit Abdel Badr (44 ans), copropriétaire de la boulangerie Badr à Malines. C’est l’avis de presque tout le monde. Et depuis bien trop longtemps, les mêmes personnages se partagent les postes entre eux. « Laissez une nouvelle génération d’hommes politiques prendre l’initiative ».

« Descendez de trois places sur les listes électorales et donnez une chance à ces personnes », suggère la propriétaire du pub, Peggy. Ou peut-être que le roi devrait demander à des politiciens locaux comme notre conseiller municipal Peter Vanderstuyf de résoudre ce problème. Ils sont proches des gens et ils savent ce qui se passe ». La proposition la plus plébiscitée est de couper les vivres aux politiciens tant qu’il n’y a pas de gouvernement. Ludo (65 ans) et Monique (62 ans), qui dégustent une bière d’abbaye au café ‘t Dûrrep, disent : « Pas de gouvernement ? Pas d’argent. On aura vite un gouvernement. »

Curieusement, l’échéance de Vande Lanotte reçoit beaucoup de soutien, mais peu de gens s’enthousiasment pour de nouvelles élections. Une personne n’a pas envie d’encore se lever tôt le dimanche, la plupart ne voient pas ce que cela changerait – « c’est comme ça qu’on reste dans la même impasse ».

L’idée qui domine, c’est que seuls les partis extrêmes tireront profit de nouvelles élections. Cela conduit à des sentiments mitigés. Comme dans le café culturel de Diksmuide, où les fringants seniors Wilfried, Vital et Philippe jouent au billard. Wilfried, un homme aimable, pense qu’il devrait y avoir plus de politiciens comme Jean-Marie Dedecker, le bourgmestre de la ville voisine de Middelkerke. « Des politiciens qui disent radicalement ce qu’ils pensent ». Il réfléchit. « Bien que parfois il soit un peu trop radical. »

On entend souvent cette contradiction : on dit, parfois en une seule et même phrase, que les hommes politiques doivent réapprendre à faire des compromis et qu’ils doivent être plus radicaux et plus directs. Il en va de même pour la position sur la possible participation du Vlaams Belang au gouvernement. Beaucoup de gens pensent qu’il faut donner une chance au parti. Parfois parce qu’ils soutiennent les idées du parti, mais souvent aussi parce qu’ils pensent que – selon les mots de Wilfried – « le Titanic va vite sombrer ». « Maintenant, ils peuvent crier depuis le banc de touche. Laissez-les faire. Les gens verront que leurs solutions ne sont pas réalistes ». Cela fait réfléchir. La crainte à l’égard de certains membres du Vlaams Belang est présente dans l’esprit de certaines personnes. Wilfried qualifie Dries Van Langenove de « soldat dangereux », et Luc (66 ans), habitant du Brabant flamand, a l’impression d’un retour aux années 1930.

« On dirait des bambins »

Le Vlaams Belang est le sujet de conversation qui suscite peut-être le plus d’émotions en Flandre. Même le sympathique duo de septuagénaires Edgar et Dirk se dispute au bar du ‘t Zwaantje. Les partis traditionnels nous ont plongés dans cette crise, ils en conviennent. Avant, Edgar était de gauche, mais il « vire à droite » en raison de la situation. « Non, si nous continuons comme ça, nos petits-enfants seront le dindon de la farce. » Dirk, coiffeur à la retraite, bondit. « Mais ne votez pas pour le Vlaams Belang ! ça ne va rien résoudre, non? » Edgar riposte : « Donnez-leur une chance ? » Dirk l’écarte d’un geste de la main. « Oh, pas parce qu’ils portent un beau costume, quand même? Edgar tient un discours simple : « Celui qui a le plus de voix doit le faire. Le VB n’est pas le plus grand, mais laissons-le essayer. S’il échoue, nous voterons contre la prochaine fois. Le barman soupire. « Ils sont comme des bambins. C’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet ». La question ne divise pas seulement les gens dans le bar, elle sème aussi le doute. Comme Abdel Badr, le boulanger de Malines. Il dit qu’il craint le Vlaams Belang. « Ce parti nous prend constamment pour cible, nous les musulmans. Je n’aime pas l’idée qu’ils soient aux commandes. Mais en même temps, je me dis parfois : donnez-leur une chance. Ils ont soi-disant une solution pour tout. Voyons comment ils s’en sortent ».

Il semble que le fil conducteur, c’est que pour beaucoup de gens, laisser gouverner le Vlaams Belang est une question de justice démocratique. Le deuxième plus grand parti de Flandre mérite tout simplement une chance, quel qu’il soit. Est-ce là, comme le révèle l’étude des cinq universités flamandes, une foi dans les institutions démocratiques de notre pays, voire dans la capacité d’auto-nettoyage de la démocratie ?

Ce n’est un secret pour personne que le Vlaams Belang ambitionne de nouvelles élections. Le parti fait campagne autour de cette revendication, tout comme le PVDA-PTB, un parti de gauche radicale.

Le couple de personnes âgées Lisa et Frans pense que les politiciens qui organisent de nouvelles élections maintenant ne récolteront que de la mauvaise grâce. Lisa : « Vous verrez pleuvoir les certificats médicaux quand nous devrons retourner aux urnes ». « Nous, on décroche », renchérit Frans. « Je leur rends sur-le-champ la convocation. Je n’écrirai même plus rien dessus ». Peggy ira toujours voter, dit-elle, même si le vote obligatoire était aboli. Gert, qui mâche une saucisse sèche, hésite. Les joueurs de billard de Dixmude, Vital et Philippe, retourneraient certainement voter. Ce dernier ne changerait pas son choix. Vital en partie. « Même couleur, mais pas les mêmes personnes. » Wilfried hésite. « Toute ma vie, j’ai voté pour les partis traditionnels. Lors des nouvelles élections, ce sera Dedecker. S’il participe encore. »

L’entrepreneur Bart ne voit de salut dans de nouvelles élections que si, comme le soutient le spécialiste constitutionnel Marc Uyttendaele (ULB), elles portent explicitement sur l’avenir du pays. « Si la campagne porte sur la formation ratée, vous obtenez encore plus d’ambiguïté et peut-être même plus de votes pour les extrêmes. » Il réfléchit. « Pourquoi nous laissons-nous traiter ainsi ? Je trouve ça vraiment bizarre qu’il n’y ait pas de rébellion. Ce n’est que dans l’isoloir que les gens expriment leur colère, avec un comportement de vote extrême. Bien sûr, je ne préconise pas la violence. Mais cette tomate pour Jan Jambon ! Fantastique. Je ne comprends pas les critiques. Je dirais même plus, nous devrions tous lancer des tomates à chaque politicien. C’est ce que fait un groupe croissant d’électeurs, au sens figuré, dans l’isoloir : lancer des tomates à tous les hommes politiques traditionnels ».

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