Thierry Fiorilli

La vie après Stéphane Moreau

Thierry Fiorilli Journaliste

Toute indignation bue, on doit se réjouir de la longue et folle saga Publifin/Nethys. Parce que la répétition des révélations sur le fonctionnement de l’intercommunale liégeoise devenue holding wallon n’a pas servi qu’à exalter la déconsidération citoyenne pour le monde politique.

La ténacité de certains à fouiller dans la tuyauterie de l’empire dirigé par Stéphane Moreau et à en mettre au jour les anomalies a aussi accouché d’enseignements précieux et salutaires :

– la presse a prouvé qu’en faisant son job, depuis trois ans dans ce dossier à tiroirs, elle n’était pas cet allié servile du pouvoir, comme en est convaincue une partie importante de la population ;

– le gouvernement wallon a démontré cet automne qu’un exécutif pouvait lancer des opérations de nettoyage jusque dans les fiefs de ses propres barons ;

– la justice remplit son rôle comme en témoignent encore les PV (révélés par la RTBF) des auditions de mandataires locaux membres des comités de secteur de Publifin, à l’origine du scandale du même nom, fin 2016 – les fameuses réunions où il ne fallait pas siéger mais qui étaient quand même rémunérées. Les questions posées sont implacables, sans la moindre complaisance :  » Avez-vous siégé aux réunions ? « ,  » Saviez-vous quelle y était votre mission ? « ,  » Les informations diffusées lors de ces réunions pouvaient-elles être obtenues autrement ? « ,  » Qui vous a désigné comme membre de ces comités ? « ,  » Quelles sont vos connaissances particulières dans le secteur ? « ,  » Trouvez-vous vos rémunérations en tant que membre du comité de secteur pertinentes en fonction du travail effectué ?  »

Autant d’éléments tangibles qui permettent de considérer que les révélations de pratiques injustifiables ont été suivies, même si ce fut long à la détente, d’actions ou réactions concrètes et toniques pour la démocratie et trois de ses piliers essentiels.

Une autre leçon majeure de la chute, toute lucrative soit-elle, de Stéphane Moreau est à tirer des circonstances qui ont permis à l’ancien golden boy du PS liégeois et sa garde rapprochée de tirer d’énormes profits financiers personnels en mêlant missions et argent public avec méthodes et mandats du privé : l’absence de contre-pouvoirs, très longtemps et pratiquement partout, au sein même et autour de l’intercommunale mastodonte. Beaucoup pourtant auraient dû jouer les remparts ou donner l’alerte, puisqu’ils étaient aux premières loges : trop de médias, trop d’élus enrôlés, les responsables de fédérations de parti, les cercles d’affaires. Mais, par incompétence, faiblesse, fascination, crainte ou intérêt, aucun d’entre eux n’a bronché. Personne n’a empêché l’alors bourgmestre d’Ans et CEO de Nethys de placer ses alliés, d’éliminer les gêneurs (en les achetant ou en les intimidant), de prospérer en toute tranquillité, d’expliquer que tout le monde s’y retrouvait (les communes ont leurs dividendes, les politiques leurs rawettes, l’intercommunale ses bénéfices et Moreau et les siens leurs bonus) et de se négocier contrats mirobolants et parachutes dorés.

La vie après Stéphane Moreau doit, donc, installer des garde-fous, intègres, solides et durables, autour de tout outil ou opérateur économique financé par les deniers publics, donc ceux de la population. Sans quoi, la liquidation de l’ère Moreau ne sera qu’un accident de parcours, une anicroche, pour tous ceux qui ne voient dans l’engagement politique qu’une promesse d’enrichissement personnel rapide garanti.

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