Si le succès est rapide, l'échec est pendant. Louis Michel le reconnaîtra. © BELGA IMAGE

Le 10 février 1999, la Belgique veut juger le monde entier

Dans les années 1990, notre pays élabore une loi de compétence universelle visant à traquer les criminels aux quatre coins de la planète. Mais l’expérience va rapidement tourner court.

Et fiers, avec ça! Au Parlement, les élus votent la loi à l’unanimité. Ils ne sont pas les seuls à se réjouir. Dans la société civile, ONG en tête, on ne cache pas sa satisfaction. Avec sa « loi du 10 février 1999 relative à la répression des violations graves de droit international humanitaire« , la Belgique s’affiche comme une superchampionne de l’éthique. Justicière intrépide, elle s’imagine déjà traquer les « grands méchants » de la planète. Aurait-elle oublié que sur l’échiquier mondial, ce ne sont pas les juges qui font la loi? Et qu’en politique, les rapports de force finissent toujours par l’emporter?

En réalité, notre pays se dote dès 1993 d’une loi visant à poursuivre les personnes coupables de crimes graves de droit humanitaire. La Belgique entend alors conformer sa législation aux Conventions de Genève, tout en allant deux pas plus loin. D’une part, aucun lien ne devra être reconnu entre l’auteur des actes et le territoire belge ; de l’autre, la loi reconnaît l’imprescriptibilité pour les crimes graves. En 1993, la Belgique se place donc à la pointe en matière de droit international pénal. Déjà sous les acclamations de l’opinion publique.

En 1998, le dictateur chilien Augusto Pinochet est dans le collimateur de la justice belge. Mais diverses controverses compliquent le dossier. Et rendent certaines clarifications souhaitables. Le législateur s’engouffre dans la brèche. La loi du 10 février 1999 ôte toute limite aux ambitions belges: désormais, l’ensemble des crimes graves de droit humanitaire pourront être poursuivis, et aucune forme d’immunité ne pourra être reconnue. Quelques mois plus tard, voulant apparaître comme le héros d’une diplomatie éthique, Louis Michel, le nouveau ministre des Affaires étrangères, rayonne.

En quelques années, une quarantaine de plaintes sont déposées à Bruxelles, visant Paul Kagame aussi bien que Fidel Castro, Saddam Hussein ou Ariel Sharon. Mais si le succès est rapide, l’échec est pendant. Dès 2002, la Belgique est condamnée par la Cour internationale de justice pour avoir violé l’immunité du ministre des Affaires étrangères de RDC, Abdoulaye Yerodia Ndombasi. Surtout, dans la communauté internationale, la posture belge suscite de l’agacement. Lorsque des plaintes sont déposées contre George Bush (père et fils) et Colin Powell, les Etats-Unis entrent en campagne. En langage diplomatique, ils menacent les autorités belges de retirer le siège de l’Otan de Bruxelles.

Voulant apparaître comme le héros d’une diplomatie éthique, Louis Michel, aux Affaires étrangères, rayonne.

La situation est devenue intenable. Même Louis Michel le reconnaît, lui qui est amené à rencontrer de hautes personnalités étrangères visées par une plainte à Bruxelles. En 2003, en deux temps, des modifications sont apportées à la législation. De la compétence universelle ne restera finalement plus que celle visant à répondre aux exigences minimales du droit international.

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