Du 25 octobre au 21 novembre 1918, Albert Ier avait installé son QG au château de Loppem,. Il y a reçu les grands chefs de la Belgique occupée et, le 9 novembre, le président français Raymond Poincaré. © BRUXELLES, ARCHIVES DU PALAIS ROYAL.

Le 14 novembre 1918, le mythe du coup de Loppem

Tous les ingrédients sont réunis pour écrire un feuilleton passionnant. Et pour crier au complot. Le cadre tout d’abord : un vieux château ouest-flamand, dont le parc comprend une vingtaine d’hectares, quelques étangs, et même un labyrinthe.

Le contexte : l’armistice vient d’être signé. Les populations hésitent entre liesse et reconstruction douloureuse. Les acteurs aussi : quelques-unes des plus hautes personnalités du pays sont impliquées dans les événements, parmi lesquelles le roi en personne. Et puis, il y a les faits, spectaculaires : en quelques jours, un Premier ministre remet sa démission surprise et une mesure anticonstitutionnelle est accordée. Au fond, que s’est-il vraiment passé, mi-novembre, à Loppem ?

Bruxelles n’est pas encore libérée, mais la guerre approche de son terme. C’est dans ce contexte que le roi Albert Ier commence à sérieusement préparer les lendemains du conflit. Il a installé son quartier général au château de Loppem, près de Bruges. Du 11 au 14 novembre, il y reçoit diverses personnalités. Les grands chefs de la Belgique occupée. Ceux qui sont appelés à  » jouer un rôle  » dans les années qui viennent : les socialistes Joseph Wauters et Edouard Anseele, le libéral Paul-Emile Janson… Le souverain est informé de l’état du pays. On lui fait part des revendications sociales qui habitent les foules, des mouvements révolutionnaires qui pourraient les agiter, des scènes de pillage qui ont déjà commencé.

Le 13 novembre, les choses se précipitent. Ce jour-là, le Premier ministre catholique Gérard Cooremans, 66 ans, présente la démission de son gouvernement au roi. Coup de tonnerre : réunis à Bruges, les autres ministres apprennent l’information… alors qu’ils n’ont pas été consultés ! Dès le lendemain, le chef de l’Etat confie à Léon Delacroix la tâche de former un nouveau gouvernement. Delacroix, 50 ans, est avocat. Jusqu’à présent peu engagé en politique, il apparaît comme un homme neuf. Et moderne.

Au cours de ces journées décisives, un embryon de programme est dessiné. Il est question de reconnaître les syndicats, d’accorder la  » néerlandisation  » de l’université de Gand. Et, surtout, d’accorder le suffrage universel (aux hommes). En théorie, cette mesure ne peut être appliquée qu’au terme d’une longue procédure, et moyennant une révision de la Constitution. Mais le roi et Delacroix décident de faire primer l’urgence sur le respect des lois.

Pourquoi ces décisions ont-elles été prises ? Durant de longues années, la question taraudera le landerneau politique, et particulièrement la vieille droite catholique qui défendra la thèse du coup d’Etat : Albert aurait été pris en otage par les socialistes, qui auraient promis le chaos s’ils n’obtenaient pas le suffrage. Le roi lui-même mettra un terme à la polémique. En 1930, dans une lettre ouverte, il insiste sur le fait que les décisions de Loppem ont été prises en toute liberté. Crédible : il faut dire qu’en 1918, le souverain était déjà favorable au suffrage universel. Les discussions de Loppem n’auront fait que conforter sa conviction.

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