Olivier Mouton
La victoire du MR N-VA compatible
La pantalonnade Bouchez-Ducarme est peut-être révélatrice du malaise du parti, mais ses militants ont pourtant bien choisi de le placer à droite.
Il était croquignolesque d’assister à la passe d’armes à distance, ce mercredi matin, entre les deux vainqueurs de l’élection interne du MR au micro de Thomas Gadisseux, sur la Première. Denis Ducarme, arrivé second avec 25% des voix mais en poussant le favori Georges-Louis Bouchez au second tour, a donc refusé le débat afin de pouvoir se livrer à une analyse : les militants ont choisi de défier l’appareil (entendez : la mainmise de Charles Michel et des ténors du mouvement) et de lancer un signal fort contre les consignes de vote émanant de pratiquement tous les ministres du MR. En réponse, et après avoir croisé son rival dans le studio, Georges-Louis Bouchez a estimé « risible » ce refus de débattre et critiqué du populisme de la part d’un Denis Ducarme qui joue la base contre les élites.
Le second tour, avant le résultat final à la fin du mois, promet d’être chaud entre ces deux coqs à couteaux tirés. Le MR a offert un vrai débat démocratique, avec cinq candidats à la présidence, là où les autres partis (PS, Ecolo et CDH) ont cadenassé la succession. Le risque n’est pas négligeable que l’après-Charles Michel tourne au vinaigre et que le parti revive des moments de profonde déchirure interne, comme ce fut le cas lors de l’épisode de Renaissance entre les clans Michel et Reynders. Après une législature compliquée, après le départ de ses ténors à l’Europe, suite à la rébellion d’Alain Destexhe, le MR n’est pas à l’abri d’une implosion.
Pour autant, on peut lire aussi cette élection comme étant révélatrice… de la victoire absolue de la ligne « droitière » du parti – ou « authentiquement libérale » si l’on veut. Georges-Louis Bouchez adopte un ton nouveau, décomplexé, il vient de l’écurie Reynders et a su s’adapter fort opportunément à l’écurie Michel : il porte un libéralisme authentique, retournant aux sources de la doctrine, mais en étant N-VA compatible. Denis Ducarme veut aller du centre à la droite du spectre politique, « au centre sur le plan social, au centre-droit sur le plan économique et à droite sur le plan sécuritaire ». Là encore, c’est parfaitement N-VA compatible.
A bien lire les résultats du scrutin, on doit bien constater que les grands perdants, ce sont les « libéraux sociaux » qui ne qualifient personne pour le second tour. Certes, Christine Defraigne et Philippe Goffin, qui se revendiquent tous les deux de cette ligne, récoltent à eux deux un quart des voix : les deux élus pour le second tour devront forcément en tenir compte. Mais si le pari michélien, de faire élire Georges-Louis Bouchez au premier tour a échoué, il est bel et bien gagné sur un autre point, central : il n’y a pas eu de remise en question fondamentale de la ligne qui a prévalu au sein du « gouvernement MR-NVA », dont Denis Ducarme fait d’ailleurs partie. Le MR reste au centre-droit, tendance droite.
Si le parti se déchire, ce sera sur un mode de fonctionnement interne, sur le rapport à la base. C’est ce qui était d’ailleurs déjà le cas lors de la guerre des clans Michel-Reynders. Mais pas sur la ligne. Sauf si les tenants d’un libéralisme social tirent les leçons de leur défaite pour s’en aller voir ailleurs, ce qui est peu probable.
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