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Le 21 octobre 1994, le jour où la FEF est montée au créneau contre le décret Lebrun

Au coeur de la nuit, les députés travaillent. Et allument l’étincelle. Conspué depuis des mois, le fameux décret vient d’être voté au Conseil de la Communauté française. Il est 0h50.

Quelques heures plus tard, dans plusieurs villes, les étudiants délaissent le chemin de l’auditoire pour gagner la rue. Plusieurs quartiers de Liège et de Bruxelles se trouvent même paralysés. Réaction des autorités : autopompes, arrestations… Les grands moyens sont déployés. Philippe Henry, le président de la Fédération des étudiants francophones (FEF), avait pourtant prévenu : si le décret Lebrun était voté, des actions seraient organisées.

Le décret Lebrun, du nom du ministre social-chrétien de l’Enseignement supérieur, est ce texte qui vise à rationaliser le paysage de l’enseignement supérieur francophone. Concrètement, 113 établissements, répartis sur 150 sites, sont appelés à devenir 25 hautes écoles. Et le tout, dès l’automne 1995. La majorité des étudiants s’y opposent. Mais leur colère est plus profonde : depuis le printemps, les acteurs du supérieur réclament un refinancement de leur secteur.

Au fil des mois, la fronde n’a cessé de s’étendre, gagnant une large partie du monde de l’enseignement, l’opposition parlementaire, les milieux syndicaux… Les mécontents varient les méthodes : cartes blanches, interpellations, lobbying politique, et même piquets de grève. Mais en face, le camp gouvernemental se montre uni.  » La réforme est indispensable « , balance Patrick Moriau, fidèle du président socialiste Philippe Busquin.  » Des milliards ne vont pas tomber soudainement dans l’escarcelle de l’enseignement.  »

Au-delà du fond se posent des questions de méthode. Et de pouvoir. Peut-on raisonnablement décréter sans tenir compte des principaux intéressés – les étudiants ? La FEF conteste. Et hausse le ton. Le 27 octobre, elle dégaine à nouveau : 30 000 étudiants défilent dans les rues de Liège. Le 9 novembre, ils sont 25 000 à Namur. Du lourd !

Laurette Onkelinx doit se mouiller. Publiquement, la ministre-présidente de la Communauté française annonce que des moyens seront débloqués pour favoriser la concertation. En outre, chaque établissement d’enseignement supérieur sera tenu de réserver un local aux étudiants. La FEF monte en puissance : c’est elle qui se voit chargée de superviser l’exécution des mesures.

Agée de 21 ans, la Fédération acquiert une légitimité accrue en cette année 1994. Certes, elle s’était déjà fait remarquer dans le passé par ses combats contre l’augmentation des minervals ou la défense des bourses d’études. Mais sans doute est-ce (seulement) à présent qu’elle devient l’incontournable interlocutrice du politique. Le président Philippe Henry, étudiant modèle, homme précis et rigoureux, devient une petite célébrité. Quand on lui demande ce qu’il fera plus tard, il dit espérer un métier  » utile « .

Le décret Lebrun sera finalement suspendu. Puis, remplacé par un texte davantage concerté. Mais le monde de l’enseignement demeurera sur le qui-vive. Après le décret Lebrun, c’est le plan Onkelinx qui mettra le feu aux poudres.

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