Bruno Bernard

Langue française : comment la Flandre se tire une balle dans le pied

Bruno Bernard Dr H.C. Expert en Francophonie Économique

Quel est le lien entre la Suisse, Djibouti, le Rwanda, Hong-Kong, la Tunisie, le Luxembourg, Macao, Jersey, le Liban, Singapour et la Belgique? Ce sont des petits pays multilingues dont le niveau de vie est supérieur à la moyenne des pays unilingues les entourant.

Pourtant, la Belgique est un pays qui semble aller dans la direction d’un monolinguisme ou simple bilinguisme dans ses deux régions. On peut même imaginer que ses habitants se tournent vers le tout anglais, dans un monde soi-disant global. Mais le globish n’est pas une langue parlée par tout le monde.

Que fera d’ailleurs le nord du pays quand ses capitaines d’industrie trilingues seront pensionnés? Certains en Flandre, fâchés sur leurs voisins wallons, ont, en effet, tourné le dos à l’étude et la pratique du français pour une seule langue : l’anglais. Or, il est admis que les résultats des affaires sont supérieurs de 65% si on commerce dans la même langue que son client. Parler le français avec des clients roumains, français, ivoiriens ou canadiens est donc important pour des résultats performants.

Les Chinois ont bien compris que la francophonie, c’est 300 millions de clients potentiels. Ils ont d’ailleurs une chaine TV totalement en français pour l’Afrique http://tv.cctv.com/cctvfrench/ et ils poussent fortement l’étude de cette langue pour le commerce. Il y a, dans les Universités chinoises, plus d’étudiants qui apprennent le français qu’en Flandre.

Le français est la troisième langue choisie aux Etat-Unis dans l’enseignement supérieur. Les Pays-Bas poussent leurs étudiants à choisir le français comme troisième langue de commerce, car ils ont compris que l’Afrique est la Chine des années 80 et que la moitié de l’Afrique parle français (un énorme marché à quelques jours de mer). Un ingénieur néerlandais me disait en français lors de mon séjour à Groningen : « il reste deux continents qui vont exploser économiquement l’Afrique et la Mer, et les deux sont majoritairement francophones ».

Selon les démographes, il y aura un milliard de francophones en 2050 en Afrique. Cette Afrique de l’Ouest qui, ce jour, affiche un taux de croissance de7 % contre 6,5 % en Chine (Chine qui dans 15 ans va crouler sous ses retraités avec sa politique de l’enfant unique et où les salaires sont déjà 3 fois ceux de l’Afrique).

Qui en Flandre sait qu’Abidjan vient d’inaugurer son métro, que le Maroc a un TGV, que Geely vient d’ouvrir une chaine de montage en Tunisie, que Airbus produit en Afrique du Nord, que des hubs géants du commerce ou de la distribution explosent partout sur les côtes africaines, que le premier partenaire des Pays-Bas, pour la production de produits floraux, est l’Afrique?

Non, l’Afrique ne se résume pas à quelques conflits dans les Grands Lacs. Elle est un continent embarqué dans une croissance folle, poussée par la démographie et dotée d’une classe moyenne de consommateurs bientôt égale à la Chine ou l’Inde, mais bien plus proche et dans le même fuseau horaire de business.

Ensuite, il y a la mer. Espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d’exploration et d’usage des ressources. Elle s’étend à partir de la ligne de base de l’État jusqu’à 200 milles marins (370,4 km) de ses côtes au maximum.

Grace à la France, ce sont les pays francophones qui vont détenir la plus grande partie des ressources de la mer (la France, Madagascar, Sénégal, Vanuatu, Maroc, Mauritanie, Haïti…). A ce propos, notre jeune ingénieur batave dit simplement : « les francophones sont les plus grands propriétaires de la mer et nous Hollandais spécialistes de la mer, il faut être stupide pour ne pas maitriser la langue de nos futurs clients ».

Personnellement, comme économiste quadrilingue, je peux comprendre la jeunesse du nord du pays qui va vers le tout à l’anglais. Mais avoir dans son CV les deux seules langues parlées sur les cinq continents est un plus.

Je plaide pour que les écoles en Flandre ne présentent plus le français « comme la seconde langue parlée en Belgique », mais comme la seconde langue, après l’anglais, parlée par plus de 54 gouvernements. Langue de travail de l’Union européenne, de l’ONU, de l’OTAN et langue de commerce mondiale.

Il faut aussi que les écoles apprennent le français de la Francophonie et non le français de Belgique. Que les professeurs montrent aux étudiants que cette langue leur donne accès à de nombreux pays, du Québec à la Guyane, en passant par Madagascar, Djibouti, Vanuatu , Tahiti ou à la Provence et pas seulement aux Ardennes belges.

Il y a eu une génération d’élèves flamands sacrifiée à l’apprentissage de la langue de Molière pour des raisons politiciennes qui va certainement couter très cher à la Flandre en termes de commerce international au profit de son grand voisin et rival de toujours : les Pays-Bas.

En 2018, lors de ma tournée dans les universités de Groningen ou Nimèges, les salles étaient remplies d’étudiants en commerce et pas en littérature. Preuve que la Francophonie économique est plus une réalité là-bas qu’en France.

Il est donc urgent pour l’économie de la Flandre qu’elle inscrive ses enfants aux cours de français afin d’offrir à cette région une clientèle potentielle d’un milliard de clients d’ici en 2050.

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